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Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 12, part. 1, P-Pate.djvu/102

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cetus apprend à Néron que l’on pouvait fabriquer un vaisseau construit de manière qu’une partie du bâtiment, s’ablmant sous 1 eau, engloutirait sa mère à l’improviste... L’invention plut à Néron. ■ C’est dans ce livre que l’écrivain écrit cette phrase terrible : « Quel torrent révolutionnaire que la Loire ! > Et, en effet, il fallut afficher dans les rues de Nantes une ordonnance qui « défendait de boire l’eau de la Loire, que les cadavres avaient infectée. ■

Camille Desmoulins, comme Méhée, s’inspire des sombres tableaux de Tacite pour peindre les fureurs de la liberté. On lit dans son Vieux Cordelier ces lignes d’une éloquence admirable, d’une réalité terrible :

« Bientôt ce fut un crime de lèse-majesté ou de contre-révolution à la ville de Nursia (allusion aux malheurs de Lyon, devenue Commune-AtfranehieJ d’avoir élevé un monument à ses habitants morts au siège de Modène... ; crime de contre-révolution à Libon Drusus d’avoir demandé aux diseurs de bonne aventure s’il ne posséderait pas un jour de grandes richesses ; crime de contre-révolution au journaliste Cremutius Cordus d’avoir appelé Brutus et Cassius les derniers de3 Romains ; crime de contre-révolution à un descendant de Cassius d’avoir chez lui un portrait de son bisaïeul ; crime de contre-révolution à Petrelus d’avoir eu un songe sur Claude ; crime de contre-révolution à Appius Silanus de ce que la femme de Claude avait eu un songe sur lui ; crime de contre-révolution à la mère du consul -Fusais Geminus d’avoir pleuré la mort funeste de son fils.

■ Il fallait montrer de la joie de la mort de son ami, de son parent, si l’on ne voulait pas s’exposer à périr soi-même... On avait peur que la peur même ne rendit coupable.

« Tout donnait de l’ombrage au’ tyran. Un citoyen avait-il de la popularité, c’était un rival du prince, qui pouvait susciter une guerre civile : Studta civium in se verteret, et si multi idem audeant, hélium esse. Suspect.

« Fuyait-on, au contraire, la popularité et se tenait-on au coin de son feu, cette vie retirée vous avait fait remarquer, vous avait donné de la considération : Quanto metu occultior, ianto famm ade plus. Suspect.

Etiez-vous riche, il y avait un péril imminent que le peuple ne fût corrompu par vos largesses : Auri vim atque opes Pluti principi infensas. Suspect.

Etiez-vous pauvre : comment donc ! invincible empereur, il faut surv.eiller de plus près cet homme. Il n’y a personne d’entreprenant comme celui qui n’a rien : Syllam aiopem, unde prsscipuam audaciam. Suspect.

S’était-on acquis de la réputation à la guerre, on n’en était que plus dangereux par son talent. Il y a de la ressource avec un général inepte. S’il est.traître, il ne peut pas si bien livrer l’armée à l’ennemi qu’il n’en revienne quelqu’un. Mais un officier du mérite de Corbulon ou d’Agricola, s’il trahissait, il ne s’en sauverait pas un seul. Le mieux, était de s’en défaire : au moins, seigneur, ne pouvez-vous vous dispenser de l’éloigner promptement de l’armée : Afulta militari fama mettait fecerat. Suspect.

■ L’un était frappé à cause de son nom ou de celui de ses ancêtres ; un autre, à cause de sa belle maison d’Albe ; Valérius, a cause que ses jardins avaient plu, à l’impératrice ; Statilius, à cause que son visage lui avait déplu, et une multitude sans qu’on pût en deviner la cause.

■ Les dénonciateurs se paraient des plus beaux noms, se faisaient appeler Cotta, Scipion, Régulus, Cassius, Sévérus. La délation était le seul moyen de parvenir, et Régulus fut fait trois fois consul pour ses dénonciations... Le marquis Seruims intentait une accusation de contre-révolution contre son vieux père, déjà exilé ; après quoi, il se faisait appeler fièrement Brutus.

Tels accusateurs-, tels juges. Les tribunaux, protecteurs de la vie et dés propriétés, étaient devenus des boucheries où ce qui portait le nom de supplice et de confiscation n’était que vol et assassinat.

Si un lion empereur avait eu une cour et une garde prétorienne de tigres et de panthères, ils n’eussent pas mis plus de personnes en pièces que- les délateurs, les affranchis, les empoisonneurs et les coupe-jarrets des Césars... »

Et cependant Camille Desmoulins avait approuvé Marat, il avait encouragé ses défiances et ses colères ; mais il ne voulait pas qu’on le dépassât. « Au delà de ce que Marat propose, dit-il presque au début de son Vieux Cordelier, il ne peut y avoir que délire et extravagances ; au delà de ses motions, il faut écrire, comme les géographes de l’antiquité à l’extrémité de leurs cartes : ■ Là, il n’y a plus de cités, plus d’habitations ; il n’y a plus que des déserts sauvages, des glaces « ou des volcans. »

Mais, pour ne pas rester sous le poids de cette amère éloquence, citons un dernier passage du Vieux Cordelier, où Camille Desinoulins revient à l’enthousiasme, a l’espérance ; «La Liberté que j’adore n’est point le dieu inconnu... La douceur des maximes républicaines, la fraternité, la sainte égalité..., voilà les traces des pas do la déesse, voilà à quels traits je distingue les peuples au milieu desquels elle habite... Non, la Liberté, cette Liberté descendue du ciel, co n’est point une nymphe de l’Opéra, ce n’est point un bonnet

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rouge, une chemise salo et des haillons... La Liberté, c’est le bonheur, c’est la raison, c’est l’égalité, c’est la justice, c’est la Déclaration des droits, c’est votre sublime constitution. »

Ce sont ces pages, empreintes de tant de patriotisme, que Nicolas dénonçait aux Cordeliers comme un libelle impur, en ajoutant ces sinistres paroles : ■ Voila longtemps que Camille Desmoulins frise la guillotine ; » ce sont ces pages éloquentes que Robespierre voulait voir brûler au sein même de la Convention. À quoi, il est vrai, Camille répondit, comme autrefois Rousseau : • Fort bien dit, Robespierre ; mais brûler n’est pas répondre. »

Dans ces duels entre géants devait succomber, avant le pauvre et charmant Camille Desmoulins, un autre écrivain, un rêveur, un amoureux de l’humanité, Anacharsis Cloots, l’auteur de VAppel au tjetire humain, qui, dans sa foi naïve et profonde en des destinées meilleures, avait dit : « L’univers sera un temple qui aura pour voûte le firmament, » et qui, même au pied de l’échafaud, répondait à Hébert, pleurant sur la liberté perdue : « Console-toi : la liberté ne peut périr. •

C’est à cette époque sanglante que l’avocat Guffroy écrit, dans un pamphlet honteux, intitulé : Bougiff (anagramme de son nom), ces lignes enragées :

« Les complices de cette guenon (Charlotte Corday) n’ont pas tous été rasés comme elle. Us le seront. Pas vrai, Chariot ?... Allons I vite, allons ! que la guillotine soit en permanence dans toute la République. Tribunaux, à l’ouvrage I... La Tour du Pin est pris, Altier est pris, vingt-huit mille Marseillais, républicains à la Barbaroux, sont pris. Eh bien, vite, ma recette ! Allons, dame Guillotine, rasez de près tous ces ennemis de la patrie. Allons ! allons 1 pas tant de contes 1 Tête au sac ! »

À ces excitations au meurtre, tandis que Barère répondait par des axiomes de ce genre : > Il n’y a que les morts qui ne reviennent pas ; i que Collot d’Herbois, regardant comme trop douce la trausportaiion à la Guyane, disait : • Il ne faut rien déporter ; il faut détruire et ensevelir dans la terre de la liberté tous les conspirateurs ; • que Chamtort faisait de l’esprit et excusait ces violences en disant : « Vous voudriez qu’on nettoyât les écuries d’Augias avec un plumeau I • au milieu de ce déchaînement, Robespierre et Danton plaidaient la cause de l’humanité. Danton s’écrie devant l’Assemblée nationale, en apprenant un acquittement prononcé par le tribunal révolutionnaire : « L’on s’honore quand on "sauve un innocent. • Et Robespierre, tout ému de pitié, écrit dans son rapport à la Convention (février 1794) : « Comme on est tendre pour les oppresseurs et inexorable pour les opprimés ! Grâce pour les scélérats ? Non. Grâce pour l’innocence I Grâce pour les faibles I Grâce pour les malheureux I Grâce pour l’humanité 1 »

— 179-i. Le terrible hiver de 1794 donna lieu à une recrudescence de pamphlets. Louis Viger, député suppléant à la Convention, publie sa brochure : Primo, du pain, et voici comment. Dubois-Craneé, dans : le Pain à deux sous dans toute la République, propose, entre autres moyens de combattre la famine, « de déclarer confiscable, avec amende, tout blé des récoltes précédentes qui se trouverait encore en nature et non converti en farine, chez un particulier, un mois après la récolte de l’année courante.

Le droit de propriété, dit-il, consiste-t-il à refuser de vendre la denrée qu’on a de trop à celui qui en manque ? Non. De quel droit le laboureur voudrait-il que, pour lui garantir sa propriété, son voisin allât se battre aux frontières, lorsque, lui, le laisserait mourir de faim ? »

Momoro, dans une autre brochure, cherche à établir la justice d’un maximum du prix des grains. « Que nous importe, dit-il, fa ruine des accapareurs ? Ils ont calculé sur la famine ; si leurs calculs sont déjoués, tant mieux. •

L’avortement de la conspiration royaliste de Pichegru servit de prétexte au Directoire pour imposer silence aux écrivains et aux journalistes ; parmi les premiers, un certain nombre est condamné à la déportation, entre autres l’académicien Suard ; les seconds, tant à Paris qu’en province, se voient frappés par soixante-cinq condamnations. •*

Vient le Consulat, puis l’Empire : le pamphlet est muet. M»» de Staël, Benjamin Constant, Chateaubriand osent seuls protester contre la tyrannie impériale et « rester debout. » Quant aux écrivains mal pensants, on les enferme dans des prisons d’État, on les transporte ou même on les fusille, eux et leurs libraires.

Un des premiers actes de la Restauration, le lendemain même de la bataille de Paris, fut de rétablir dans les bureaux de journaux tous les anciens propriétaires qui en avaient été dépossédés, tous les rédacteurs qui en avaient été chassés par le despotisme impérial.

Fait étrange I Le 30 mars, tous les journaux professaient un dévouement inaltérable à l’empereur et à sa dynastie, et, le 1er avril, tous maudissaient l’Empire et prodiguaient à Napoléon les noms les plus odieux. Le Journal de Paris publiait, sous le titre de Testament de Buonaparte, les vers suivants :

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Je lègue aux enfers mon génie,

Mes exploits aux aventuriers,

À mes partisans l’infamie.

Le grand livre à mes créanciers ;

Aux Français l’horreur de mes crimes,

Mon exemple à tous les tyrans,

La France à 6es rois légitimes

Et l’hôpital à mes parents. La veille même, le pamphlet avait reparu sur l’arène politique, et cette réapparition fut éclatante, car c’était Chateaubriand lui-même qui avait pris la plume et adressé à toute la France, avec une éloquence implacable, sa brochure : De Bonaparte et des Bourbons.

Ainsi, c’étaient les royalistes eux-mêmes qui ouvraient le feu ; on devait leur riposter brillamment et longtemps.

À sa brochure sur Bonaparte et les Bourbons Chateaubriand fait succéder presque •immédiatement ses Réflexions politiques sur les intérêts de tous, où l’enthousiasme royaliste ne nuit pas à la clairvoyance de l’homme d’État. On y lit, par exemple : « Déplorons à jamais la chute de l’ancien gouvernement... Mais, enfin, notre admiration, nos pleurs, nos regrets ne nous rendront point Du Guesclin, Lahire et Dunois. La vieille monarchie ne vit plus pour nous que dans l’histoire. »

Carnot-, de son côté, prend la parole au nom de la France vaincue : « Si vous voulez, dit-il, paraître aujourd’hui à la cour avec distinction, gardez-vous bien de dire que vous êtes un de ces vingt-cinq millions de citoyens qui ont défendu leur patrie avec quelque courage contre l’invasion des ennemis, car on vous répondra que ces vingt-cinq millions de prétendus citoyens sont vingt-cinq millions de révoltés... Dites que vous avez eu le bonheur d’être chouan ou Vendéen, "ou transfuge, ou Cosaque, ou Anglais..., alors votre fidélité sera portée aux nues ; vous recevrez de tendres félicitations, des décorations, des réponses affectueuses de toute la famille royale. • Napoléon s’évade de l’Ile d’Elbe, et la parole fait place aux faits : on n’écrit pas, on agit. Cependant, Chateaubriand reprend sa plume de champion de la royauté légitime et écrit son Rapport au roi, qui se répand dans toute la France. On y sent toujours le grand écrivain ; mais une exagération passionnée y prend trop souvent la place de la vérité. Voici le début de ce violent pamphlet : • Bonaparte est descendu, comme Genséric, là où l’appelait la coière de Dieu... Des hommes accablés de vos dons, le sein décoré de vos ordres, ont baisé le matin la main que le soir ils ont trahie... Au reste, le dernier triomphe qui va terminer la carrière de Bonaparte n’a rien de merveilleux... Tous les jours, au Caire, à Alger, à Tunis, un bey proscrit reparaît sur la frontière du désert ; quelques mameluks se joignent à lui, le proclament leur chef et leur maître... Le despote s’avance au bruit des chaînes, entre dans la capitale da son empire, triomphe et meurt. ■

Une autre brochure du grand écrivain, la Monarchie selon la charte, le fit rayer du nombre des ministres d’État pour la hardiesse de ses conseils.

Pendant que les journaux de l’opposition payent de l’amende et delà prison leurs trop vives audaces et que les plus sages conseillers de la royauté se voient disgraciés, les enfants perdus de la presse royaliste attisent les haines par la violence de leur langage. Le fougueux Martainville ne connaît plus de ménagement quand il s’agit des libéraux. Voici ce qu’il ose dire : « Le libéralisme est la religion des gens qui fréquentent les galères. Un de ces honnêtes citoyens prit dernièrement la poche de son voisin pour la sienne. On lui demanda la raison de cette méprise. Il répondit que, tous les nez étant égaux, tout le monde devait se servir du même mouchoir. ■ Ailleurs, il suppose que deux anciens forçats se rencontrent. Ce court dialogue a lieu :

■ Quoi ! je te vois, ami, loin du bagne fatal ! Es-tu donc libéré ? — Non, je suis libéral. •

Paul-Louis Courier et Béranger se chargent de la réponse.

Paul-Louis Courier et Béranger !... la prose savante, irréprochable et dont la blessure est mortelle, et le vers léger, charmant, les deux flèches qui vont s’attacher aux flancs de la légitimité, y rester fixées pendant ses luttes douloureuses et jusque dans son agonie sanglante. À chaque faute des ministres apparaît comme commentaire une page étineelante de Paul-Louis. L’histoire de ses triomphes comme écrivain populaire est l’histoire même des bévues de la royauté. La réaction de 1S15, la terreur blanche, sévit jusque dans la paisible Touraine. Le préfet jette en prison cinq cents personnes en un mois. Courier, indigné, adresse aux deux Chambres une Pétition au nom des habitants de Luynes, petit village au bord de la Loire :

« Pierre Aubert, veuf, avait un garçon et une fille, celle-ci de onze ans, l’autre plus jeune encore, mais dont, à cet âge, ta douceur et l’intelligence intéressaient déjà tout le monde. À cela se joignant alors la pitié qu’inspirait leur malheur, chacun, de son mieux, les secourut. Rien ne leur eût manqué, si les soins paternels se pouvaient remplacer ; mais la petite tomba bientôt dans une mélancolie dont on ne put la distraire. Cette nuit, ces gendarmes et son pète enchaîné ne s’effaçaient point de sa mémoire. Les impressions de terreur qu’elle avait conservées d’un

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si affreux réveil ne lui laissèrent jamais reprendre la gaieté ni les jeux de son âge. Re fusant toute nourriture, sans cesse elle appelait son père. On crut, en le lui faisant voir, adoucir sou chagrin et peut-être la rappeler à la vie. Elle obtint, mais trop tard, l’entrée de la prison... Il l’a vue, il l’a embrassée, il se flatte de l’embrasser encore. Il ne sait pas tout son malheur, que frémissent de hù apprendre les gardiens mêmes de ces lieux. Au fond de ces terribles demeures, il vit de l’espérance d’être enfin quelque jour rendu à la lumière et de retrouver sa fille... Depuis quinze jours elle est morte. >

La Pétition de Courier fit cesser les persécutions.

Un procès injuste intenté k son gnrdechasse lui donna l’occasion d’écrire le Plaeet et la Lettre de Pierre Clavier, dit Blondenu, qui lui firent donner gain do cause. D’autres publications commencent à répandre sa popularité sans lui en faire encore éprouverles inconvénients. Son Simple discours, à propos d’une souscription pourî’acquisicion de Chambord (1S21), lui valut ses premières poursuites devant la cour d’assises.

Cependant, la congrégation étend sur toute la Franco son influence prépondérante ; les royalistes éclairés s’en alarment eux-mêmes, et le sagu Montlosier publie, sous le titre de Mémoire à consulter sur un système religieux et politique tendant à renverser la religion, la sociélé et le trône, un pamphlet dans les règles, une dénonciation virulente des pratiques occultes et des envahissements de la congrégation.

« Il ne suffit pas à la congrégation, dit-il, de s’être emparée des postes, des deux polices et du ministère ; sa domination dans toutes les parties du royaume donne lieu à un nouveau système de Surveillance. L’espionnage était autrefois un métier que l’argent commandait k la bassesse ; H est aujourd’hui commandé à la probité. Par les devoirs que la congrégation impose, l’espionnage est devenu comme de conscience : on est prêt à lui donner des lettres de noblesse. Les classes inférieures de la société sont traitées à cet égard comme les classes supérieures. Au mejen d’une association dite de Saint-Joseph, tous les ouvriers sont aujourd’hui enrégimentés et disciplinés. Quelques marchands de vin ont été désignés pour donner leur boisson à meilleur marché, et, tout en les enivrant, on leur donne des formules toutes faites de bons propos à tenir ou de prières à réciter. Il n’est pas jusqu’au placement des domestiques dont on n’ait eu soin de s’emparer. J’ai vu, à Paris, des femmes de chambre et des laquais qui se disaient approuvés par la congrégation.

Les villages de là campagne, les officiers de la cour, la garde royale n’ont pu échapper à la congrégation. Dix-huit pairs de France, au moins, sont au nombre de ses membres. Pour la Chambre des députés, on y comptait, au mois d’avril dernier, selon les uns cent trente membres de la congrégation, selon les autres cent cinquante. La congrégation remplit la capitale, mais elle domine surtout la province. Elle forme là, sous l’influence des évêques et des grands vicaires affiliés, des coteries particulières. Ces coteries, épouvantails des magistrats, des commandants, des préfets et des sous-préfets, régnent de là sur Je gouvernement et le ministère. »

Le succès du Mémoire à consulter fut immense ; huU éditions s’enlevèrent en quelques semaines.

L’année 1827 amène une recrudescence de sévérité contre la presse, la destitution de Lacretelle, ’de Villemain, de Michaud, le rétablissement de la censure, et, par un contraste honorable pour i’indépendance de l’esprit humain, c’est l’année même où, bravant l’amende et la prison, Béranger soulève dans la I^rance entière le plus généreux enthousiasme. Sous le simple titre de chansons, il poursuit sans pitié toutes les rigueurs, toutes les faiblesses, toutes les fautes de la légitimité ; pendant quinze ans, debout sur la brèche, il tient la France éveillée et en gaieté par les vifs éclats de sa fanfare, qui retentit, comme la trompette de Jéricho, aux oreilles de la noire armée des jésuites et crève le tympan des courtisans. Nous ne citerons point Béranger : il est dans toutes les mémoires. Mais le recueil de ses Chansons est la plus fidèle et la plus vivante image des sentiments du peuple français durant les tristes jours de la Restauration.

En 182S, le spectacle de la Grèce, combattant héroïquement pour son indépendance, inspire de nobles accents aux patriotes français. Casimir Delavigne publie ses ÂJesséniennes, et la France entière en répète les beaux vers ; car on y chante la liberté, la liberté d’une race étrangère, il est vrai, mais ce mot de liberté est toujours doux à prononcer à une bouche française.

L’opposition grandit ; peu de pamphlets, des chansons et Béranger ; au National, Mignet, Thiers, Carrel, plumes hardies et éloquentes ; dans le peuple, des associations secrètes, des sociétés redoutables et, enfin, les barricades, les journées de Juillet. Un roi citoyen est sur le trône : l’indépendance de la presse est proclamée. Heureux, sans doute, les écrivains, qui vont pouvoir dire au peuple la vérité sans peur et sans passion ? Hélas 1 la « meilleure des républiques, » un moment débordée, voulut se vir à son tour, avec plus de