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LES EXCENTRICITÉS


tiendra des conversations mystérieuses. Cet autre est éméché ; il aura certainement demain mal au cheveux. Pour dépeindre les tons empourprés par lesquels passera cette trogne de Silène, vous n’avez que la liberté du choix entre : teinté, allumé, poivre, pompette, ayant son coup de soleil, son plumet, sa cocarde, se piquant ou se rougissant le nez.

De la figure passons à la marche. L’homme ivre a quatre genres de port qui sont tous également bien saisis. Ou il est raide comme la justice et laisse trop voir par son attitude forcée combien il est obligé de commander à la matière ; ou il a sa pente et croit toujours que le terrain va lui manquer ; ou il festonne, brodant de zig-zag capricieux la ligne droite de son chemin ; ou il est dans les brouillards, tâtonnant en plein soleil, comme s’il était perdu dans la brume.

Attendez dix minutes encore, laissez votre sujet descendre au dernier degré de l’ivresse, et vous pourrez dire indifféremment : Il est plein, complet, rond, humecté, pochard, il a sa culotte, son casque, son sac, son affaire, son compte.

Presque aussi riche est le vocabulaire des voies de fait, — une des conséquences les plus ordinaires de l’ivresse. Plus riche encore serait celui du libertinage s’il était permis de franchir des limites que nous avons serrées d’aussi près que possible, usant du droit qui sauvegarde toute recherche sérieuse.