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Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 12, part. 3, Phen-Pla.djvu/41

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pour lequel il reçut la prix dérisoire de dix ducats par composition, les moines avaient eu soin de faire briller à ses yeux le renom que lui vaudrait certainement une œuvre exposée en un endroit aussi fréquenté qu’était le portique de leur église, et ils lui insinuèrent, d’ailleurs, qu’à son défaut ils chargeraient de la commande son rival Franciabigio, lequel aurait fait connaître qu’il se contenterait de la rémunération la plus modique. Cette dernière raison détermina Andréa. Il se mit à la besogne avec une ardeur extrême, plus préoccupé de sa gloire que de ses intérêts, dit Vasari, et termina en fort peu de temps trois premières fresques, qui excitèrent l’admiration des Florentins lorsqu’elles furent découvertes ; il en exécuta ensuite deux autres, pour compléter l’histoire de saint Philippe, et inscrivit sur la dernière la date de 1510. Voici les sujets de ces cinq compositions qui, suivant le jugement de Lanzi, « sont extrêmement gracieuses, quoique nées des premiers élans du génie du maître. »

1o Saint Philippe donnant son vêtement à un lépreux. La scène se passe dans un paysage hérissé de rochers, d’une sévérité grandiose. 2o Saint Philippe attirant le feu du ciel sur des blasphémateurs. Des joueurs réunis sous un arbre se sont moqués des réprimandes du saint, qui les a entendus blasphémer. Aussitôt, à la voix de Philippe, le ciel s’ouvre, la foudre tombe sur l’arbre, tue deux des blasphémateurs et culbute les autres, fous d’épouvante ; une femme, éperdue, court et semble près de s’élancer hors du tableau ; un cheval brise ses liens et se cabre. Le saint et deux autres moines qui l’accompagnent demeurent impassibles au milieu de ce tumulte. « Cette peinture, dit M. Jean Rousseau, contraste singulièrement avec les autres œuvres du maître… Bien qu’on ne voie saint Philippe que de profil perdu, presque de dos, il terrifie ; il est grand, maigre, basané ; sa tête à demi cachée sous un grand capuchon, sa pose droite et inflexible, son bras levé, sont d’une majesté formidable. Il a le geste superbe du Christ de Rembrandt reprenant Lazare à la mort ; il n’invoque pas la foudre, il lui commande et le ciel obéit. Les deux moines qui l’escortent, la corde aux reins, le bâton à la main, la besace sur l’épaule, ne sont guère moins puissants et moins farouches, et les trois juges de l’enfer païen ne formeraient pas un groupe plus terrible. Rien de plus rare que cette âpre grandeur dans l’œuvre élégant et souple d’Andréa del Sarto. On veut qu’il ait surtout, au palais des Médicis, étudié Léonard de Vinci avec lequel il présente certaines ressemblances de manière et même de types. Ici, on sent plutôt le souffle de Michel-Ange. Sa force et sa rudesse ont passé dans ces sauvages figures ; sa violence même se déchaîne à demi dans cette composition mouvementée et bruyante. » Cette fresque a été gravée par Cherubino Alberti (1582).

3o Saint Philippe délivrant une possédée. Ici encore le saint apparaît accompagné de deux autres moines. La possédée se renverse douloureusement entre les bras de ses parents ; une jeune femme, en robe verte, d’une tournure charmante, la soutient par derrière ; un groupe de six personnes en divers costumes est placé à droite ; deux femmes accourent du côté gauche, où se tiennent le saint et ses compagnons. Au fond, une arcade s’ouvre sur un fin paysage.

4o La mort de saint Philippe. Le saint est entouré des religieux, ses frères, qui le pleurent ; un enfant mort ressuscite au contact du cadavre.

5o Guérison d’un enfant par l’apposition d’un vêtement de saint Philippe. Une femme, encapuchonnée d’un voile blanc, présente son enfant nu à un prêtre qui est debout devant un autel et qui tient une pièce d’habillement ; une autre femme agenouillée fait face au spectateur ; à droite est un groupe de cinq figures qui sont évidemment des portraits. Vasari nous apprend que le vieillard vêtu de rouge, qui est placé en arrière et qui s’appuie sur un bâton, est le sculpteur Andrea della Robbia ; il ajoute que l’artiste a également placé dans ce tableau le portrait du célèbre Luca della Robbia, fils d’Andrea, et qu’il a peint celui d’un autre fils, nommé Girolamo, dans la fresque de la Mort de saint Philippe. Un dessin de cette dernière composition, faisant partie de la collection de l’archiduc Charles à Vienne, a été lithographié par J. Pilizotti. Les cinq fresques ont été gravées au trait par Alessandro Chiari (1833), avec un texte par Melchior Missirini (Florence, 1833, in-fol.).


PHILIPPE DE NERI (saint), fondateur de l’ordre des oratoriens. V. Neri.


PHILIPPE (Marcus Julius), surnommé l’Arabe, empereur romain, né dans l’Idumée vers l’an 204 de notre ère, mort en 249. Il était fils d’un chef de brigands et s’éleva par ses services et son mérite à la dignité de préfet du prétoire, pendant la minorité du jeune Gordien. Dans une expédition contre les Perses, il souleva l’armée contre son pupille, le fit massacrer et prit la pourpre (244). Puis il fit la paix avec les Perses, en leur abandonnant la Mésopotamie, et vint se faire reconnaître à Rome, où il célébra des fêtes solennelles pour la millième année de la fondation de Rome (247). Pendant le cours de son règne, il réprima les barbares du Danube et de la Dacie, Scythes, Goths, Caspiens, etc. (245), dans plusieurs guerres dont il est difficile de déterminer la succession. Bientôt des révoltes éclatèrent de toutes parts : l’Arabe Jotapianus prit la pourpre en Syrie et entraîna une partie de l’Orient, les légions de Mœsie proclamèrent Marinus ; Philippe envoya contre lui Dèce, qui fut lui-même proclamé par les légions révoltées. Les deux compétiteurs se disputèrent la pourpre par les armes, et Philippe vaincu fut tué à Vérone par ses propres soldats. On a prétendu qu’il était chrétien, et, suivant une tradition, il accomplit une pénitence publique qui lui fut imposée par saint Babylos, évêque d’Antioche. Toutefois à cette tradition on peut opposer qu’il ne fit aucun acte officiel de christianisme et qu’il se conforma aux rites païens. — Philippe avait proclamé césar en 244 et associé à l’empire avec le titre d’auguste, en 247, son fils M.-Julius Philippe, né en 237 de notre ère. Ce jeune prince fut tué, en 249, à la bataille de Vérone ou, selon d’autres, égorgé à Rome par les prétoriens à la nouvelle de la mort de son père.


PHILIPPE Ier, roi de France, quatrième roi de la race capétienne, né en 1053, mort en 1108. Il fut couronné en 1060, sous la tutelle de Baudouin V, comte de Flandre. C’est pendant cette régence que Guillaume le Bâtard fit la conquête de l’Angleterre. Philippe déshonora sa jeunesse par les excès les plus scandaleux, et eut à ce sujet de longs démêlés avec l’Église. Toutefois, malgré sa mollesse et son indolence, il sut défendre la Bretagne contre Guillaume de Normandie, lutter contre les grands vassaux en associant son fils (depuis Louis le Gros) au trône, et réunir au domaine trois territoires considérables : le Gâtinais (1066), le Vexin (1076), le comté de Bourges (1100). Au reste, il ne prit aucune part aux grands événements qui s’accomplirent pendant son long règne (conquête de l’Angleterre, première croisade, guerres contre les Maures d’Espagne, conquête de la Sicile par les Normands, etc.).


PHILIPPE II ou PHILIPPE-AUGUSTE (ce nom d’auguste lui fut donné du mois de sa naissance, août, Augustus), roi de France, septième roi de la race capétienne, né en 1165, mort en 1223. Il succéda, en 1180, à son père Louis VII et inaugura son règne par de cruels édits contre les juifs : ces malheureux étaient expulsés du royaume, leurs biens confisqués, leurs débiteurs libérés, à la charge de verser au trésor royal le cinquième de leurs obligations. En même temps, les blasphémateurs et les hérétiques du Midi étaient livrés aux flammes. Ces différents actes rendirent le jeune roi très-agréable au clergé. Après avoir terminé quelques guerres engagées avec le comte de Flandre, le duc de Bourgogne et plusieurs grands feudataires, il reprit la lutte de son père contre Henri II, roi d’Angleterre, pour la possession du Vexin et du Berry, et lui imposa le traité d’Azai-sur-Cher (1189), qui lui donnait ces deux provinces. À la mort de Henri, il fit alliance avec son fils Richard Cœur de Lion et entreprit avec lui la troisième croisade. Mais une rupture ne tarda pas à éclater entre les deux frères d’armes, rivaux d’orgueil et d’ambition. Philippe se hâta de revenir en Europe, profita de l’absence et de la captivité de Richard pour essayer de lui enlever les provinces qu’il possédait en France et envahit la Normandie (1192-1193) ; mais il échoua devant Rouen. L’année suivante, Richard, sorti de prison, reparut en Normandie et en Touraine, prit Loches, battit Philippe à Fréteval (1194) et lui enleva les archives de la couronne, que les rois portaient à leur suite. Cet événement détermina Philippe à fonder à Paris les Archives royales. La guerre se continua avec des alternatives de succès et de revers et fut marquée par des atrocités dignes des nations sauvages. Coupée par quelques courtes trêves ménagées par l’intervention du pape, elle ne cessa qu’à la mort de Richard (1199). N’ayant plus en face de lui que Jean sans Terre, prince lâche et incapable, Philippe trouva dans le droit féodal les moyens de lui enlever successivement et sous divers prétextes toutes ses provinces de France : la Normandie (1204), l’Anjou, la Touraine, le Poitou (1205) ; la Guyenne seule se défendit opiniâtrement et resta sous la domination anglaise. En 1193, voulant peut-être acquérir un titre vieilli de domination sur l’Angleterre, le roi de France avait épousé Ingelburge, princesse de Danemark, qu’il répudia ensuite pour épouser Agnès de Méranie. Mais l’excommunication du pape, l’interdit jeté sur le royaume l’obligèrent, après de longs démêlés avec le clergé de France et le pape, à reprendre sa première épouse (1201). Préoccupé de l’abaissement de la puissance anglaise, il ne prit aucune part à la quatrième croisade (1202), qui fut, comme on le sait, détournée de son but et aboutit à la prise de Constantinople par les croisés et à la fondation de l’empire latin (1204). Il demeura de même étranger à l’odieuse guerre contre les albigeois, qui commença sous son règne (1209). Cependant, les grands feudataires et les barons voyaient avec inquiétude et envie l’accroissement de la puissance de Philippe-Auguste et se montraient disposés à appuyer Jean sans Terre. Celui-ci, soutenu déjà par l’empereur Othon IV, crut pouvoir recommencer la lutte ; une coalition formidable se forma contre la France : l’empereur d’Allemagne, Jean sans Terre, le comte de Flandre, le duc de Brabant, les comtes de Boulogne, de Hollande, etc., en étaient les chefs. Philippe, à la tête de ses chevaliers et des milices communales de Picardie, courut écraser les Allemands et les Flamands à la célèbre bataille de Bouvines (1214), « où il n’offrit pas sa couronne au plus digne, comme on l’a répété tant de fois sans fondement », pendant que son fils Louis battait le roi Jean à Chinon et soumettait l’Anjou et le Poitou. Ces importants succès assuraient les conquêtes précédentes et consolidèrent la nationalité française. Une paix profonde en fut la résultat, et Philippe mourut à Nantes en 1223, laissant la France augmentée de plusieurs provinces importantes et d’un grand nombre de fiefs et de domaines considérables. La publication d’excellentes lois civiles, la confirmation de 78 chartes communales, l’organisation de la cour des pairs et de l’Université, les encouragements donnés aux lettres et au commerce, l’exécution de grands travaux d’utilité publique, la construction du Louvre, de la cathédrale d’Amiens, de celle de Saint-Remi de Reims, la continuation de Notre-Dame, le pavage des rues de Paris, les murailles dont il entoura cette ville ainsi que les principales cités du royaume, la fondation de collèges, d’hôpitaux, de halles, etc., ne recommandent pas moins son nom à la reconnaissance nationale.

Philippe-Auguste (LA VIE ET LES GESTES DE), par Guillaume Le Breton (Wilhelmus Armoricus), À quelque point de vue qu’on étudie « l’histoire des choses françaises, » pour nous servir d’une expression latine souvent en usage dans nos vieilles chroniques, on est obligé de remonter au règne de Philippe-Auguste ; c’est de son règne que s’élève l’impulsion définitive qui précipite notre pays à l’accomplissement de sa destinée. On dirait que, avant Philippe-Auguste, la France, agitée en mille sens contraires, n’a point encore conscience d’elle-même, et, en effet, la France n’existe point véritablement. Ce ne fut qu’au XIIe siècle qu’elle arriva à s’unir et à se former en nation. Philippe-Auguste a eu la gloire de travailler à établir l’unité politique de ce vaste pays. Par lui, les possessions royales s’étendirent au détriment de la féodalité, et l’Anglais, qui possédait alors beaucoup de nos provinces, en fut chassé. Le mouvement communal fut protégé et aidé. Philippe, comprenant que, pour détruire tant de tyrans qui s’étaient morcelé le sol de la France, il fallait, avant tout, organiser contre eux une force centrale, agrandit et fortifia Paris, qui devint véritablement alors la capitale de la France. Le mouvement populaire fut avec Philippe-Auguste. Le XIIe siècle est l’époque où la langue française commence enfin à s’affirmer et, mieux encore, à s’imposer au reste de l’Europe. Les travaux récents de nos érudits ont prouvé que l’épopée française, qui atteint en ce siècle à son apogée, a été l’excitatrice et l’aliment de la poésie épique de tous les peuples européens. Ce ne serait même pas un paradoxe de soutenir que, au XIIe siècle, la renommée de Paris, considéré déjà comme la capitale du monde, n’était point inférieure à sa renommée d’aujourd’hui, et que la langue et la littérature françaises jouissaient peut-être d’une influence plus grande et moins contestée que celle qu’elles exercent aujourd’hui.

L’Université, qui s’organisait sous la protection du roi, commençait à faire de Paris le centre de toutes les études. Enfin, le XIIe siècle, qui vit s’élever comme par prodige tant de cathédrales qui nous étonnent aujourd’hui, est comparable au XVIe siècle par la hardiesse et l’activité de son mouvement artistique. Malheureusement, il faut reconnaître que ce mouvement, si magnifique à son début, ne tint pas tout ce qu’il promettait. Les causes par lesquelles il fut tout à coup interrompu et qui le firent si singulièrement avorter appartiennent aux spéculations de la philosophie de l’histoire. Tel fut, à vol d’oiseau, pour ainsi dire, le grand règne de Philippe-Auguste, que l’on trouve au long et consciencieusement raconté dans le livre de Guillaume Le Breton. Ce livre continue l’histoire de Rigort, qui s’arrête en 1208 ; du moins c’est ce que dit Guillaume Le Breton qui, en sus de sa chronique, a composé sur Philippe-Auguste un poème de douze livres. Mais, comme sa chronique faisait corps avec l’œuvre de Rigort qu’elle continuait, elle fut longtemps confondue avec cet ouvrage. Ce fut le savant Duchesne qui signala le premier cette erreur de ses prédécesseurs dans sa collection des écrivains des choses françaises. Mais les auteurs du Recueil des historiens des Gaules et de France sont les premiers qui aient séparé les deux ouvrages, si longtemps confondus. Le manuscrit que Duchesne a publié dans sa collection n’allait que jusqu’à l’année 1219 ; mais, au siècle dernier, un autre manuscrit de Rigort et de Guillaume fut découvert en Angleterre par M. Betencour, membre de l’Académie des inscriptions et belles-lettres. Outre ces deux auteurs, le manuscrit anglais, qui datait du XIIIe siècle et avait appartenu à la bibliothèque du chevalier Cotton, contenait une troisième continuation qui allait jusqu’à l’année 1270. Guillaume Le Breton a défini lui-même le plan qu’il a suivi dans ses Gestes de Philippe-Auguste : « Attendu que le livre de maître Rigort ou Rigot, dit-il, est entre les mains de peu de monde et qu’on ne le communique pas encore à la multitude, j’ai commencé, avant tout, de faire un abrégé sommaire de ce qui est raconté plus en détail dans son écrit, ajoutant en peu de mots des choses par lui omises, dont j’ai acquis la connaissance ou que j’ai vues de mes yeux. Par ce moyen, les gestes antérieurs du roi Philippe et ceux que j’y ai ajoutés se trouvent liés ensemble dans ce petit volume. » Les Gestes du roi Philippe, par Guillaume, ont été insérés dans le tome V de la collection des Scriptorum rerum Francicarum et dans le tome XVII des Historiens des Gaules et de la France. Ils n’ont pas été encore traduits du latin.

Philippe-Auguste (HISTOIRE DE), par Baudot de Juilly (Paris, 1702, in-12). L’auteur, qui professe pour Philippe-Auguste une grande admiration, émet, en matière d’histoire, des opinions plus nettes et plus judicieuses que celles de ses contemporains. Trop souvent, en effet, ceux qui ont écrit sur les commencements de la monarchie française n’ont pas su se soustraire aux idées et aux passions de l’époque pendant laquelle ils vivaient. Il en est résulté de graves erreurs dans l’appréciation des physionomies et des caractères. Baudot de Juilly n’a pas donné dans cet écueil. Quelques-uns de ses jugements méritent même d’être conservés ; celui-ci, entre autres : « On pourrait, dit-il, comparer la France, dans le siècle dont nous écrivons l’histoire, à l’état où nous voyons aujourd’hui l’empire d’Allemagne. Une infinité de princes y commandaient, qui ne devaient au roi que l’hommage et leur contingent quand il s’agissait d’une entreprise pour le service de l’État, et si le roi entreprenait quelque guerre pour ses intérêts particuliers, ils les lui laissaient discuter avec ses forces seules. » Pour que ceci soit parfait, que manque-t-il ? Des termes rendant mieux la pensée de l’auteur. Le mot « État, » par exemple, détonne ici, parce qu’il amène l’idée, absolument fausse, d’une organisation administrative inconnue à cette époque de barbarie féodale. Malgré quelques expressions qui constituent de véritables anachronismes, l’ouvrage de Baudot de Juilly est recommandable par l’ordre et la méthode. C’est un des rares livres des commencements du XVIIIe siècle qui s’appuient sur des documents originaux. C’est un des livres, très-peu nombreux à cette époque, qui n’aient point été fabriqués avec d’autres livres. À ce titre, il est très-utile à connaître.

Philippe-Auguste, poème héroïque en douze chants, par Parseval-Grandmaison (Paris, 1825). On sait que le règne de Philippe-Auguste est une des périodes les plus importantes de l’histoire de la monarchie française. Trois grandes puissances de l’Europe sont coalisées pour soutenir la révolte des seigneurs féodaux contre Philippe. Thibault, comte de Champagne, expose les faits qui ont amené cette coalition dans un long récit fait à Isabelle d’Angoulême, fiancée de Jean sans Terre (IIe et IIIe chants). Les séductions d’Isabelle et la faiblesse passagère de Thibault occupent le IVe chant. Le Ve et le VIe sont consacrés à développer les divers événements de la guerre que Philippe fait aux rebelles retranchés dans le château de Vauvert. Dans le VIIe, |a plupart d’entre eux sont livrés au supplice mérité par leur félonie. Ce chant, placé au centre du poëme, dont il est la clef, se termine par la peinture de l’interdit lancé contre Philippe par la cour de Rome, et qui forme la grande péripétie de l’ouvrage. Dès lors, tout change de face. Toutes les conquêtes de Philippe sont suivies d’une série d’effroyables malheurs. Ses revers deviennent aussi rapides que l’avaient été ses brillants succès. Sa flotte est détruite ; les plus affreux désastres sont la suite de cette catastrophe. Philippe est dangereusement malade au moment où les années coalisées vont pénétrer en France. La consternation universelle, l’abdication de la reine Agnès de Méranie, qui sacrifie son amour au salut de Philippe et de la France, la captivité de Louis, fils du roi, sa délivrance par Blanche, sa femme, et par Thibault, son frère d’armes, l’épouvantable mort d’Isabelle, l’apparition de Suger dans les tombeaux de Saint-Denis, enfin la bataille de Bouvines presque perdue, avant d’être terminée par la victoire la plus complète, remplissent les cinq derniers chants. L’auteur, ajoutant des personnages d’invention aux personnages historiques, a prétendu faire entrer dans sa composition le tableau presque entier de la grande époque choisie par lui. Il a voulu exciter l’admiration, la pitié, la terreur, l’étonnement. Il comprend l’histoire comme de Marchangy. Les grands vassaux sont des félons ou de preux chevaliers ; les dames sont des traîtresses ou des déités. Isabelle, l’Armide du poème, fait signer à Thibault un pacte avec Jean sans Terre ; mais Blanche de Castille inspire à ce héros troubadour une passion chevaleresque et obtient en sa faveur le pardon royal. Le poëte, conformément aux règles du genre, a fait usage du merveilleux, et c’est merveille que de le voir à l’œuvre. D’un côté, le ciel ; de l’autre, l’enfer ; ici, le génie du bien ; là, le génie du mal. Une sainte Geneviève, patronne de Paris, a pour antagoniste la fée Mélusine, génie infernal, moitié femme, moitié dragon, commandant à une troupe de diables et d’esprits malins, qui