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PERNETTE.


« Madeleine, ici, chez votre fille,

Vous aurez un appui, vous vivrez en famille,
Dieu vous donne un doux gîte et des jours mieux remplis
Au lieu des murs déserts par la loi démolis.

— Curé, dit le bouillant docteur, je vous renie,
Si vous appelez loi pareille tyrannie.
Contre un joug aussi dur, dès qu’on peut le briser,
La révolte est de droit ! Il s’agit de l’oser. »

Alors, s’étant assis sur le fauteuil antique,
L’homme de Dieu leur dit de sa voix pacifique :

« Oui, d’une loi trop dure et d’un maître inclément
Naît la sédition, d’où naît le châtiment :
Affreux cercle d’airain qui, du chef implacable,
Roule au peuple en démence, et tous deux les accable !
Mais comment rompre, hélas ! sur cette terre en deuil,
L’enchaînement fatal des haines à l’orgueil,
Et qui nous retiendra, courant à notre perte,
Entre l’injure à rendre et l’injure soufferte,
Si nul homme au pardon, de Dieu même enseigné,
N’ouvre une fois son cœur, doucement résigné ;
Si nous rendons toujours offense pour offense ;
Si nous n’essayons pas de l’oubli pour défense ;
Si l’humble charité n’efface un peu des cœurs
Et l’orgueil des vaincus et celui des vainqueurs ?
Ceux qui sèment le vent récoltent la tempête ;
Notre faute d’hier gronde sur notre tête.
Pour nos fils insoumis qui peuplent ces forêts
Le terrible chasseur dresse de nouveaux rets :
Voici que des soldats, sous un chef dur et sombre.