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LES RÉFRACTAIRES.


Et tonné pour les droits du peuple dans les halles,
Peut-être nous pourrions espérer, par hasard,
D’être un peu moins, nous peuple, immolés à César.
Mais, malheur ! nous voilà, bonnes gens, sous la patte
D’un préfet, d’un baron ci-devant démocrate ;
Craignons tout ! il n’est pas de plus âpre tyran
Qu’un Brutus en sabots devenu chambellan.

— Hélas ! dit Madeleine, en l’état où nous sommes,
Fût-il le plus méchant ou le meilleur des hommes,
Que craindre ou qu’espérer ? Je renonce à mon bien.
Me rendra-t-il l’enfant ?… Tout le reste n’est rien.
C’en est fini pour nous de la paix, de la joie ;
Jamais ce bras de fer lâche-t-il une proie ! »

Tandis qu’elle parlait et pleurait en parlant,
Un pas sur l’escalier résonna grave et lent.
On ouvre, et le soleil entre à pleines murailles :
C’était le bon pasteur visitant ses ouailles ;
Il paraît sur le seuil, et tous, jeunes et vieux,
Se lèvent devant lui pleins d’un respect joyeux.

« Mes enfants, dit le prêtre, à chaque jour sa peine ;
Le besoin de pleurer avec vous me ramène.
Pour adoucir le mal, hélas ! je puis bien peu ;
Que j’aide au moins vos cœurs à se tourner vers Dieu !
Et que mon humble amour vous rappelle et vous nomme
Cet amour tout puissant veillant, là-haut, sur l’homme. »

En leur parlant ainsi, le pasteur bien aimé
Leur indiquait le ciel d’un geste accoutumé.
Il reprend :