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Page:Laprade - Poèmes évangéliques, Lévy, 1860.djvu/16

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toujours, à l’exclusion du sens théologique et de haute mysticité, le sens rationnel, clair, adapté à la pratique de chaque jour. C’était d’ailleurs nécessaire pour la variété, la liberté, l’intérêt des applications. La poésie ne rend fortement que ce qui a fortement ému le poëte, c’est-à-dire les émotions et les idées qui ont pu lui devenir personnelles. Il fallait donc, en si redoutable sujet, se tenir assez loin du sanctuaire et des éblouissements de la vision pour conserver le droit d’avoir, sur toute matière, un sens personnel et de parler en son propre nom à un auditoire contemporain.

Qu’on ne s’étonne donc pas des libres allures que gardent dans notre livre la méditation et la prière, des légendes inattendues que le peintre enroule autour de ses figures, et qui, supportées par des apôtres ou par des anges, sortent parfois des mains mêmes du Sauveur. Tantôt c’est une effusion de joie vers la nature, un hymne de reconnaissance à Dieu pour la beauté de la création ; tantôt c’est un cri d’angoisse, une larme qui s’échappe, une humble confession, un remords ; c’est un cantique à l’amitié, une épitaphe sur une chère tombe à peine fermée ; c’est une consolation à la faiblesse, un encouragement après la chute ; c’est un fier et stoïque conseil de travail et de pauvreté ; c’est une apostrophe aux bassesses du temps, une aspiration fervente aux splendeurs de la patrie éternelle. Rien de ce qui est humain n’a été laissé par Jésus en dehors de ses enseignements, de sa grâce et de ses exemples. Après la moisson que les Docteurs et les Pères ont tirée de l’Évangile, et celle que l’Église en suscite et en récolte chaque jour, Dieu a voulu qu’il restât encore pour d’humbles glaneurs quelques épis