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L’IRIS BLEU

jours, quand mes amis voulurent à tout prix me marier avec vous : dans la suite vous êtes entré insensiblement dans ma vie, lorsque vous êtes allé à Montréal, je me suis sentie seule ici, si seule que j’étais horriblement triste ; mais il a fallu un incident, un simple incident pour me révéler à moi-même que je vous aimais depuis le premier jour, depuis notre première rencontre dans cette vieille petite église !…

— Andrée ! ma petite Andrée ! que je suis heureux ! s’exclama Yves en portant à ses lèvres la main de la jeune fille. Alors bien sûr vous ne vous moquez pas de moi, vous consentiriez à devenir ma femme ?

— Oui, Yves ! balbutia la jeune fille. Mais ce que nous faisons là est tout à fait en dehors des convenances, nous nous avouons des choses… mais des choses… et nous avons pas même été présentés l’un à l’autre ! Qu’à cela ne tienne, je me charge des présentations : Mademoiselle Andrée Deshaies, je vous présente Monsieur Yves Marin, notaire qui vous demande votre main !

— Eh bien ! Monsieur Yves Marin, à mon tour, je vous présente Mademoiselle Andrée Deshaies qui se déclare heureuse et très honorée de vous l’accorder, répondit la jeune fille en laissant triller un joyeux rire argentin.

— Monsieur Marin, vous pouvez embrasser votre fiancée, ajouta Yves cérémonieusement en s’adressant à lui-même, permission d’ailleurs qu’il ne se répéta pas deux fois et devant ces champs en fleurs qui chantaient l’amour et la jeunesse, Yves et Andrée se donnèrent leur baiser de fiançailles.

— Yves ! s’écria tout à coup la jeune fille, souriante, en s’arrachant à l’étreinte, vous oubliez que je suis mineure et que vous devez vous adresser à mon tuteur…

— Le Docteur ? Eh bien ! allons vite lui demander son consentement. À pas accélérés, ils se dirigèrent vers le chemin.

— Mon soulier ?

— Sommes-nous fous, nous allions l’oublier.

Yves courut le chercher. Depuis longtemps déjà il était sec.

— Que vont dire les commères du village en nous voyant ainsi passer ensemble ? Ce sera tout un événement !

La première personne à être estomaquée fut ce bon Jacques Lambert qui depuis quelques temps guettait le retour de son jeune maître, sur la véranda. En le voyant venir près de la cousine du Docteur Durand, il crut d’abord rêver : « Zélie, vient donc voir, Monsieur Yves avec Mademoiselle Andrée ! »

— Tu dis pas, Jacques ! s’exclama la brave femme qui était accourue à l’avertissement. Mais bon Dieu Jésus, c’est bien vrai !

— Puis regarde-les donc comme ils ont l’air amis !

— Qu’est-ce que tu en penses, Zélie ?

— J’en pense qu’on va avoir des noces avant longtemps !

Les jeunes gens arrivaient et Lambert, portant un immense volume-album sous le bras, alla les rencontrer au chemin.

— Monsieur Yves, je viens de découvrir le gros livre où votre oncle collait ses fleurs. Tenez, regardez-moi cela, voyez comme il y en a ! Vous Mademoiselle qui aimez à collectionner les herbes et les fleurs… Regardez.

— Merci, Monsieur Lambert, j’ai fini de collectionner, j’aurai maintenant d’autres occupations plus sérieuses…

— Quant à moi, mon brave Jacques, toutes ces fleurs fanées ne me disent plus rien, celle que je viens de découvrir vaut infiniment mieux…

— Comment ? Monsieur et Mademoiselle… vont… Oui ! c’est décidé ?…

— Oui, c’est décidé ; mais il faudra garder le secret !

Cependant que les jeunes fiancés regagnaient le village, Lambert retournait auprès de sa vieille qui, anxieuse attendait son retour.

— T’avais raison, la mère, on va faire des noces !

— Bien vrai ?

— Monsieur Yves vient de me le dire et il avait l’air si heureux ! Seulement, il ne faudra pas le répéter !

— Bien, alors, vrai, c’est un homme chanceux ! Et elle donc ! Tiens, je vais aller dire la nouvelle à Monsieur Lauzon…

— Et moi à Mlle Bérénice. Il faudra leur recommander le secret…

Les prévisions de la jeune fille étaient justes ; sur tout leur parcours, les fenêtres se garnissaient de têtes ébahies de les voir passer ensemble, les premiers à les remarquer faisaient signe aux autres et bientôt toutes les familles étaient aux fenêtres.

Ils trouvèrent le Docteur dans son cabinet de travail, tout à fait absorbé dans la lecture d’un nouveau traité de bactériologie ; « Est-ce toi, Andrée ? demanda-t-il.

— Comment ? c’est vous, Monsieur Marin ; quel bon vent vous amène ? je… Puis apercevant Andrée au bras du notaire : Mais quoi ! vous vous connaissez donc ?

— Nous venons de nous présenter l’un à