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LES FIANÇAILLES.


Et l’oiseau blanc fuyait devant un sombre oiseau
Comme un ramier suivi de près par un corbeau.
Moins prompts, déjà, montaient, parmi les ceps de vigne
Le noir chasseur, la vierge en sa candeur de cygne.
On touche au but, voici le perron familier…
Et Pierre, on le comprend, arrivait le dernier.

Lorsqu’on eut, à grands coups de joyeuses paroles,
Châtié les retards de ces deux têtes folles,
On s’assit dans la salle au rustique banquet ;
Et Jacques, se plaignant de l’ami qui manquait :

« Où donc est le docteur ? Un jour de mariage,
Ne saurait-on mourir sans lui dans le village ?
Oublieux du contrat que nous signons gaiment,
S’en va-t-il, quelque part, causer un testament ?
Il nous aime si fort ! Quel cas pressant l’arrête ?
Adieu la bonne humeur, s’il n’est pas de la fête ! »

Et chacun d’ajouter au nom du cher absent
Un regret, un éloge, un mot reconnaissant.

« Mais commençons, dit Jacque, il l’a prescrit lui-même,
Laisser le rôt languir, c’est le crime suprême !
Et, dans son saint respect pour l’ordre du repas,
Le sévère docteur ne nous absoudrait pas. »

La table invitait l’œil ; l’ardeur des francs convives
S’aiguisait d’un bon rire au sel des phrases vives ;
Car chez ces braves gens au sang pur, aux cœurs droits,
L’émotion réserve à l’appétit ses droits.
Fêtant les plats exquis ordonnés par Pernette,