vous pas de telles émotions sur le parcours de cette rue bordée de fleurs ? Ce qui m’a le plus charmée en arrivant ici, c’est ce soin jaloux que prend chaque mascoutain à rivaliser avec son voisin pour mieux fleurir son parterre. Vous devez aimer les fleurs, vous qui êtes un poète !
— Vous oubliez méchant petit tyran que vous m’avez vous-même condamné a devenir un homme positif, un homme de travail et d’action. C’est à ce prix, si je m’en souviens bien, que vous avez mis votre gracieuse personne.
Comment ? À ce prix ! Je ne me suis aucunement engagée que je sache. Je vous ai dit : « Revenez dans un an ».
— Oui, revenez dans un an ; mais revenez avec, sinon le succès, du moins un gage de succès. Alors, j’ai compris que si je voulais réussir, il me fallait descendre des nuages ; je me suis fait violence, je me suis appliqué à devenir un homme positif, j’ai fait taire toute sensibilité, tout idéal trop azuré ; je suis devenu un petit bonhomme terre à terre, je n’ai plus eu d’autre ambition que le succès, le succès qui me rendrait digne de vous, qui me…
— Pauvre martyr !
— Riez, méchante, riez ; mais voyez quelle belle œuvre vous avez accomplie. Depuis six mois que dure notre fameux pacte, j’en suis rendu à m’interdire d’admirer tout ce qui est beau, à préserver mon âme de toute émotion ; je me suis condamné à n’aimer plus que ce qui est gage de recette, de gros sous… Ces fleurs, que vous trouvez si belles et que moi-même je prenais plaisir à admirer jadis, sont devenues, à mes yeux arides, des choses inutiles, des frivolités. Vous vous extasiez devant cette garniture de balsamines, dont la richesse de coloris ne le cède en rien à la variété des nuances ? Bah ! tout bien examiné ce ne sont que des coquettes sachant bien