tions de Marie, qui s’adressa vainement au peuple, ses deux conseillers furent mis à la torture, condamnés et décapités (3 avril 1477) comme coupables d’avoir livré Arras et d’avoir attenté à la souveraineté des États.
Se voyant de plus en plus abandonnée, Marie chercha un protecteur et un appui, et pensa le trouver en se mariant. Elle fit reprendre secrètement les négociations entamées par son père avec l’empereur d’Allemagne, et malgré les intrigues de Louis XI, malgré les vives oppositions qu’elle trouva dans son entourage, elle épousa l’archiduc Maximilien à Gand, le 18 août 1477. Maximilien n’avait ni argent ni alliés, mais il était brave, actif, sympathique. Il sut se faire agréer par les Flamands et trouva dans sa femme la plus tendre affection. Cependant Louis XI éprouvait une grande résistance à établir sa domination dans la Bourgogne et dans l’Artois, et la guerre qu’il soutenait contre les Flamands traînait en longueur, sans résultats décisifs. Ce fut sur ces entrefaites que, pendant une chasse, Marie fut violemment jetée à bas de son cheval. Par pudeur, dit-on, elle ne voulut pas montrer aux médecins la grave blessure qu’elle s’était faite à la cuisse, et elle mourut au bout de quelques semaines. Elle avait eu trois enfants, dont l’un, né en 1478, fut Philippe le Beau, père de Charles-Quint. On lui éleva à Bruges un magnifique mausolée.
MARIE-CHRISTINE JOSÈPHE DE LORRAINE, archiduchesse d’Autriche, gouvernante des Pays-Bas, morte en 1801. Dernière fille de l’empereur François Ier et, de l’impératrice Marie-Thérèse, elle fut unie au duc Albert de Saxe-Teschen et devint gouvernante des Pays-Bas. Lors de la révolte des
Brabançons, en 1789, elle se vit obligée de
quitter Bruxelles avec son époux. D’un caractère
altier, véhément, sanguinaire même,
digne fille en un mot de l’impératrice sa
mère, elle voulut assister en personne au
siège de Lille, en 1792, excita les combattants
par ses exhortations, par l’exemple
même, s’il faut en croire la légende populaire,
qui prétend que cette archiduchesse d’Autriche alla jusqu’à mettre elle-même le feu aux canons.
Chassée des Pays-Bas par les Français, en 1794, elle se retira à Vienne. C’est dans cette ville qu’elle mourut, laissant par testament une partie de ses biens à sa nièce, la duchesse d’Angoulême, depuis dauphine de France.
MARIE ou MIRIAM, sœur de Moïse et d’Aaron, née en Égypte en 1578 av. J.-C, morte vers l’an 1452. Lorsque Moïse, âgé de
trois mois, fut exposé sur le Nil par son
père Amram et trouvé par la fille de Pharaon,
ce fut Marie, mise en sentinelle sur la
rive, qui offrit à la princesse d’aller chercher
une nourrice et lui amena sa mère Jacobed.
D’après Josèphe, elle épousa Hur, dont elle
n’eut point d’enfants. Après la destruction de
l’armée de Pharaon dans la mer Rouge, elle
entonna avec des femmes de sa nation le
magnifique cantique Cantemus Domino. L’année
suivante, pour la punir d’avoir hautement
blâmé Moïse au sujet de son mariage
avec l’Éthiopienne Sephora, Dieu, dit la Bible,
la couvrit d’une lèpre blanche, mais la
guérit bientôt après sur la demande de
Moïse. Elle mourut âgée d’environ cent vingt-six ans.
MARIE LA JUIVE, femme savante, qui vivait
du temps de Zozime le Panopolitain, à la fin du IIIe et au commencement du IVe siècle.
Elle fut initiée aux mystères de l’art
hermétique dans le temple de Memphis par
Ostanes, avec plusieurs philosophes, notamment
Démocrite d’Abdère et Pamènes. La
Bibliothèque nationale de Paris possède un
manuscrit intitulé : Extrait du Philosophe chrétien ; Discours de la très-savante Marie sur la pierre philosophale. Dans un écrit de
Zozime et dans différents recueils alchimiques,
on trouve des fragments de Marie la Juive.
MARIE DE FRANCE, femme poète française,
née à Compiègne, et qui vivait au XIIIe siècle.
On sait fort peu de chose de sa vie, et
l’on ne connaît point son nom de famille.
Marie ai nun, si sui de France,
telle est l’unique indication qu’elle a laissée sur elle-même. Cette femme remarquable se rendit en Angleterre, à la cour des rois anglo-normands. Là, elle composa quinze lais ou petits poëmes en vers de huit syllabes rimant deux à deux, et qu’on pouvait chanter comme des romances en s’accompagnant sur des instruments ; un recueil de 103 fables, intitulé Izopet, et écrit dans le même mètre que les lais; enfin une légende désignée sous le titre de Purgatoire de saint Patrice. Ces diverses poésies ont été recueillies et publiées par B. de Roquefort sous le titre de Poésies de Marie de France, poète anglo-normand du XIIIe siècle (Paris, 1820, 2 vol. in-8o). Le style de Marie est naïf, gracieux et clair. Ses lais, dont les sujets sont empruntés pour la plupart au cycle d’Arthus et aux poètes de l’Armorique, offrent un véritable intérêt, et plusieurs d’entre eux sont de petits chefs-d’œuvre de narration et de sensibilité, dans lesquels le merveilleux joue un grand rôle. Nous citerons partioulièrement les lais intitulés:le Rossignol, le Frêne, Laustic, le Chèvrefeuille, les Deux amants, le lai de Quitan, sire de Nantes, dans lequel Marie expose les motifs qui l’ont amenée à composer ces contes en vers. Parmi ces fables, dédiées au comte Guillaume, qui selon toute vraisemblance est Guillaume comte de Flandre, trente-deux sont traduites d’Ésope ; la plupart des autres ont été traduites par Marie d’un auteur nommé Romulus. Enfin, dans le poëme du Purgatoire de saint Patrice, Marie raconte les aventures merveilleuses du chevalier Owen, qui pénètre dans une caverne située prés de Dungal, dans le but de se purifier de ses péchés. L’auteur de ces compositions jouissait de son temps d’une grande réputation à la cour d’Angleterre.
MARIE DE LA VISITATION (sœur), illuminée portugaise, qui vivait au XVIe siècle. Elle
était religieuse du couvent de l’Annonciade,
à Lisbonne. L’esprit troublé par le jeûne et
par des macérations de toutes sortes, elle
devint hallucinée et prétendit avoir des visions.
On accourait de toutes parts pour entendre
ce que Dieu, croyait-on, disait par sa
bouche, pour lui demander des conseils, pour
contempler ses traits, toucher les pans de sa
robe de bure. Marie ne tarda pas à devenir
tout à fait folle. Un jour, le bruit se répandit
qu’elle avait sur le corps cinq blessures
semblables aux cinq plaies du Christ, et
le fait était vrai. Quel était l’auteur de ces
stigmates ? on l’ignorait ; mais les religieuses
de l’Annonciade, qui ne l’ignoraient point et
qui voulaient voir venir à elles la foule des
fidèles, présentèrent la pauvre égarée comme
un miracle vivant.
Cependant au milieu des enthousiasmes pieux s’élevèrent des murmures, et l’Inquisition crut devoir sacrifier la stigmatisée. Elle nomma des commissaires ; la fourberie fut découverte et Marie jetée dans un in pace.
MARIE DE L’INCARNATION (Marie Guyard, plus connue sous le nom de), première supérieure des Ursulines de la Nouvelle-France, née à Tours en 1599, morte à Québec en 1672.
Devenue veuve à dix-neuf ans d’un négociant
en soie nommé Martin, elle s’occupa de
l’éducation de son fils, qui devint par la suite
bénédictin sous le nom de dom Claude Martin,
puis elle entra en 1631 chez les Ursulines
de Tours. Poussée par l’ardeur de sa foi, elle
obtint en 1639 de s’embarquer pour Québec,
afin d’y travailler à la conversion des Indiennes,
fonda dans cette ville un couvent de
son ordre, apprit plusieurs dialectes des indigènes
et porta, au milieu des périls de tout
genre, la parole évangélique dans les forêts
et les prairies habitées par les tribus iroquoises
de l’Amérique du Nord. On a d’elle : Lettres curieuses (Paris, 1677, in-4o), sur les
événements dont elle fut témoin ; Retraite
(Paris, 1682); l’École chrétienne (Paris, 1684).
MARIE-MADELEINE DE LA TRINITÉ (Madeleine Martin, plus connue sous le nom de), fondatrice de l’ordre de la Miséricorde, née à Aix (Provence) en 1616, morte à Avignon en 1678. À l’instigation d’un capucin nommé le P. Yvan, elle résolut, dès l’âge de
quinze ans, de se consacrer à la vie religieuse,
et fonda à Aix, en 1637, l’ordre de la
Miséricorde, destiné à recevoir sans dot des
jeunes filles nobles. Marie-Madeleine eut à
vaincre le mauvais vouloir de l’archevêque
d’Aix, mais elle fut appuyée par les jésuites
et obtint la protection de la reine Anne
d’Autriche. L’ordre de la Miséricorde adopta
la règle de saint Augustin et fut approuvé
par Urbain VIII en 1642.
MARIE-ANNE-CHRISTINE-VICTOIRE DE BAVIÈRE, dauphine de France, fille de l’électeur Ferdinand, née à Munich en 1660, morte à Versailles en 1690. Elle épousa en
1680 le dauphin Louis, fils de Louis XIV.
Cette princesse était loin d’être belle, mais
elle ne manquait ni d’esprit ni de charme.
Elle plut à Louis XIV et à son mari, et elle
eût pu avoir un grand crédit à la cour si elle
ne s’en était promptement éloignée pour vivre
à l’écart dans une société extrêmement
bornée, partageant son temps entre la musique,
la lecture, la promenade et la dévotion.
D’une santé débile, elle ne fit que languir depuis
qu’elle eut mis au monde son troisième
fils, le duc de Berry. Près de mourir, elle
embrassa l’enfant, dont la naissance lui coûtait
la vie, en disant : « C’est de bon cœur quoique tu me coûtes bien cher. » On cite d’elle plusieurs reparties charmantes, entre autres la suivante. Le roi lui dit un jour : « Vous m’aviez laissé ignorer que la grande-duchesse de Toscane est extrêmement belle. — Pouvais-je me souvenir, répondit-elle, que ma sœur a toute la beauté de la famille lorsque j’en ai tout le bonheur ? » Ayant entendu dire qu’on l’accusait d’être quelque peu malade imaginaire, Marie-Anne répondit finement : « Il faudra que je meure pour me justifier. »
MARIE-ADÉLAÏDE DE SAVOIE, duchesse de Bourgogne et dauphine de France, fille de Victor-Amédée II, duc de Savoie, née à Turin en 1685, morte à Versailles en 1712. Elle fut élevée par la spirituelle comtesse Dunoyer, conduite à Versailles à onze ans et mariée au jeune duc de Bourgogne avec une pompe extraordinaire le 7 décembre 1697. Lorsqu’elle eut achevé son éducation à Saint-Cyr,
elle fut installée à la cour. Par sa gaieté, son esprit, sa familiarité, ses hardiesses même, elle devint aussitôt l’amusement et la joie de l’inamusable Louis XIV et l’enfant gâté de Mme de Maintenon. « Elle
était régulièrement laide, dit Saint-Simon, qui
a tracé de cette princesse un portrait des
plus piquants. Les joues pendantes, le front avancé,
le nez qui ne disait rien, de grosses
lèvres tombantes, des cheveux et des sourcils
châtain brun, fort bien plantés, des
yeux les plus parlants et les plus beaux du
monde, le plus beau teint et la plus belle
peau, le cou long avec un soupçon de goitre
qui ne lui seyait pas mal, un port de tête galant,
gracieux, majestueux, et le regard de
même ; le sourire le plus expressif, une taille longue,
ronde même, aisée, parfaitement
coupée, une marche de déesse sur les nuées ;
elle plaisait au dernier point… En public,
sérieuse, mesurée, respectueuse avec le roi,
et en timide bienséance avec Mme de Maintenon.
En particulier, causant, voltigeant
autour d’eux ; tantôt penchée sur le bras
d’un fauteuil de l’un ou de l’autre, tantôt se
jouant sur leurs genoux, elle leur sautait au
cou, les embrassait, les caressait, les chiffonnait…
Elle était l’âme des fêtes, des plaisirs,
des bals, et y ravissait par les grâces et la
perfection de sa danse. » Sa conversation
était aussi vive qu’animée. « Savez-vous, ma
tante, disait-elle un jour à Mme de Maintenon
devant Louis XIV, pourquoi les reines
d’Angleterre gouvernent mieux que les rois ?
C’est que les hommes gouvernent sous le règne
des femmes et les femmes sous celui des
hommes. » Avec sa passion pour les plaisirs,
son goût pour la parure, les fêtes, le jeu, il
n’est point surprenant qu’elle n’ait eu qu’une
affection médiocre pour son mari, prince
gourmé, confit en dévotion, au sujet duquel
elle disait spirituellement un soir devant
Louis XIV : « Je désirerais de mourir avant
mon mari, et de revenir ensuite pour le trouver
marié avec une sœur grise ou une tourière
de Sainte-Marie. » Ses coquetteries imprudentes
avec Nangis, Maulevrier et autres ont laissé planer de graves soupçons sur sa fidélité conjugale. Elle avait vingt-six ans et était depuis dix mois dauphine lorsqu’elle mourut d’une rougeole pourprée, laissant un
fils qui fut Louis XV. Après sa mort, on
trouva dans sa cassette des lettres qui prouvèrent
que, admise par Louis XIV aux délibérations
dans lesquelles se prenaient les résolutions
politiques les plus importantes, elle abusait de cette confiance en informant son père de tout ce qui pouvait l’intéresser.
MARIE-JOSÈPHE DE SAXE, dauphine de France, mère de Louis XVI, de Louis XVIII et de Charles X, née à Dresde en 1731, morte en 1767. Fille de Frédéric-Auguste II, électeur de Saxe et roi de Pologne, Marie-Josèphe
fut mariée en 1747 à Louis, dauphin de France, fils aîné de Louis XV et de Marie Lesczinska. Le dauphin Louis, déjà veuf de Marie-Thérèse d’Espagne, était doux, pieux,
honnête. Marie Lesczinska disait : « Le ciel
ne m’a laissé qu’un fils, mais il me l’a donné
tel que j’aurais pu le souhaiter. » Elle aurait
pu en dire autant de sa bru. Celle-ci s’attacha
à gagner l’affection de sa belle-mère, et
y réussit complètement, bien que son père eût
détrôné Stanislas. Marie-Josèphe avait toutes
les vertus domestiques. Elle mena avec son
mari une vie honnête, calme, presque bourgeoise,
qui contrastait singulièrement avec
la dissolution des mœurs dont la cour était
le théâtre. La mort du dauphin l’atteignit au
cœur (1765). À partir de ce moment, elle ne
fit plus que languir, et elle expira un peu
moins de deux ans après.
Du mariage de Louis de France et de Marie-Josèphe de Saxe étaient nés huit enfants : Marie-Zéphyrine, morte en bas âge en 1755 ; Louis-Xavier, duc de Bourgogne, né en 1751, mort en 1761 ; Xavier-Marie-Joseph, duc d’Aquitaine, né en 1753, mort en 1754 ; Louis XVI ; Louis XVIII ; Charles X ; Marie-Adélaïde-Clotilde-Xavière, née en 1759, mariée en 1775 au prince de Piémont, Charles-Emmanuel, morte en 1802, et la princesse Élisabeth.
MARIE D’AGREDA, religieuse espagnole. V. Agreda.
MARIE ALACOQUE, religieuse visitandine. V. Alacoque.
MARIE DE CLÈVES, duchesse d’Orléans. V. Clèves.
MARIE DE CLÈVES, princesse de Condé.
V. Clèves.
MARIE-THÉRÈSE-CHARLOTTE DE FRANCE, duchesse d’Angoulême, fille de Louis XVI. V. Angoulême.
MARIE D’ORLÉANS, fille de Louis-Philippe.
V. Orléans.
Marie, poëme par Brizeux (Paris, 1832). Ce
morceau, auquel le poète dut sa réputation,
est le récit d’un amour d’enfance, entremêlé
parfois de quelque épisode qui ne s’y rattache
pas directement, bien que toujours en
harmonie avec le sujet. Le récit en lui-même
n’eût pas suffi, d’ailleurs, à nous intéresser ;
tandis qu’après nous être arrêtés avec le
conteur devant quelque beau site de son cher
pays armoricain, après nous être reposés à
cueillir des fleurs et des fruits aux buissons
du chemin, ou à entendre le frais gazouillement
des oiseaux dans les haies, nous sommes
tout joyeux de retrouver la Laure de notre
Pétrarque avec sa coiffe rustique, son corsage
rouge et son jupon court, qui laisse voir
ses jambes demi-nues. Marie est une petite
paysanne qui a pour unique parure la pureté
de son cœur et la fraîcheur de ses douze
ans : le poëte l’a connue au village, lorsqu’il
avait quinze ans, et il faut voir avec quelle
tendresse et quelle émotion naïve il rappelle
les premiers temps de leurs amours, alors
qu’en sortant de l’école ou de l’église ils s’en
allaient tous deux, pieds nus et les cheveux
au vent, courir dans les bruyères ou sur le
bord des lacs après les papillons et les phalènes.
Dante n’a pas mieux aimé sa Béatrix, la noble fille de Florence, que le poëte breton n’a aimé la simple fillette de sa chère vallée, l’ignorante et douce Marie. Et, comme Dante aussi, il lui a fallu la voir passer aux bras d’un autre, car il a quitté le village et l’enfant a grandi ; elle s’est mariée, mais son souvenir n’a pu être arraché du cœur de son premier amant. Il s’inquiète de ce qu’elle devient, de son ménage, de ses enfants ; et un jour qu’il rencontre un villageois en route pour la vallée du Scorf, il lui recommande d’entrer chez Marie, et de lui envoyer un récit de ce qu’il aura vu :
Et ses petits enfants, tu les caresseras ;
Et s’ils ont de ses traits, tu les embrasseras.
Oh ! s’il croît une fleur, une feuille à sa porte,
Daniel, prends-la pour moi ! Déjà sèche, qu’importe ?
Nous ne pouvons passer en revue tous les épisodes qui viennent encadrer le récit, tous les fragments pleins de douceur et de mélancolie qui font au chant principal comme un accompagnement naturel. Mais il en est un bien propre à donner le ton général et le sentiment du poète, et que nous n’hésitons pas, pour notre part, à qualifier de chef-d’œuvre, c’est celui qui nous fait assister au convoi d’une jeune paysanne :
Quand Louise mourut, dans sa quinzième année,
Fleur des bois par la pluie et le vent moissonnée,
Un cortège nombreux ne suivait pas son deuil ;
Un seul prêtre suivait, en priant, le cercueil ;
Puis venait un enfant, qui, d’espace en espace,
Aux saintes oraisons répondait à voix basse ;
Car Louise était pauvre, et jusqu’en son trépas
Le riche a des honneurs que le pauvre n’a pas.
La simple croix de bois, un vieux drap mortuaire
Furent les seuls apprêts de son lit funéraire ;
Et quand le fossoyeur, soulevant son beau corps,
Du village natal l’emporta chez les morts,
À peine si la cloche avertit la contrée
Que sa plus douce vierge en était retirée.
Elle mourut ainsi… Par les taillis couverts,
Les vallons embaumés, les genêts, les blés verts,
Le convoi descendit au lever de l’aurore.
Avec toute sa pompe avril venait d’éclore,
Et couvrait en passant d’une neige de fleurs
Ce cercueil virginal et le baignait de pleurs.
L’aubépine avait pris sa robe rose et blanche,
Un bourgeon étoilé tremblait à chaque branche ;
Ce n’étaient que parfums et concerts infinis ;
Tous les oiseaux chantaient sur le bord de leurs nids.
Nous ne savons rien, dans la poésie contemporaine, de plus attendrissant que cette peinture, rien de plus vraiment beau et de plus simple à la fois. Tout le poème de Marie, et, disons mieux, tout Brizeux est là, Brizeux, le poëte de l’élégance et de la grâce, de la mélancolie sereine, des sentiments tendres et des douces pensées. Si, dans d’autres recueils, et particulièrement dans le poème des Bretons, Brizeux a fait preuve d’un souffle poétique plus vigoureux et plus puissant, il n’a jamais trouvé d’inspirations plus suaves, d’accents plus naturels et plus purs que dans Marie. Ces premiers soupirs d’un jeune cœur qui s’exhalent tour à tour avec la fraîcheur et la grâce de l’idylle, ou bien avec la tristesse et la gravité de l’élégie, cette spontanéité, cette franchise d’émotion, qui sont le caractère et le charme principal de Marie, en font aussi une œuvre à part dans les productions du poète, et nous croyons que M. de Pontmartin a eu raison de dire qu’on pouvait parcourir dans ce seul volume « toute la gamme poétique de Brizeux. » « Marie, écrivait un jour Sainte-Beuve, est le livre poétique le plus virginal de notre temps. C’est même le seul véritablement tel que je connaisse. » Et l’éminent critique raconte qu’il en a vu un exemplaire dans les mains de deux jeunes sœurs, à qui un ami l’avait envoyé parce qu’elles avaient un chagrin ce jour-là, et il avait ajouté de sa main sur le volume ces deux vers, en guise d’épigraphe :
« Lire des vers touchants, les lire d’un cœur pur,
C’est prier, c’est pleurer, et le mal est moins dur. »
Marie ou l’esclavage aux États-Unis, par M. Gustave de Beaumont (Paris, 1835, in-8o).
En écrivant ce livre, le but principal de l’auteur
n’a pas été de faire un roman semé d’intrigues,
de complications et d’événements, mais bien de rattacher à un sujet imaginaire les impressions de l’auteur sur la société américaine, à la suite d’un voyage aux États-Unis. M. de Beaumont, du reste, a soin de nous
avertir « que son premier but a été de présenter
une suite d’observations graves, que dans son ouvrage le fond des choses est vrai, qu’il n’y a de fictif que les personnages, et qu’enfin il a tenté de recouvrir son œuvre d’une surface moins sévère, afin d’attirer à lui cette portion du public qui cherche tout à la fois dans un livre des idées pour l’esprit et des émotions pour le cœur. » La fable qui sert de cadre à l’ouvrage est d’une extrême