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sculptés, et la brasserie de Luxhof ; ce dernier établissement occupe les vieux bâtiments de l’hôtel de Luxhof, où se trouvait une chapelle dédiée à. saint Luc. ■ C’était anciennement, lisons-nous dans le Dictionnaire du Haut et du Bas-Rhin, un palais destiné à loger les empereurs lorsqu’ils venaient k Strasbourg ; de 1357 à 1524, il partait tous "les ans de la chapelle Saint-Luc une procession de pénitents, k laquelle assistaient tous les sénateurs, pieds nus et couverts de cendres, en vertu d un vœu qu’avaient fait les magistrats pour obtenir du ciel la cessation des tremblements de terre qui affligeaient la ville vers le milieu du xrve siècle. » L’hôtel de Neuwiller, occupé par la direction des postes, et l’hôtel de LUekner, devenu le palais épiscopal, sont de beaux spécimens de l’architecture du xviue siècle k son début, et nous rappellerons que ia maison Dietrich, où Rouget se Lisle composa et déclama pour la première fois la Marseillaise, est encore debout ; elle est située rue de la Mésange. Son architecture n’offre rien de particulier.

Etablissements militaires. Quelquesunes des sept portes par lesquelles on pénètre dans Strasbourg.ont conservé jusqu’à nos jours leurs fortifications du moyen âge ; les autres présentent le type uniforme de la fin du xvho siècle ou du commencement du xïiiis. La plus curieuse est la porte Nationale ou porte Blanche (Weissemthurmtor), à laquelle aboutit la route de Paris k Strasbourg. ■ Cette porte, dit fil. Adolphe Joanne, est protégée par deux tours reconstruites au xvie siècle. La tour extérieure présente sur ses deux avancées cette inscription : Hostibus arcendis, civibus tuendis. On lit, en outre, sur le mur qui réunit les deux tours une inscription satirique datée de 1118, qui se traduit ainsi : « Par ma fin ! personne ne saurait sonder la miséricorde de Dieu, la cupi» dite des clercs et la méchanceté des paysans 1 » En 1568, il a été trouvé dans les environs de cette porte, en un lieu qui avait servi de cimetière, à 3 ou 4 mètres de profondeur, vingt sarcophages en pierre, renfermant des lampes, des plats, des coupes, des vases-de terre et de verre, etc., et plus de cent urnes contenant des cendres. La citadelle, œuvre de Vauban, a été construite de 1682 k 1685 ; elle forme un pentagone représentant cinq bastions et autant de demi-lunes. Une esplanade la sépare de la ville. L’arsenal, comprenant des magasins, hangars, salles d’armes, chantiers et ateliers, est situé à peu de distance. En 1870, l’arsenal de construction a été détruit. Les casernes de la ville peuvent loger 10,000 hommes et 1,500 chevaux ; lune d’elles, la caserne de la Kinbmath, fut le principal théâtre, en 1836, de la tentative du prince Louis-Napoléon. Les fortifications, d’une étendue et d’une importance considérables, renferment dans leurs bastions plusieurs magasins à poudre. Strasbourg a possédé jusqu’à la fin de 1865 une fonderie de canons, qui fut alors transférée à Bourges.

Etablissements civils. Strasbourg possédait avant l’annexion à l’Allemagne une académie, comprenant des Facultés de droit, de médecine, des sciences, des lettres et de théologie protestante ; un lycée, un gymnase protestant ; 36 écoles primaires, 24 salles d’asile, une école normale des instituteurs primaires, une école normale primaire d’institutrices protestantes, une école industrielle municipale, une école israélite des arts et métiers, un institut de sourds-muets, une école de pharmacie avec jardin botanique et une école départementale d’accouchement ; deux séminaires catholiques, un séminaire protestant, une école d’artillerie, un conservatoire de musique et plusieurs autres écoles et cours divers. Ces divers établissements ont été maintenus, sauf l’académie, que le gouvernement français a transportée à Nancy et que le gouvernement allemand a remplacée par une université inaugurée le 1" mai 1872. Cette université a été jusqu’ici peu fréquentée, et pour lui donner le développement nécessaire, le conseil fédéral allemand lui a accordé, le 8 novembre 1875, une subvention de 400,000 marcs. En 1871, plusieurs professeurs de l’ancienne Faculté de médecine se sont entendus pour former une Faculté indépendante de l’État. En mai 1874, l’ordre a été donné par l’autorité allemande de fermer le petit séminaire catholique. L’hôpital civil peut recevoir 500 malades et l’hospice des orphelins 250 pensionnaires. Le musée a été détruit en 1870. Il possédait des tableaux du Pérugin, du Guide, du Tintoret, du Corrége, de Ribeira, de Philippe de Champaigne, de Simon Vouet, de Le Brun, de Rigaud, de Van Ostade et des principaux maîtres contemporains ; la sculpture y était représentée par des bustes de Lemoyne, de

Bouchardon et de Houdon et par divers sujets d’artistes plus modernes. La bibliothèque, installée dans les bâtiments du Temple-Neuf, a subi le même sort, et sa destruction est encore plus regrettable que celle du musée. Elle comptait 150,000 volumes et 1,589 manuscrits ; parmi ces derniers se trouvaient de véritables trésors bibliographiques, entre autres le Hcrtus deliciarum (Jardin des délices) de Herrade de Landsperg, abbesse de Sainte-Odile (xjio siècle), orné de miniatures qui offraient un immense intérêt sous

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le rapport des costumes et aussi de l’histoire de l’art. La collection d’antiquités, réunie dans le même local et détruite en même temps que la bibliothèque, comprenait des statues et des bas-reliefs appartenant les unes à l’antiquité, les autres au moyen âge ; des pierres tumulaires, des urnes cinéraires, des vases, etc., enfin quelques curiosités, entre autres le sabre de Kléber.

Promenades, places, statues, etc. Les principales promenades de Strasbourg sont : la place de Broirlie, communément dite le Broglie, créée en 1740 par le maréchal de ce nom sur l’emplacement de l’ancien marché aux chevaux. À l’une de ses extrémités se trouve le théâtre, qui eut tant à souffrir pendant le bombardement ; ce bel édifice, terminé en 1821, doit à un legs généreux d’un habitant de Strasbourg, M. Apfel, une subvention annuelle et inaliénable de 50,000 fr. À droite du théâtre, en quittant le Broglie, on aperçoit la statue du marquis de Lezay-Marnésia, préfet du Bas-Rhin sous le premier Empire, ouvrage en bronzedûkM.Grass (1854). La place Kléber, autrefois place des Cordeliers, est ornée de la statue, due au même artiste, du célèbre général républicain. Les deux bas-reliefs du piédestal représentent la bataille d’Altenkirchen et la bataille d’Hèliopolis. Les restes de Kléber reposent dans un caveau pratiqué sous le monument, inauguré en 1840. Le Contades, planté d’arbres séculaires, était jadis l’ancien pré des Arbalétriers. Enfin la Robertsau, dont plusieurs allées ont été dessinées par Le Notre, possède une orangerie où logea l’impératrice Joséphine. La promenade communique avec l’île du Wacken, qui n’en est en réalité que la continuation. Le bâtiment de l’Orangerie est un reste de l’ancien château du duc de Deux-Ponts, à Bouxwiller ; il a été transporté pièce k pièce et remonté à la Robertsau.

— HiSTOtRG. La première origine de Strasbourg est incertaine. Cette ville n’est pas même mentionnée par César. Le premier auteur qui en fasse mention est Ptolémée, qui vivait au n« siècle de notre ère. Argentoratum était alors le nom de la future capitale de l’Alsace. Ce nom lui-même devait disparaître comme la ville, emportés l’un et l’au ■ tre par le torrent des invasions des barbares. Les Francs, en relevant la cité romaine, lui donnèrent le nom de Stratiburg, origine de la dénomination qu’elle porte aujourd’hui. En tant qu’ancien évêché et principauté de l’empire d’Allemagne ou cercle du haut Rhin, Strasbourg a une histoire qui présente un grand intérêt.

C’est au règne de Constantin le Grand qu’on fait remonter la fondation de l’évêché de Strasbourg. La majorité des populations fut longtemps encore païenne après Constantin et sous plusieurs de ses successeurs. Sous Constantin cependant, de persécutés qu’ils étaient peu de temps auparavant, se croyant protégés et encourogés.les nouveaux croyants prirent quelque consistance à Argentoratum. Saint Amand, premier évêque de Strasbourg, souscrivit les actes du concile de Sardique, en Illyrie (347). On perd la trace de ses successeurs, et le diocèse de Strasbourg éprouva, sans doute le même sort que les autres diocèses d’Allemagne durant l’invasion des barbares. Strasbourg tomba successivement au pouvoir des Huns (407), des Burgondes{415}, des Huns (455), des Allemands (495), de Clovis après la bataille de Tolbiac (495). Ce fut dans cette ville que Louis le Germanique et Charles le Chauve firent alliance contre leur frère Lothaire, et vers la même époque Strasbourg passa sous la’domination des empereurs d Allemagne. Pillée et brûlée par les Lorrains vers 921, la ville fut prise d assaut par le duc de Souabe en 1002. Depuis le vn« siècle, Strasbourg était regardé comme un des principaux sièges épiscopaux de l’Allemagne. Les évêques n’avaient cessé d’acquérir par tous les moyens de nouveaux

biens et de nouveaux droits, tant ecclésiastiques que politiques et féodaux. Les habitants commencèrent, dès le début du xe siècle, k entrer en lutte avec leurs évêques, qui, selon l’usage du temps, voulaient accaparer tous les pouvoirs. Cette lutte fut très-longue ; car les Strasbourgeois mirent autant d’ardeur à Becouer le joug épiscopal que les évêques à le leur imposer. En 1262, les habitants de Strasbourg battirent les troupes de leur évêque et forcèrent celui-ci à confirmer les privilèges de la cité, qui, à la même époque, se rendit à peu près indépendante de l’Allemagne, tout en gardant le titre de ville impériale. tEile fut alors administrée, dit M. Lalanne, par un conseil indépendant du prélat ; mais ce conseil était entre les mains des nobles, qui possédaient en même temps les grands offices épiscopaux. En mai 1332, à la suite d’une querelle sanglante entre deux familles nobles, les habitants S’armèrent et nommèrent un nouveau conseil dans lequel leur3 représentants étaient en majorité, p A partir de ce moment, malgré les prétentions sans cesse renouvelées des évêques, Strasbourg fut en réalité une ville libre, une sorte de république indépendante. En 1354, à l’extinction de la maison des comtes de Werd, landgraves de la basse Alsace, ce landgraviat fut aboli, et le comte d’Œttingen, héritier, par sa femme, des biens allodiaux de la maison de Werd, les vendit k l’évêque de

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Strasbourg, qui prit alors le titre de landgrave de la basse Alsace, titre que ses successeurs ont continué à porter jusqu’à la Révolution française.

Pendant le cours du même siècle, les Strasbourgeois soutinrent des guerres contre les seigneurs d’Alsace et de Souabe, contre les impériaux, qui échouèrent en voulant s’emparer de Strasbourg (1392), et au xve siècle contre leurs évêques, les nobles et Charles lé Téméraire. Au xvie siècle, Strasbourg embrassa avec chaleur la réforme de Luther, entra dans la ligue de Smalkalde, puis envoya des secours à Maurice de Saxe contre Charles-Quint. Les protestants français ne tardèrent pas à y affluer. Jusqu’en 1592, les électeurs, mi-partis luthériens et catholiques, élurent assez paisiblement, en votant ensemble, l’évêque prince landgrave de la basse Alsace. Mais, en cette année 1592, après la mort de l’évêque Jean de Manderscheid, il s’éleva de grands troubles au sujet de l’élection d’un successeur à donner k ce prince. -Le chapitre était composé de quatorze chanoines luthériens et de sept catholiques. Les premiers, assemblés à Strasbourg, élurent le margrave Jean-Georges de Brandebourg, et les catholiques, réunis à Saverne, choisirent Charles, cardinal de Lorraine, évêque de Metz. Ces deux concurrents prirent les armes pour soutenir leur nomination respective. "Voilà donc deux" évêques, l’un luthérien, l’autre catholique, évêques princes, et par conséquent évêques temporels, prêts à en venir aux mains, ce qui est naturel quand, au spirituel, on croit avoir le droit de mêler et de joindre le temporel ; mais l’empereur leur ordonna de mettre bas les armes et de s’en rapporter à l’arbitrage de six princes, tirés, en nombre égal, des deux religions. Ces arbitres furent, de la part des catholiques, l’évêque de Mayence, l’évêque de Wurtzbourg et l’archiduc Ferdinand ; de la part des protestants, le landgrave de Hesse, le comte palatin de Neubourg et le duc électeur de Saxe. Ces princes décidèrent que les terres et les revenus de l’évêché-principauté seraient partagés entre les deux prétendants. Ce partage fut renouvelé sous la médiation de Henri IV, roi de France ; mais, l’année suivante, le margrave de Brandebourg renonça à ses droits sur cet évêché, moyennant une somme de 130,000 florins et une pension viagère de 9,000 florins.

Depuis 1531 que la Reforme avait été introduite à Strasbourg, les évêques catholiques, dépossédés de quelques-unes de leurs prérogatives et dont les prétentions avaient été contestées, avaient jugé à propos de résider à Molsheim ; mais toutes les terres de l’évêché-principauté, dont une partie était située sur la rive droite du Rhin, ne subirent pas sans résistance leur juridiction temporelle. La partie transrhénane consistait en deux bailliages, dont l’un était celui d’Oberkireh, dans l’Ortenau, l’autre le bailliage d’Ettenheim, dans le Brisgau, tous deux enclavés dans la Souabe, et tous deux, avec la ville de Strasbourg, n’étaient pas les moins réfractaires à cette juridiction.

Pendant les guerres du xviie siècle, Strasbourg laissa, a diverses reprises, les impériaux passer sur son territoire, souvent menacé par les armées des rois de France, dans les différentes guerres de ceux-ci avec les empereurs d’Allemagne. Il n’avait jamais été pris, lorsqu’en 1681, et en pleine paix (la paix avait été signée k Nimègue le 5 février 1679), Louis XIV, se fondant sur un arrêt de la chambre du conseil de Metz qui déclarait unis au domaine de la couronne de France tous les fiefs démembrés des Trois-Evêchés, se ménagea des intelligences secrètes dans la place et envoyais général Montclar en Alsace avec 30,000 hommes. Celui-ci surprit la ville sans défense dans la nuit du 27 au 28 septembre 1681, investit la redoute la plus voisine du Rhin, occupa la tête du pont et entra sans coup férir dans la ville, dont les magistrats, gagnés, avaient eu soin de laisser sans poudre les canons des remparts. Louis XIV fit son entrée à Strasbourg le 23 octobre suivant et rendit l’église cathédrale a l’évêque, dont le siège avait été transféré à Molsheim depuis cent cinquante ans. Les princes, intéressés à empêcher ces démembrements et ces annexions, comme nous dirions aujourd’hui, protestèrent en vain contre cette occupation, prétendant qu’elle était une infraction à la paix de Nimègue ; Louis XIV garda ce qu’il avait pris, et, en 1697, la France fut maintenue, par le traité de Ryswick, dans la possession de la ville de Strasbourg et des terres et seigneuries réunies déjà sous sa domination en Alsace. Alors le diocèse de Strasbourg fut séparé de l’empire d’Allemagne, sans juridiction sur les domaines transrhénans restés attachés à celui-ci ; mais, en 1724, l’évêque fut rétabli dans son ancien droit de juridiction ecclésiastique et temporelle sur ces domaines au delà du Rhin et investi de nouveau du droit de séance et de suffrage k la diète germanique pour la partie de cet évéché située sur la rive droite du Rhin. De telle sorte que l’évêque-prince de Strasbourg, qui conserva ce titre jusqu’à la Révolution française, fut à la fois évêque français et évêque-prince électeur au titre des possessions de l’évêché ultra-rhénanes. Il siégeait & ia diète générale de l’empire sur le premier banc du collège des princes et à la dixième

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place, entre les évêques de Spire et de Constance.

Le dernier prince-évêque qui ait joui de ces singulières prérogatives, mi-parties ecclésiastiques et politiques, fut le célèbre cardinal de Roban, Louis-René-Édouard, prince de Rohan-Guéménée, fameux par l’affaire du collier et qui mourut k Ettenheim en 1803.

Le mouvement révolutionnaire commença à Strasbourg dès la nouvelle de la prise de la" Bastille (1789). Quelques désordres signalèrent les premiers moments ; mais la nomination du minéralogiste Dietrich au poste de maire de la ville (créé en remplacement de celui d’ammeister-ovL magistrat) rétablit l’ordre. Le 13 juin 1790, la fête de la Fédération fut célébrée avec une grande pompe k Strasbourg. Deux ans plus tard, Rouget de Lisle trouvait dans la même ville, où il était le commensal momentané du maire Dietrich, l’admirable cri de la Marseillaise (v. ce mot). Malheureusement, Strasbourg, avantgarde de la France k cette époque tourmentée, ne tarda pas à être divisé en plusieurs partis. « Outre les royalistes, les jacobins et # les feuillants, dit M. Jolibois dans sa savante Histoire de Strasbourg, il y avait la faction allemande ou fédéraliste, dont Turkheim fut longtemps le chef. Celle-ci, plus attachée aux intérêts et aux franchises de l’Alsace qu’aux principes révolutionnaires, se proposait de la constituer en république indépendante. La perte des lignes de Wissembourg par l’armée française, que les Autrichiens

Eoursujvirent jusque sous le canon de Strasourg, vint un peu plus tard accroître encore les périls de la situation. La municipalité de la ville, dominée par les opinions des feuillants, s’était prononcée contre le mouvement du 10 août 1792, et, sur la proposition du maire Dietrich, elle avait voté, le 15, une adresse pour demander l’inviolabilité royale. Quelques jours après le 19, quatre commissaires du gouvernement arrivaient à Strasbourg et, du même coup, suspendaient le corps.municipal et ordonnaient nurestation de son chef. » On sait que Dietrich périt sur l’échafaud, mais que la Convention nationale ne tarda pas à réhabiliter sa mémoire. C’est en novembre 1793 que les représentants Saint-Just et Lebas, commissaires extraordinaires près l’armée du Rhin, arrivèrent k Strasbourg : une contribution de neuf millions payable dans les vingt-quatre heures, levée par eux sur les principaux habitants de la ville, servit à compléter les fortifications de la place, construites par Vauban, et k payer la solde arriérée de l’armée du Rhin. On sait les autres détails da la mission de ces deux commissaires : les administrateurs du département étaient accusés d’avoir des intelligences avec les ennemis : Saint-Just et Lebas les firent arrêter tous, au nombre de quarante ; mais, sur les représentations de Monet, le nouveau maire, douze d’entre eux furent rendus presque aussitôt à la liberté. Les représentants remplirent leur tâche difficile avec une énergie égale à leur désintéressement, et eurent, suivant l’aveu d’un historien, • la gloire de sauver l’Alsace sans qu’aucune goutte de sang ait été versée sur l’échafaud. ■ Saint-Just, pendant son séjour à Strasbourg, se signala surtout par son intégrité, une pureté inattaquable, et chacun connaît les détails de la condamnation qu’il y prononça contre l’ancien moine Euioge Schneider, devenu, par le hasard des événements, l’accusateur du tribunal révolutionnaire. Avant son départ pour Paris, où l’attendait le châtiment de ses ignobles désordres, Euloge Schneider fut exposé sur l’échafaud pour avoir déshonoré la Révolution, comme le portait un écriteau suspendu au-dessus de sa tête. Les conquêtes de la République au delà du Rhin, en amenant la pacification de l’Allemagne, assurèrent & Strasbourg une sécurité profonde, k l’abri de laquelle son commerce et son industrie reprirent un rapide essor. Le blocus continental, loin de contrarier ce mouvement de prospérité, lui donna au contraire une nouvelle impulsion. Kn 1814, après la bataille de Leipzig, l’invasion vint menacer Strasbourg ; mais la place n’ayant pu être réduite par la force, fut soumise à un blocus de près de quatre mois (6 janvier, 13 avril 1814). Après Waterloo, le général Rapp n’eut que le temps de se jeter dans la place pour la défendre de nouveau contre les alliés. Au cours de ce second blocus se passa un fait dont l’histoire de l’époque contemporaine nous présente peu d’exemples, et qui fait le plus grand honneur k son auteur : sur un ordre parti de Paris en juillet 1815, le général Rapp voulut procéder au licenciement de son armée ; mais celle-ci, à laquelle ’ il était dû un arriéré de solde considérable, refusa de poser les armes avant d’être entièrement payée. Rapp promit de transmettre cette réclamation k qui de droit ; mais l’armée ne se paya pas de cette promesse et, se soulevant avec un ensemble unanime, méconnut l’autorité de son chef (accusé de plus par eux, à tort ou k raison, de trahison) et investit de tous les pouvoirs militaires un simple sergent du 7" léger, nommé Dalouzy. Ce dernier accepta et prit l’engagement d’obtenir l’arriéré dans les vingt-quatre heures : par ses ordres, donnés sans retard, les anciens officiers et le général Rapp lui-même sont consignés chez eux et gardés k vue, de sévères mesures de dis*