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tempérée (Tierra templada ), qui présente une température moyenne annuelle de 18° à 20°, et ou le thermomètre n’éprouve que très-Feu de variation d’une époque à l’autre de année, de sorte qu’on y jouit d’un printemps perpétuel. C’est une région délicieuse, dont le type le plus parfait s’offre aux environs de la ville de Jalapa, et qu’on retrouve avec ses charmes autour de la ville de Chiipancingo, où s’était réuni le premier congrès dans la guerre de l’indépendance. Elle possède une végétaLion à peu près aussi active et aussi vigoureuse que celle du littoral, sans avoir l’atmosphère embrasée et les miasmes empestés de la plage et de la contrée qui l’avoisine. Elle est exempte de ces myriades d’insectes incommodes ou venimeux qui pullulent duns la région basse de la Terre chaude et y font le tourment de l’homme. On y respire l’atmosphère pure du plateau, sans en subir les passagères fraîcheurs et l’air vif, dangereux aux poitrines délicates. La zone tempérée est un paradis terrestre, quand l’eau y abonde, comme à Jalapa et dans quelques autres districts, où les glaciers éternels de quelques montagnes, telles que le pic d’Orizaba et le coffre de Perote, se chargent d’en fournir aux sources toute l’année. Audessus de la zone tempérée se déploie la Terre froide [Tierra fria), ainsi nommée en raison de l’analogie que des colons venus de l’Andalousie durent lui trouver, sur une partie de son développement, avec le climat assez cru des Castilles ; mais les Français, les Anglais et les Allemands, transportés au Mexique dans la Terre froide, s’y jugent à peu près partout en un climat fort doux. La température moyenne de Mexico et d’une bonne portion du plateau est de 17» ; c’est seulement un peu moins que celle de Naples et d,6.’» Sicile, et c’est celle des trois mois de 1 été à Paris. D’une saison à l’autre, les variations, comme partout entre les tropiques, y sont bien moindres que dans les parties les plus tempérées et les plus belles de l’Europe. La végétation varie comme la température, depuis les rivages brûlants de l’Océan jusqu’aux sommets glacés des Cordillères. Dans la région chaude jusqu’à 400 mètres, les palmiers à éventait, les palmiers miraguana et pumos, Yorcodoxa blanc, la tournefortie veloutée, le schestiergeraschantus, la céphalante à feuilles de saule, Yhyplis bourrelé, le salpianthus arenarius, l’amarantine globuleuse, le calebassier pinné, le podapterus mexicain, la bignonie à feuilles d’osier, ia sauge occidentale, le perdinium de la Havane, le gyrocarpus, le leueophyllum ambi-' yuum, la gomphia mexicaine, le panic élargi, la bauhine roida, le campêche rayé, le courbaril émoussé, la swietenie mexicaine, la malpighie à feuilles de sumac, dominent dans la végétation spontanée. Cultivés sur les confins de la zone tempérée et de la zone chaude, la canne à sucre, le cotonnier, le cucaotier, 1 indigotier ne dépassent guère le niveau de 600 à 800 mètres ; cependant, la canne prospère dans les vallées abritées à un niveau de 1,800 mètres. Le bananier s’étend des bords de la mer jusqu’au niveau de 1,400 mètres. La région tempérée, depuis 400 mètres jusqu’à 2,000 mètres, présente le iiquidambar styrax, Yerythroxylon mexicain le poivrier à longue cosse, Yaralia digitata, la quenouille de Pazcuaro, la guardiola mexicaine, le tageles à feuilles minces, la psychotria pauciflora, le quamoclitde Cholula, le liseron arborescent, la véronique de Jalapa, la globulaire mexicaine, le stachys d’Actopan, la sauge mexicaine, le gattilier mou, l’arbousier à fleurs épaisses, le panicaut à fleurs de protéa, le laurier de Cervantes, le daphné à feuilles de saule, la fritillaire à barbe, Yyucca épineux, la cobée grimpante, la sauge jaune, quatre variétés de chênes mexicains, commençant à 900 mètres d’élévation et finissant à 2,200, l’if des montagnes, la banistrie ridée. Dans la région froide, depuis 2,150 mètres jusqu’à 4,500, on remarque le chêne à tronc épais (guercus crassipes), la rose mexicaine, l’aune qui finit au niveau de 3,650 mètres, le merveilleux clteirostemon plutanoïdes, la krame■ria, la valériane à feuilles cornues, la datura superba, la sauge cardinale, la potentille naine, l’arbousier à feuilles de myrte, l’alizierdenté, le fraisier mexicain. Les sapins, qui commencent dans la zone tempérée à 1,800 mètres d’élévation, ne finissent dans zone la froide qu’à 4,000. Ainsi, les arbres conifères, inconnus à l’Amérique méridionale, terminent ici, ■ comme dans les Alpes et les Pyrénées, l’échelle des grands végétaux. Sur les limites mêmes de la neige perpétuelle, on voit naître l’arenaria bryoïdes, le enicus nivalis, la cholone gentianoïdes. Parmi les végétaux mexicains qui fournissent une abondante substance alimentaire, le bananier tient le premier rang. Les deux espèces, nommées platano artor et dominico, paraissent indigènes ; le camburi ou musa sapientium y a été apporté d’Afrique. Un seul régime de" bananes contient souvent 100 à 160 fruits et pèse 30 à 40 kilogrammes. Un terrain de 100 mètres carrés de surface produit aisément 2,000 kilogrammes pesant de fruits. Le manioc occupe la même région que le bananier. La culture du maïs est plus étendue ; ce végétal indigène réussit sur la côte de la mer et dans les vallées de Toluca, à 2,000 mètres au-dessus de l’Océan. Le maïs produit généralement 150 pour 1 ; il forme la principale nourriture des hommes et des animaux. Le froment, le

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seigle et les autres céréales de l’Europe ne sont cultivés que sur le plateau, dans la région tempérée. Le froment donne, en général, de 25 à 30 pour 1. Dans la région la plus fertile, on cultive la pomme de terre originaire de l’Amérique méridionale, le tropœlum esculentum, nouvelle espèce de capucine, et le r.henopodîum quinoa, dont la graine est un aliment aussi agréable que sain. La région" tempérée et la région froide possèdent encore l’oca (oxalis tuberosa) ; la patate et l’igname sont cultivées dans la région chaude. Malgré les abondants produits de tant de plantes alimentaires, les sécheresses exposent le Mexique à des famines périodiques. Ce pays produit des espèces indigènes de cerisiers, des pommiers, des noyers, des mûriers, des fraisiers ; il s’est approprié la plupart des fruits de l’Europe et de ceux de la zone torride. Le magney, variété de l’agave, fournit la boisson nommée pulque, .que les habitants du Mexique consomment en très-grande quantité. Les libres du magney fournissent du chanvre et du papier ; les épines servent d’épingles et de clous. La culture du sucre s’accroît, quoiqu’elle soit, en général, bornée à la légion tempérée, et que, par défaut de population, les plaines chaudes et humides des côtes maritimes, si propres à ce genre de culture, restent en grande partie en friche. La canne est ici cultivée et exploitée par des mains libres. L’État d’Oaxaca est aujourd’hui la seule province où l’on cultive en masse le nopal ou le cactus cochenitifer, sur lequel se nourrit l’insecte qui produit la cochenille. La cochenille présente un objet d’exportation de la valeur annuelle de 12 millions de francs. Parmi les autres végétaux utiles, nous distinguerons le convoloulus jalaptq ou vrai jalap, ~qui croît naturellement dans le canton de Jalapa, nu N.-O. de la Vera-Cruz ; Vepidendrum vanilla, qui, conjointement avec le jalap, aime l’ombre des liquidainbars et des omyris ; ia copaïfera officinalis et le toluifera balsamum, deux arbres qui donnent une résine odorante, connue dans le commerce sous les noms de baume capiri et de l’olu. Les rivages des baies d’Honduras et de Campêche sont célèbres, depuis le moment de leur découverte, par leurs riches et immenses forêts de bois d’acajou et de campêche, si utiles aux fabriques, mais dont les Anglais ont envahi l’exploitation. Une espèce d’acacia donne une excellente teinture en noir. Le gaïac, le sassafras, le tamarin ornent et enrichissent ces provinces fertiles. On trouve dans les bois l’ananas sauvage ; tous les terrains rocailleux et bas sont chargés de diverses espèces d’aloès et d’euphorbes. Les jardins de l’Europe tirent quelques nouveaux ornements de la flore mexi- ’ caine, entre autres la saloila fulgens, à laquelle ses tteurs cramoisies donnent tant d’éclat ; le beau dahlia ; l’élégant sisyrinchium strié ; YhétiatUhtts gigantesque et la délicate mentzelia. Bonpland, compagnon de Humboldt, a trouvé une espèce de plante bombycine qui produit un coton doué à la fois de l’éclat de la soie et de la solidité de la laine. La zoologie du Mexique est médiocrement connue. Plusieurs espèces, voisines de celles que nous connaissons, en diffèrent pourtant par des caractères importants. Parmi les es Îièces décidément neuves et indigènes, sant e coëndon, espèce de porc-épic ; l’apaxa ou le cerf mexicain ; la conopatl, du genre des moufettes, dont on connaît cinq ou six espèces ; l’écureuil dit du Mexique, et une autre es Eèce d’écureuil strié ; le loup mexicain, qui abite les forêts et les montagnes. Parmi les quatre animaux qualifiés de chiens par le Pline mexicain, Hernandez, l’un, nomméxoloitzcuintlir, est le loup distingué par l’absence de tout poil. Le techic/ii est une espèce do chien muet, que les Aztèques mangeaient. Cet aliment était si nécessaire aux Espagnols mêmes, avant l’introduction des bestiaux, que peu à peu toute la race en fut détruite. Le bison et le bœuf musqué errent en grands troupeaux dans la Nouvelle-Californie et le nord de l’État de Sonora. Les élans de cette dernière province ont assez de force pour avoir été employés à traîner un lourd carrosse à Zacatecas, selon le témoignage de Clavijero. On connaît encore très-imparfaitement les grands moutons sauvages de Californie, ainsi que les berendos du même pays, qui paraissent ressembler à des antilopes. Lo jaguar et le cougouar, qui, dans le nouveau inonde, représentent le tigre et le lion de l’ancien continent, se montrent dans toute l’Amérique centrale et dans la partie basse et chaude du Mexique proprement dit ; mais ils ont été peu observés par des naturalistes instruits. Hernandez dit que le miztli ressemble au lion sans crinière, mais qu’il est d’une plus grande taille. L’ours mexicain est le même que celui de la Louisiane et du Canada. Les animaux domestiques de l’Europe transportés au Mexique y ont prospéré et se sont extrêmement multipliés. Les chevaux sauvages, qui parcourent eu bandes immenses les plaines du Nouveau-Mexique, descendent tous de ceux qu’ont amenés les Espagnols. La race en est belle et vigoureuse. Celle des mulets no l’est pas moins. Les moutons sont d’une espèce grossière et mal soignée. L’élève des bœufs est importante sur la côte orientale et dans l’État de Durango. On voit encore des familles qui possèdent de 40,000 à 50,000 têtes de bœufs et de chevaux ; d’anciennes relations parlent même de troupeaux deux ou trois fois plus nombreux.

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Les métaux précieux et les minéraux utiles abondent au Mexique. On trouve de l’étain et du cuivre particulièrement dans les États de Guanaxuato et de Mechoacan, et, dans diverses autres parties du territoire, du zinc, du fer, du mercure, de l’antimoine, du sel gemme, etc. Le produit annuel des mines d’or et d’argent au Mexique, en temps ordinaire, s’élève k une valeur de 22 millions de piastres. L’or, qui n’entre dans ce produit que pour un million, se trouve en paillettes ou en grains dans les terrains d’alluvion de la Sonora et de la Haute Fimerie, qui, à ce qu’il paraît, peuvent rivaliser de richesse avec ceux de la Californie ; il existe aussi en filons dans les montagnes de gneiss et de schiste micacé de l’État d’Oaxaca. L’argent se trouve en quantités prodigieuses dans le plateau d’Annhuac et de Mechoacan. Lamine de Batopilas, dans l’État de Durango, ia plus septentrionale qu’on ait exploitée, a donné plus abondamment de l’argent massif, tandis que, dans les autres, lo métal est extrait, soit des minerais qu’on nomme maigres, tels que l’argent rouge, noir, chloruré et sulfuré, soit dû plomb argentifère. La disette -de mercure, qu’on tire de la Chine, de l’Autriche et de 1 Espagne, arrête seule l’essor de l’exploitation. Les mines connues sont loin d’offrir aucun indice d’épuisement. Il en reste sans doute à découvrir. Un avantage, très-notable [tour le progrès de l’industrie nationale, naît de la hauteur à laquelle la nature du Mexique a déposé les grandes richesses métalliques : les filons d’argent les plus riches, comme ceux de Guanaxuato, de Zacatecas, de Pasco et de Real del Monte, se trouvent à des hauteurs moyennes de 1,700 à 2,000 mètres. Les mines y sont entourées de champs labourés, de villes et de villages ; des forêts couronnent les collines voisines ; tout y facilite l’exploitation des richesses souterraines.

Histoire. Le Mexique tire son nom de Mexico sa capitate. En langue aztèque, Mexico ou Mejico signifie demeure du dieu de la guerre, appelé Mexitli ou Huitzilopochtli. De lointaines traditions, transmises de génération en génération, font venir du Nord les populations mexicaines ; les découvertes que l’on a faites de constructions antiques au milieu des steppes californiens et dans les prairies du Mississipi, et plus sûrement encore l’étude comparée d’une vaste famille d’idiomes américains, ont confirmé l’exactitude générale de ces traditions. On avait gardé le souvenir de trois grandes immigrations qui se répandirent à des époques successives dans les terres de l’Aiirthuac. En premier lieu l’immigration toltèque, puis celle des Chichimèques, et enfin l’immigration des Aztèques, qui étaient les maîtres du pays lors de l’arrivée des Espagnols. Ces trois peuples doivent avoir appartenu à une même souche originaire. Des calculs fort incertains, fondés sur la durée de ce qu’on qualifie de générations royales, Ont fait évaluer à huit cent cinquante ans environ la période que représentent ces trois immigrations, dont 1 époque initiale, c’est-à-dire l’arrivée des Toltèques, tomberait ainsi vers le milieu du vir= siècle de notre ère. D’autres supputations, non moins incertaines, remontent beaucoup plus haut. Les premiers progrès qui marquèrent le commencement de la civilisation de l’Anahuac appartiennent aux Toltèques. Les deux peuples qui vinrent après eux, les Chichimèques et les Aztèques, se les approprièrent et les étendirent.

Les Aztèques, après avoir été un instant soumis par les Colhues, s’emparèrent de la domination et fondèrent, en 1325, Mexico, où vinrent résider leurs rois. Ils soumirent peu à peu les peuples environnants, et atteignirent un haut degré de prospérité et de civilisation (v. Aztèques). La plus grande partie du plateau proprement dit de l’Anahuac formait le royaume aztèque de Momézuma, et d’autres États d’une plus ou moins grande étendue, les uns tributaires ou ennemis, les autres alliés deMontézunia, se développaient sur les deux pentes du plateau, conséquemment dans les régions les plus fertiles de l’Anahuac, lorsque, en 1515, deux expéditions espagnoles parues de Cuba se dirigèrent successivement vers les côtes du Yucatan. Hernandez deCordova commandait la première ; il visita les îles et la terre ferme du Yucatan, escarmoucha contre les Indiens, perdit quelques hommes et revint sans avoir obtenu de grands résultats. Jean de Grijalva fut mis à la tète de la deuxième ; il parcourut les mêmes lieux que son prédécesseur, y ajouta quelques découvertes, et arriva à l’embouchure du rio Randeras, dans la province do Guaxaca, où il vit déployées, pour la première fois, les bannières blanches do Montézuma. Lorsque Grijalva fut de retour à Cuba, le gouverneur de l’Ile, Diego Yelasquez, furieux de ce qu’il n’avait fait aucun établissement dans le pays, lui refusa le commandement d’une troisième expédition, pour en charger Pernand Cortez. En moins do deux ans (1519-1521), celui-ci subjugua tout le Mexique, dont les merveilles le frappèrent vivement, lui et ses compagnons.

La conquête du Mexique fut bientôt suivie de celle de tout le pays, sans en excepter les Tlaxcallèques et les autres alliés, qui subirent le même sort que les Aztèques. L’Espagne en fit un seul royaume et lui donna le nom de Nouvelle-Espagne, divisée en douze

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Intendances dénommées : Potosi, Sonora, Durango, Guadalaxara, Yucalan, Mexico,

Oaxaca, Vera-Cruz, Mechoacan, Puebla, Zacatecas et Guanaxuato. L’arrivée du premier vice-roi espagnol eut lieu en 1536, sous le règne de l’empereur Charles-Quint. Nonseulement les infortunés Mexicains devinrent la proie de conquérants barbares et cupides, qui les dépouillèrent et les plongèrent dans la servitude, mais ils virent s’abattre sur eux un fléau plus horrible encore, l’inquisition. Des moines, envoyés d’Espagne, vinrent convertir les Mexicains et eurent recours, pour atteindre ce but, à leur système d’épouvantables tortures et d’auto-da-fé. Grâce à uns poignée de fanatiques et d’aventuriers, la civilisation du Mexique, et son esprit national disparurent, et la population, décimée par les supplices et les travaux excessifs, décrut avec une prodigieuse rapidité. Les vainqueurs employèrent surtout les vaincus à 1 exploitation des métaux précieux, et l’énorme quantité d’or et d’argent que l’Espagne tira du Mexique au xvie siècle ne contribua pas peu, à cette époque, à lui assurer la prépondérance en Europe. Le sort des Mexicains était alors tellement épouvantable que Las Casas s’en émut et réclama auprès ae Charles-Quint pour empêcher l’extermination de tout un peuple. Ce souverain, cédant à ces réclamations, consentit à reconnaître aux Indiens la liberté personnelle, sous la condition de payer certains tributs et d’être assujettis à certains travaux. Quant aux cultivateurs, attachés à la glèbe, ils furent traités comme serfs jusqu’à Ta fin du xvuie siècle. La cour de Madrid considéra ses possessions mexicaines plutôt comme des propriétés de la couronne que comme des colonies, dans l’acception ordinaire de ce mot. Le pays appartenait au roi, et toutes les terres occupées, soit par les indigènes, soit par les conquérants espagnols et leurs successeurs,

étaient censées des concessions royales. En sa qualité de propriétaire, le roi percevait des redevances et des tributs, mais il ne prélevait pas d’impôts. Tous les fonctionnaires publics étaient les gens du roi ; son délégué spécial portait le titre de vice-roi, et celui-ci nommait aux emplois vacants, sous la réserve de la sanction royale ; il décidait des questions importantes et commandait l’armée. Un tribunal suprême, nommé aadiencia, rendait la justice en dernier ressort quand l’objet en litige ne dépassait pas dix mille dollars. Cette cour, dont les membres jouissaient d’immenses privilèges, avait droit de remontrance, composait une sorte de conseil d’État et formait le contre-poids de l’autorité du vice-roi. L’audiencia correspondait directement avec le conseil des Indes, ce régulateur suprême des affaires relatives aux possessions d’outre-iner. Le vice-roi et les membres de Yaudiencia devaient être avant tout les hommes de la mère patrie. Aussi leur était-il interdit, à eux et à leurs fils, do se marier ou d’acquérir des biens-fonds en Amérique. Les différentes provinces avaient leurs administrations locales, leurs collecteurs des droits, des redevaneeset des douanes, à la tête desquels se trouvait l’intendant. Celui-ci exerçait dans sa’province, tant sous le rapport financier que sous le rapport administratif, une autorité très-étendue. Un

élément démocratique existait au Mexique dans les corporations municipales. Les municipalités ou ayuntamienios, composées des regidores et des alcades, nommés originairement par les habitants des villes, étaient aimées des populations, qui les considéraient comme leurs ■protectrices naturelles et auxquelles les liait la communauté des intérêts et des rapports de famille. Peu à peu, à la vérité, la couronne s’ingéra dans les élections et désigna la plupart des membres des aguntamienlos ; cependant leur position visà-vis du peuple resta invariablement la même. Le code qui régissait le Mexique sous la domination espagnole se nommait llecopilacion de las leyes de las Jndias ; c’était un assemblage de lois, de statuts, d’ordonnances et do décrets rendus successivement par les rois d’Espagne et le conseil des Indes. La procédure était gênée et souvent embrouillée au Mexique par les privilèges (fueros) dont jouissaient les corporations et les professions. Le clergé, le corps enseignant, la milice, la marine, les marchands, etc., avaient leurs fueros, et chacun pouvait choisir, en cas de. procès, le tribunal spécial du corps auquel il appartenait. Le texte de la loi (expression de la volonté royale) établissait la parité entre les Américains et les Espagnols. Malheureusement, cette sage disposition resta à l’état de lettre morte au bout de peu de temps. En dépit des efforts du vice-roi don Antonio de Mendoza et de ses premiers successeurs, la population’ de la Nouvelle-Espagne se divisa en trois classes d’hommes parfaitement distinctes, à savoir : les blancs ou Espagnols, descendants des vainqueurs ; les Indiens, enfants des vaincus, et les bastes ou créoles, de sang mêlé. Les premiers se considéraient connue fort supérieurs aux deux autres races ; presque toutes les richesses et propriétés du royaume se trouvèrent bientôt entre leurs mains. Les conquérants s’étaient approprié les plus belles parties du pays, entre autres les domaines des princes, des caciques et des personnages marquants de la nation indigène. Le gouvernement, en retirant à lui les conimanderies, en laissa cependant