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quantité que l’hydrogène ou l’azote. L’élévation de température qui se produit au moment de l’absorption, et la densité du composé, qui se trouve toujours au-dessous de la densité moyenne du liquide et du gaz, semblent démontrer que l’absorption des gaz par les liquides ne saurait être considérée comme une action purement mécanique.

— Physiol. On appelle absorption, en physiologie, l’action moléculaire en vertu de laquelle tout tissu vivant s’approprie les matériaux mis en contact avec lui. Considérée de cette façon générale, l’absorption est une propriété appartenant à tous les tissus, mais plus ou moins développée dans chacun d’eux. On a longtemps cru qu’elle s’effectuait par des orifices qu’on appelait bouches absorbantes ; l’observation est venue donner un démenti à cette hypothèse, en montrant que les liquides doivent toujours passer à travers des membranes. Ces membranes sont, il est vrai, perméables et, mises en contact avec un liquide, ont la propriété de s’en imbiber. Mais l’imbibition qui prépare l’absorption ne suffit pas pour l’expliquer, pour rendre compte du courant qui s’établit entre le milieu et l’organisme. L’absorption est produite par une force particulière, purement physique, que Dutrochet a le premier fait connaître sous le nom d’endosmose (V. ce mot), et en vertu de laquelle deux liquides de nature différente, séparés par une membrane végétale ou animale, ou même par un corps brut très finement poreux (une lame d’ardoise, par exemple), tendent à se mélanger à travers cette membrane, s’attirent mutuellement, mais inégalement, et de telle façon que le courant prédominant marche presque toujours du liquide le moins dense vers le plus dense. Deux gaz séparés par une membrane présentent ces mêmes phénomènes d’endosmose qui expliquent, comme on le voit, l’absorption respiratoire ou aérienne, aussi bien que l’absorption digestive ou alimentaire. Quand on considère l’absorption comme une propriété des tissus, on compte, dans les animaux supérieurs, quatre espèces principales d’absorptions, qui entrent dans le jeu normal et régulier de la vie : 1o absorption digestive ou alimentaire ; 2o absorption aérienne ; 3o absorption assimilatrice ; 4o absorption désassimilatrice.

L’absorption digestive est l’absorption d’aliments solides et de boissons. L’absorption aérienne appartient à la respiration. L’absorption assimilatrice est l’acte par lequel chaque élément anatomique, chaque tissu, chaque organe, puise dans le sang les éléments aptes à le réparer. L’absorption désassimilatrice, appelée par Hunter interstitielle, est l’acte par lequel les matériaux des tissus, dégagés des combinaisons organiques, repassent dans le sang pour être éliminés. On distingue ordinairement l’absorption de l’assimilation ; on peut alors définir la première l’acte par lequel un organisme donne entrée dans l’intérieur de ses tissus à des matières étrangères. Dans ce sens restreint, il n’y a que deux espèces d’absorptions : l’absorption aérienne et l’absorption digestive, ou absorption proprement dite, lesquelles constituent deux fonctions. L’absorption proprement dite a pour agents, chez l’homme et les vertébrés, les veines et les vaisseaux lymphatiques. On a cru longtemps qu’elle était exclusivement dévolue à ces derniers. Il a fallu des expériences nombreuses et variées pour prouver que certaines substances passent immédiatement dans le sang sans parcourir le système lymphatique. Du reste, l’absorption par les lymphatiques diffère de l’absorption par les veines ; d’abord, celle-ci est beaucoup plus rapide ; en outre, les lymphatiques ne paraissent pas, comme les veines, absorber indifféremment toutes les substances qui se trouvent à l’état de dissolution ; enfin, ils font subir à celles qu’ils ont absorbées une élaboration particulière qu’on n’observe pas dans l’absorption veineuse. — Dans les végétaux, c’est aux racines qu’appartient la fonction de l’absorption proprement dite : elle s’exerce par leurs extrémités, par leurs dernières ramifications ou radicelles, c’est-à-dire par les cellules qui présentent les conditions les plus favorables à l’endosmose. L’absorption, considérée comme propriété, appartient à tous les tissus végétaux. — Dans tous les êtres vivants, les éléments que la vie demande au milieu, doivent, pour être absorbés, revêtir une forme qui leur permette de passer molécule à molécule ; de là la nécessité de l’état liquide ou de l’état gazeux pour ces éléments. L’état solide où les molécules ne sont pas seulement en contact, mais liées les unes aux autres, doit être, on le comprend sans peine, un obstacle à l’absorption.

ABSOUDRE v. a. ou tr. (ab-sou-dre — lat. absolvere ; formé de ab, indiquant séparat., et solvere, délier : J’absous, tu absous, il absout, nous absolvons, vous absolvez, ils absolvent. J’absolvais, nous absolvions. Point de passé défini. J’absoudrai, nous absoudrons, j’absoudrais, nous absoudrions. Absous, absolvons, absolvez. Que j’absolve, que nous absolvions. Point d’imparfait du subj. Absolvant ; absous, absoute). Droit crim. Renvoyer quelqu’un d’une accusation ; le déclarer innocent : Le juge l’a absous de ce crime. Il y a eu cinq voix pour condamner l’accusé et sept pour l’absoudre. (Acad.) Il s’est fait absoudre du crime dont on l’accusait. (Acad.) Absoudre le coupable n’appartient qu’à celui qui peut le condamner. (Racine.) || Se dit avec un nom de chose pour sujet et peut s’employer absol. : La loi romaine absolvait dans le cas où la loi grecque condamnait, et condamnait dans le cas où l’autre absolvait. (Montesq.) Si le tribunal humain absolvait quelquefois ceux qui ont failli, comme les cours d’assises absolvent quelquefois ceux qui ont tué, peut-être y aurait-il moins de femmes perdues. (Fr. Soulié.)

Là, votre voix décide, elle absout ou condamne.
Ici, vous périrez.Voltaire.

— Dans son sens primitif, ce mot signifier Délier, affranchir : Alexandre III, retiré dans Anagni, excommunie l’empereur et absout ses sujets du serment de fidélité. (Volt.)

— Remettre les péchés au pénitent qui se confesse ; lui en donner l’absolution : Le ministre qui vous absout témérairement ne vous délie pas. (Mass.) Mon enfant, je ne dirai qu’à Dieu ce que le confesseur a entendu ici-bas ; d’ailleurs, dès que j’ai absous un pécheur, j’oublie son crime. (A. Houss.)

Adieu donc, meurtrier, je ne saurais t’absoudre.
C. Delavigne.

— Par ext. Excuser, pardonner, disculper : Dieu connaît mes intentions ; il sait si elles ont été pures, loyales, désintéressées ; il m’absoudra si je me suis trompé dans le bien que j’ai voulu faire. (E. Sue.) J’ai à expier le passé : l’avenir m’absoudra (E. Sue.) Cet aveu, voyez-vous, dans un moment comme celui-ci, vous absoudrait de toutes vos fautes. (E. Sue.) Je ne suis pas de ceux qui pensent qu’un duel absout un homme de ses torts. (Fr. Soulié.) Il faut laisser à ceux qui nous connaissent le soin de nous absoudre de nos travers et d’apprécier nos qualités. (G. Sand.) Que Dieu les absolve des moyens qu’ils sont réduits à employer ! (G. Sand.)

L’injustice du prince absout le gentilhomme.
C. Delavigne.

— Fig. et par antiphrase :

De tes grandeurs tu sus te faire absoudre,
France, et ton nom triomphe des revers.
Béranger.

S’absoudre, v. pr. Quand il se dit des choses, Être absous : Crime qui s’absout difficilement.

Car, selon l’intérêt, le crédit ou l’appui,
Le crime se condamne et s’absout aujourd’hui.
Régnier.

|| Quand il se dit des personnes, Se regarder comme innocent, se pardonner : Nous tolérons difficilement les autres, quand il y a au fond de nos pensées quelque chose dont nous ne pouvons nous absoudre nous-mêmes. (G. Sand.) On condamne les premiers, ils s’absolvent ; on absout les seconds, ils se condamnent. (E. Sue.)

Jamais le criminel ne s’absout de son crime.
Racine.
Je m’absous du forfait et non pas du supplice.
Ponsard.

Antonyme. Condamner.

ABSOUS, OUTE (ab-sou) part. pass. du v. Absoudre. Acquitté ; déclaré, reconnu innocent : Tels arrêts nous renvoient absous, qui sont infirmés par la voix publique. (La Bruy.) Sa principale confidente ayant subi un jugement fut renvoyée absoute. (Gédoyn.) Lorsqu’on menait un coupable au supplice, il était absous si une vestale venait à passer. (B. de S-P.)

Il parle, il est absous d’une voix unanime.
Rosset.
On est bientôt absous quand on est nécessaire.
C. Delavigne.

|| Qui a reçu l’absolution : Vous sortez du tribunal de la pénitence absous, mais en sortez-vous justifié ? (Mass.) L’empereur, n’ayant pas été absous par le pape, restait toujours excommunié. (Volt.)

Il faut, pour être absous d’un crime confessé,
Avoir pour Dieu du moins un amour commencé.
Boileau.

— Fig. Affranchi de ; dans ce sens, il est toujours suivi de la prép. de : Ce héros, placé dans le ciel, est désormais absous des rudes travaux de la terre. (Mme  de Staël.)

ABSOUTE s. f. (ab-sou-te — rad. absoudre). Liturg. Cérémonie publique qui se pratique dans l’Église catholique le jeudi saint avant la messe, et dans laquelle le célébrant, après avoir récité les sept psaumes de la pénitence, prononce sur les fidèles assemblés les formules misereatur et indulgentiam. L’absoute du jeudi saint, à Rome, est une cérémonie tellement imposante, qu’un lord fameux, qui y avait assisté, en parlait souvent aux protestants de sa nation, et, chaque fois, terminait son récit par ces mots : J’étais catholique ce jour-là. || Cérémonie qui se fait autour du cercueil, dans l’office des morts : Sortir de l’église après l’absoute. Après l’absoute, qui a été faite par l’archevêque de Paris, une salve d’artillerie a annoncé que le corps allait quitter l’hôtel des Invalides. (Journ.)

ABSTÈME adj. (ab-stè-me — lat. abstemius ; formé de abs priv., sans ; temetum, vin). Qui s’abstient entièrement de boire du vin, soit par régime, soit par aversion pour cette liqueur : Chez les premiers Romains, toutes les femmes devaient être abstèmes. (Bouill.) Nous serions tous abstèmes, si l’on ne nous eût donné du vin dans nos jeunes ans. (J.-J. Rouss.) Les musulmans sont abstèmes ou doivent l’être. (Gr. vocab.)

— Substantiv. Celui ou celle qui ne peut boire du vin : On a vu un célèbre abstème dans le commencement du christianisme ; ce fut Apollonius de Thyane. (Trév.) Le célèbre Voiture était un véritable abstème. (Trév.)

Encycl. Le mot abstème paraît n’avoir été primitivement d’usage que dans la langue de l’Église, et s’être particulièrement appliqué aux prêtres qu’une aversion naturelle pour le vin empêchait d’en faire usage dans la célébration du sacrifice de la messe, et qui étaient dispensés de la participation au calice. C’est dans cette acception spéciale que le mot abstème a servi de texte à de grandes controverses entre les deux branches de l’Église réformée. Les calvinistes permettent aux personnes qui ont une aversion naturelle pour le vin de communier avec le pain seul, et en ne faisant que toucher la coupe des lèvres ; les luthériens regardent au contraire cette pratique comme une profanation.

ABSTEMIUS (Laurent), en italien Abstemio. Littérateur et savant critique du xvie siècle, bibliothécaire et professeur à Urbin. Il a laissé, entre autres ouvrages un recueil de fables (Hecatomythium), les unes traduites du grec ; les autres tirées de son propre fonds. La Fontaine lui a, dit-on, emprunté quelques traits.

ABSTENANT (ab-ste-nan) part. prés. du v. S’abstenir : Et comment réparerez-vous les plaisirs illicites, qu’en vous abstenant de ceux que vous vous croyez encore permis ? (Mass.) On confondait les chrétiens avec les juifs, parce qu’ils étaient leurs compatriotes, parlant la même langue, s’abstenant comme eux des aliments défendus par la loi mosaïque. (Volt.)

ABSTENANT, ANTE s. (ab-ste-nan, an-te). Celui, celle qui s’abstient, surtout qui s’abstient de prendre part aux élections, de paraître à une assemblée : Dans ce vote le nombre des abstenants fut considérable. (Legoarant.)

ABSTENIR (S’) v. pr. (ab-ste-nir (s’) — lat. abstinere, formé de abs, hors ; tenere, tenir. — Je m’abstiens, tu t’abstiens, il s’abstient, nous nous abstenons, vous vous abstenez, ils s’abstiennent. Je m’abstenais, nous nous abstenions. Je m’abstins, tu t’abstins, il s’abstint, nous nous abstînmes, vous vous abstîntes, ils s’abstinrent. Je m’abstiendrai, nous nous abstiendrons. Je m’abstiendrais, nous nous abstiendrions. Abstiens-toi, abstenons-nous, abstenez-vous. Que je m’abstienne, que nous nous abstenions. Que je m’abstinsse, que tu t’abstinsses, qu’il s’abstint, que nous nous abstinssions, que vous vous abstinssiez, qu’ils s’abstinssent. S’abstenant, S’étant abstenu, abstenue). Se priver de l’usage d’une chose, se la refuser : Content du sien, ne peut-on pas s’abstenir du bien de ses voisins ? (La Bruy.) Il s’abstient des honneurs par l’ambition des richesses. (Dider.) Il s’abstint de toute hostilité pendant une année entière. (Volt.) Si nous détestions le vice autant que nous aimons la vie, nous nous abstiendrions aussi aisément d’un crime agréable que d’un poison mortel dans un mets délicieux. (J.-J. Rouss.) || Peut être suivi d’un nom de personne : Je n’ai trouvé qu’une chose digne de moi dans l’histoire de ta vie, c’est de t’être abstenu de la femme de Darius. (Perrot d’Ablanc.) Les condors ont le bec si fort qu’ils percent la peau d’une vache ; deux de ces oiseaux en peuvent tuer et manger une, et même ils ne s’abstiennent pas des hommes. (Buff.) || S’empêcher de faire une chose ; dans ce cas, il se construit toujours avec la prép. de suivie d’un infinitif : S’abstenir de jouer, de jurer. (Acad.) Je m’abstiens même de lire. (Sacy.) C’est une question sur laquelle nous nous abstiendrons de prononcer. (D’Alemb.) Tu me demandes pourquoi Pythagore s’abstenait de manger de la chair des bêtes. (J.-J. Rouss.)

Voilà par quel motif, injurieux peut-être,
Je me suis devant elle abstenu de paraître.
Ducis.

— Absol. Se priver : Il est deux choses qu’il ne faut pas pousser à l’extrême : user et s’abstenir. (Rivarol.) Souvent on voudrait s’abstenir, et l’on mange contre sa conscience. (Mass.) S’abstenir pour jouir, c’est la philosophie du sage. (J.-J. Rouss.) Je me suis fait une règle de conduite basée sur le proverbe qui dit : Dans le doute, abstiens-toi. (Th. Leclercq.) Quand il est incertain si ce qu’on te propose est juste ou injuste, abstiens-toi. (Prov. persan.)

Je m’abstiens et je considère.Molière.

— Se dit aussi des juges qui se récusent, des citoyens qui ne veulent pas prendre part à un vote : L’affaire était tellement scabreuse que plusieurs juges se sont abstenus. Aux dernières élections, on a remarqué avec peine qu’un grand nombre d’électeurs inscrits s’étaient abstenus.

— Le pronom personnel est quelquefois sous-entendu, et alors faire abstenir quelqu’un d’une chose, c’est faire qu’il s’en abstienne : Il faut faire abstenir le malade de manger. (Monet.) La crainte des châtiments et des récompenses sert à faire abstenir les hommes du mal. (Leibnitz.)

— Anc. jurispr. S’abstenir d’une succession, Ne point faire acte d’héritier, y renoncer.

Syn. S’abstenir, se priver. On peut s’abstenir d’une chose indifférente : Tu me demandes pourquoi Pythagore s’abstenait de manger de la chair des bêtes ? (J.-J. Rouss.) On ne se prive que d’une jouissance : Vous vous êtes privés vous-mêmes du plaisir de manger des melons exquis. (J.-J. Rouss.)

Antonymes. Mêler à (se), participer, prendre part.

Prov. littér. Souffre et abstiens-toi, Devise des stoïciens. V. Sustine et abstine.

ABSTENTION s. f. (ab-stan-si-on — lat. abstentio). Action de s’abstenir : La même abstention de toute violence est imposée à tous. (Villem.) Peu usité en ce sens.

— Acte par lequel un juge se récuse lui-même : Le prononcé du jugement a été remis à huitaine, par suite de l’abstention d’un juge.

— Particulièrem. Action de s’abstenir de prendre part à un vote, à une discussion, à une délibération, etc. : Il sent bien que son abstention ne serait pas un obstacle à la conclusion de ces affaires. (Journ.) Le roi emploie les plus grands efforts pour obtenir, soit un vote favorable, soit au moins l’abstention des députés contraires à ce projet de loi. (Journ.) La Prusse et ses soieries ne sont pas seules en cause ; partout il y a eu des abstentions, et pour tous les produits. (L. Reybaud.)

— Absol. : L’abstention, méconnue par les partisans du suffrage universel, est une faculté essentielle de l’électeur ; elle fait partie du droit électoral. (Proudhon.)

— Anc. jurisp. Renonciation tacite d’un héritier à une succession.

Encycl. Jurispr. On appelle en droit romain bénéfice d’abstention, la faveur que la législation prétorienne avait accordée aux héritiers siens et nécessaires du défunt père de famille, de renoncer à l’hérédité pour ne pas en supporter les charges et les dettes. Dans l’origine, ce droit n’appartenait qu’à l’héritier étranger à la famille.

On appelle en droit criminel abstention de lieu, la mesure de police qui interdit à un condamné le séjour de certaines localités. Aujourd’hui cette mesure ne peut plus être ordonnée, si elle n’est formellement autorisée par une disposition législative.

— Polit. En politique, le mot abstention est employé d’une façon spéciale pour exprimer la renonciation des électeurs à l’exercice du droit de suffrage, dans une société où ce droit est la base soit générale, soit partielle des institutions. L’abstention peut avoir pour unique cause la négligence, l’indifférence ; elle peut constituer un mode de protestation contre l’origine et l’existence du gouvernement établi ; enfin elle peut alléguer soit l’insuffisance des formes, conditions et garanties du suffrage, soit l’incertitude de la conscience placée entre deux alternatives qu’elle repousse également. — L’abstention qui a pour cause la négligence, l’indifférence, doit être condamnée d’une façon absolue comme un égoïste oubli des devoirs envers la société. Dans les cités antiques où l’État absorbait l’individu, où la vie privée était sacrifiée à la vie publique, l’abstention était considérée comme une désertion. On connaît cette loi de Solon qui ne permettait à aucun citoyen de rester neutre dans les luttes qui divisaient la république. — L’abstention pratiquée dans le but de protester contre un gouvernement dont on ne reconnaît pas la légitimité peut être inspirée par de nobles sentiments ; mais l’expérience montre qu’elle est toujours stérile. Un parti qui s’y réfugie s’abstrait de la vie nationale, s’arrête, s’efface, se fait oublier, commet un véritable suicide politique. En se retirant sous sa tente, il ne fait que s’immobiliser dans un rigorisme inerte qui ressemble fort au découragement et à l’impuissance ; il devient le passé et cesse d’être l’avenir. En principe, d’ailleurs, l’abstention de parti implique la fidélité absolue à une forme politique déterminée ; or, le rationalisme politique repousse cette fidélité légitimiste et ne reconnaît le droit divin d’aucun gouvernement. — Quant à la troisième espèce d’abstention, elle a en sa faveur l’autorité de M. Proudhon, qui la déclare non-seulement permise, mais obligatoire, et qui en fait une des facultés les plus importantes et les plus efficaces de l’électeur. « L’abstention, dit-il, est toujours facultative au député qui ne se juge pas suffisamment instruit, ou à qui les divers partis qui lui sont proposés déplaisent également. Elle devient obligatoire, elle est le premier et le plus saint des devoirs, lorsque la question soumise au vote est équivoque, insidieuse, inopportune, illégale, ou qu’elle sort de sa compétence ; lorsque la tyrannie s’introduit dans le temple de la loi ; lorsque l’émeute grondant à la porte, ou l’éclair des baïonnettes fermant la discussion, font violence à la liberté du législateur… Or, je soutiens que ce qui est de règle pour le député l’est également pour l’électeur. » Sans blâmer l’abstention dans tous les cas, on doit reconnaître qu’il y a une grande différence entre l’abstention du député, sur le sens de laquelle il est impossible de se méprendre, et l’abstention populaire, qui peut si difficilement recevoir un sens précis et devenir un acte positif.

ABSTENTIONISTE ou ABSTENTIONNISTE s. m. (ab-stan-sio-niss-te — rad. abstention). Néol. Celui qui s’abstient de voter dans les élections : Il paraît que la liste des démocrates eût passé tout entière, s’il n’y avait pas eu quelques abstentionistes. (Journ.),

— S’emploie adjectiv. : Plus le nombre des abstinents augmentera, plus il est clair que la pensée abstentioniste acquerra de puissance. (Proudhon.)

ABSTENU, UE (ab-ste-nu) part. pass. du v. S’abstenir : Il s’est abstenu. Elle s’est abstenue. Nous nous sommes abstenus. Dans les dernières années de sa vie, il s’était constamment abstenu de l’usage des viandes. (Volt.)

ABSTERGÉ, ÉE (ab-stèr-jé) part. pass. du