Page:Larivière - La Villa des ancolies, 1923.djvu/69

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— Je vous donne carte blanche pendant ce mois, peut-être même allez-vous me trouver un peu gênante, trouble-fête, d’ailleurs si vous aviez déjà noué par ici quelques nouvelles idylles, il vaudrait mieux ne pas m’en faire mystère et m’épargner un faux pas…

— Comment pouvez-vous dire de pareilles énormités ! Vous savez cependant très bien que je n’ai de pensées que pour vous.

— Alors, ça dure encore votre maladie d’amour ?

— J’en suis à la période aiguë.

— Il faut vous faire soigner, mon pauvre ami…

— C’est incurable. Chaque fois que je vais à Montréal, il me faut des trésors d’énergie pour ne pas aller vous voir au bureau. Ma petite Yo, comment pouvez-vous demeurer insensible à ma…

— Hé ! Hé ! Monsieur l’amoureux, vous semblez étrangement oublier notre pacte, la consigne.

— Mais puisque c’est le hasard, la consigne n’est-elle pas levée, ne pourrais-je, durant ce bon mois que nous allons passer ensemble, vous parler à cœur ouvert ?

— Mais non, mon cher Jean, je suis venue à Saint-Hyacinthe chercher du repos, de la tranquillité, il ne faudrait pas me gâter mon séjour ici par vos lamentations ; ce serait regrettable car je m’y plais beaucoup.

— N’est-ce pas que c’est joli ?

— C’est admirable ! J’aime ces grands arbres qui tendent vers le ciel leurs bras feuillus ; les ormes de la rue Girouard sont incomparables. Vers le collège, les pins et les chênes qui bordent le chemin offrent un tableau réconfortant de force et de grandeur et contrastent avec les timides peupliers et tilleuls qui bruissent leurs feuilles à la moindre brise.

— Vous devenez sentimentale, Yo.

— Oh non ! Je trouve les choses belles, j’en éprouve du plaisir sans prendre la peine d’analyser mes sentiments. Ne ressentez-