Page:Larivière - La Villa des ancolies, 1923.djvu/47

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tant, aîné, quand une cliente de marque vient lui confier ses intérêts. La taille bien cambrée, les jambes croisées l’une sur l’autre, la figure sévère, le binocle dans la main gauche, dont il joue distraitement pendant que la dame cause, — je n’ai pas de binocle, je vais prendre ma fourchette… Allez-y, marraine, racontez-moi votre affaire.

— Imagine-toi ma petite Yo, que l’on veut m’intenter un procès ! Et Mlle Perrin refit le récit de l’incident Fidèle-Hainault sans en oublier le moindre détail.

— Voici la lettre que ce Monsieur Hainault m’a fait envoyer. Dis-moi ce que tu en penses.

— Jean Dupras ! Jean Dupras vous a envoyé une lettre ? Oh ! mais en voilà une bonne. Mais, oui, c’est bien sa signature. Vous ne savez pas cousine comme je trouve cela drôle !

— Le connais-tu ?

— Si je connais Jean… mais, cousine de mon cœur. Jean Dupras est l’ancien clerc de notre bureau ! Il est même quelque chose de plus que cela pour moi ; mais laissez-moi lire sa lettre, me délecter un peu de l’harmonie de son style de parfait disciple de la basoche :

« J’ai reçu instruction…

Votre tout dévoué, Jean Dupras, avocat »

Mon Dieu, marraine, que c’est comique. Pauvre Jean, il n’est pas fort en rédaction et moi qui vous parle, j’aurais pu faire beaucoup mieux. Il y a surtout ce souci des honoraires. Y tient-il assez à ses cinq piastres ! Vous ne sauriez croire comme je trouve la farce bonne et je voudrais que vous soyez témoin de son embarras quand je lui dirai que vous êtes ma cousine.

— Tu le connais si bien que cela ? Alors tu pourrais peut-être le voir et essayer de le dissuader de procéder.

— Je vous ai dit que Jean Dupras était l’ancien clerc de notre bureau ; mais il y a plus, il est le prétendant acharné à la petite