N’est-ce pas ma naissance et mon premier réveil ?
J’ai bien, au fond du cœur, j’ai de vagues images ;
Je revois des vallons, des fleuves, des rivages,
Où, le front couronné, j’allais, fille de roi,
Guidant au bord des eaux des vierges comme moi.
Mais dans ce pâle monde aux formes indécises,
Ni chansons, ni parfums ne flottaient sur les brises ;
La terre était muette et le ciel sans clarté ;
Et je n’y sentais pas la vie et la beauté.
Ah ! j’ai dormi peut-être ! En un rêve encor sombre,
De ce monde promis j’aurai vu passer l’ombre.
Chœur des vivants, salut ! Salut, ô monde vrai,
En qui je me réveille et dans qui je vivrai !
Terre, fleuves, oiseaux, divin peuple des êtres,
Êtes-vous, dites-moi, mes hôtes ou mes maîtres ?
Bruits, souffles embaumés, rayons, charme des yeux,
Faut-il que je t’adore, ô monde harmonieux ! »
« Nous entourons d’amour la couche où tu reposes,
Enfant, toi la plus belle et la reine des choses.
Vois ! partout, dans ces bois, ces prés, sur ces hauteurs,
Dans ces fleuves, il est pour toi des serviteurs. »
« La terre à mon réveil portait, déjà parée,
Les chênes, peuple antique, et la moisson dorée ;
Ces flots avaient coulé, ces rochers étaient vieux,
Et la plus jeune fleur s’ouvrit avant mes yeux.
Sans moi l’herbe a verdi, l’onde a trouvé sa pente ;
Un autre ordonna tout, avant mon âme absente ;