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Page:Laprade - Psyché, 1857.djvu/43

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qu’ils ont l’âme pour point de départ et pour but : ils en émanent, ils y rentrent en lui rapportant une vie plus intense pour prix de la vie qu’ils en ont reçue. Plus une poésie tend directement à l’âme et lui subordonne les passions, plus cette poésie est humaine dans l’acception légitime de ce mot. C’est parce que les belles-lettres, dans leur ensemble, ont pour fin cet accroissement, celle domination de l’âme, qu’on les a appelées les lettres humaines, humaniores litterœ ; c’est parce que les beaux-arts, au lieu d’être des instruments de plaisir, des serviteurs de la sensation, sont des organes de l’activité morale, des directeurs de l’âme ; c’est parce qu’ils consacrent la supériorité de l’esprit sur la forme matérielle, sa liberté, en un mot, qu’on les a nommés les arts libéraux.

Faut-il entendre cette action morale de la poésie en ce sens que pour atteindre à l’âme elle puisse se passer de l’imagination et du cœur, et qu’elle soit appelée à formuler des enseignements comme la philosophie ? Non, certes, la poésie a ses méthodes qui lui sont propres, et précisément parce qu’elle s’adresse à l’âme, sa direction ne doit pas être détournée au profit de la seule intelligence ; elle n’est pas astreinte à conclure comme un syllogisme. Elle apporte à l’âme bien mieux qu’un conseil direct, bien mieux qu’une exhortation pratique. Lors même qu’elle n’indique pas à notre activité un but déterminé, la poésie nous apporte une force pour agir, un véritable accroissement de la vie.