Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 3, part. 3, Cem-Chan.djvu/195

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lerie où se pavanent l’élégance et la richesse ; c’est, pour tout dire, la route de Longchamps. Laissons ici la parole à un écrivain humoristique : « Là-bas, dans la grande avenue, ces trois files de voitures et toutes ces cavalcades, c’est Longchamps. Longchamps sous Louis XV ! Courons ! Justement, c’est vendredi, le beau jour ! et il fait beau ! Oui, voilà bien les carrosses de la cour sur le haut du pavé, et sur les bas-côtés les carrosses de remise et les fiacres, qui s’en mêlent aussi depuis 1650. Que de broderies ! que d’or et d’argent ! que de paillettes ! Oh ! les jolis bonnets, les jolies dentelles, avec des coques de rubans ! Voici des chapeaux à trois cornes. Quelle est donc cette voiture dont les roues étincellent de métaux précieux ? Les chevaux sont ferrés d’argent et ornés de marcassites : sans doute quelque princesse du sang ? non : c’est une lorette de l’époque. Bon temps pour les lorettes ! Elle a voulu éclipser sa rivale, la femme honnête, la femme légitime, qui est tout bonnement couverte de pierreries, comme on disait alors. Et quels paniers, grand Dieu ! quatre pieds de circonférence. Cela est un composé de cerceaux de baleine et se nomme un bouffant ; cela porte même un autre nom que la pudeur et la civilité puérile et honnête me défendent de prononcer. On a repris les draps de Silésie, les camelots, les velours ciselés. C’est juste : nous sommes au printemps ; demain samedi, on va quitter le point d’Angleterre et reprendre les malines ; ensuite viendront les taffetas, et, d’ici à l’hiver prochain, qu’il fasse chaud, qu’il fasse froid, nous ne verrons plus ni satins, ni draps, ni manchons, ni ratines. Oh !… deux cavaliers qui ont l’air de se disputer le pas : c’est un prince de la maison d’Artois et un prince de la maison d’Orléans ! Que de monde ! quelle confusion ! Et, bien qu’on ait arrosé, quelle poussière !… Non, c’est la poudre. Quels doux parfums exhalent les fleurs !… Non, c’est la pommade. »

Ce tableau animé montre quelle rapide fortune avait faite en quelques années la nouvelle promenade. La Révolution ne l’arrêta point. Mentionnons ici que c’est la Convention, cette Convention si souvent attaquée comme ennemie de l’art, qui fit transporter à l’entrée des Champs-Élysées les deux, chevaux de Marly, œuvre de Coustou, qu’on peut y admirer encore, et qui font à cette place un si bel effet. Les guerres de la République ne donnèrent pas le temps d’ajouter aux Champs-Élysées des attraits nouveaux, mais ils n’en continuèrent pas moins, ainsi que plus tard sous l’Empire, à attirer la foule.

1814 arriva, et avec lui l’invasion. L’ennemi entra en France, et, après Waterloo, les alliés, bivouaqués dans les Champs-Élysées, les dégradèrent à tel point qu’il fallut, de 1813 à 1819, les replanter presque en entier. En 1828, la couronne les céda à la ville de Paris.

Les Champs-Élysées se composent actuellement d’une vaste avenue centrale, bordée de deux contre-allées sur lesquelles un ruban d’asphalte permet aux piétons de se promener à pied sec. Tout le long de ces contre-allées, au bord de l’avenue, une quadruple rangée de chaises permet aux cockneys parisiens de regarder, dans la belle saison, défiler les équipages. Des deux côtés de la grande allée, non loin de la place de la Concorde, ont été érigées deux fontaines à jets d’eau. Une place circulaire, le rond-point, divise en deux les Champs-Élysées. Du rond-point partent en étoile l’avenue Montaigne, l’avenue d’Antin, la rue Montaigne, la rue du Cirque, etc. Détail curieux : l’avenue Montaigne s’appela longtemps avenue des Veuves ; c’était autrefois, sous la République et sous l’Empire notamment, la promenade spéciale et réservée des veuves, auxquelles le deuil et les convenances interdisaient le bruit et le tumulte de la grande avenue des Champs-Élysées.

Tout près de là s’élève le nouveau quartier François Ier, entièrement habité par la fine fleur de l’aristocratie parisienne, et qui doit son nom au voisinage de la maison bâtie par le roi chevalier à Moret, près de Fontainebleau, et transportée pierre à pierre, en 1826, à l’angle de la rue Bayard et du Cours-la-Reine. Aujourd’hui, d’ailleurs, les contre-allées des Champs-Élysées sont, dans presque toute leur longueur, bordées d’habitations princières, et il ne serait pas étonnant que d’ici à quelques années ce quartier détrônât à son profit le vieux boulevard, ce centre de la vie parisienne. Le palais de l’Industrie, où eut lieu l’Exposition universelle de 1855, s’élève sur remplacement de l’avenue Marigny et d’un terrain jadis cher aux joueurs de boules. C’est aux Champs-Élysées qu’on a vu les premiers concerts dits cafés chantants, et le café de l’Horloge, à gauche, le café des Ambassadeurs, à droite, ont su conserver à cet égard leur vieille réputation. Le cirque de l’impératrice, ancien Franconi, est à quelques pas du rond-point, dans un massif d’arbres. En face de lui, de l’autre côté de l’avenue, est le Panorama du capitaine Langlois, où revivent les grandes batailles d’Orient et d’Italie. Dans les contre-allées, une rangée de boutiques uniformes, qui se poursuit jusqu’au rond-point, tente le flâneur par l’appât de jeux de toutes sortes : jeu de quilles, jeu de macarons, jeu de billard anglais, jeu de toupies allemandes, etc., etc. Les chevaux de bois, les balançoires sont en réquisition perpétuelle.

Les Champs-Élysées, promenade étrange, sorte de parc, de hameau, de bazar tout ensemble, n’ont de nos jours, nous le répétons, d’équivalent chez aucun de nos voisins, et ni Regent’s-Park, ni Hyde-Park de Londres, ne peuvent rivaliser avec eux. Il y a quelques années, la ville y a fait transplanter à grands frais une profusion de plantes exotiques de Hollande, qui ajoutent encore à la beauté du coup d’œil. Un souvenir, en terminant, aux gloires éteintes : le Jardin d’hiver, le Château des fleurs, l’hôtel d’Albe, depuis longtemps tombés sous la pioche, et ce petit hôtel du coin de la rue de Chaillot, où cette femme d’esprit, Mme Delphine Gay de Girardin, a reçu pendant quinze ans tout ce qui avait un grand nom dans la littérature.


CHAMPS DE GLACE, nom donné à ces immenses étendues de glace qui recouvrent la mer dans les régions polaires, et empêchent la navigation pendant la majeure partie de l’année. « Parmi les productions inanimées du Groenland, dit le fameux voyageur Scoresby, aucune n’excite peut-être autant d’étonnement que la glace par son abondance et sa variété extrême. Les masses prodigieuses, connues sous le nom de champs de glace, îles de glace, montagnes flottantes, si communes dans le détroit de Davis, sont propres, par leur hauteur, par leur forme et par la profondeur à laquelle elles s’enfoncent dans l’eau, à frapper le spectateur d’étonnement. Les champs de glace qui environnent le Groenland ne sont pas moins surprenants. Ce qui manque à leur élévation est compensé par l’étendue de leur surface ; on en a vu qui avaient jusqu’à 100 milles de longueur et plus de 50 milles de largeur. Ce n’était qu’une immense masse de glace, dont la surface était en général élevée de 4 à 6 pieds au-dessus du niveau de l’eau, et dont la base s’enfonçait à peu près à 20 pieds dans la mer. Les champs de glace font ordinairement leur apparition vers le mois de juin, quelquefois plus tôt ; ils servent fréquemment de refuge aux jeunes baleines. Des vents forts du nord et de l’ouest, en écartant les glaçons détachés, livrent ces animaux aux navires qui vont faire la pêche. Quelques champs offrent une plaine parfaitement unie, sans fissures et sans mornes, en un mot si lisse que j’en ai vu sur lesquelles un carrosse aurait pu rouler en ligne droite, et dans une étendue de 100 milles, sans le moindre empêchement. Mais plus généralement la surface présente quelques mornes qui rompent un peu l’uniformité d’un blanc trop intense par une teinte d’un vert léger. Le mouvement rapide que les champs de glace éprouvent quelquefois, et les effets étranges produits par ces masses immenses sur tout corps qui leur offre de la résistance, est un des objets les plus étonnants et certainement les plus terribles que présentent ces régions. Très-souvent ces masses acquièrent un mouvement de rotation qui donne à leur circonférence une vitesse de plusieurs milles par heure. Un champ qui est ainsi en mouvement, venant à en toucher un autre qui est en repos ou qui suit une direction contraire, produit, surtout dans ce dernier cas, un choc épouvantable. Lorsqu’une masse pesant plus de 10 millions de tonneaux est en mouvement, si elle vient à en heurter une autre pareillement en mouvement, on peut concevoir quel est le résultat du choc. Le champ le plus faible est broyé avec un bruit épouvantable, et quelquefois la destruction est mutuelle. La vue de ces effets prodigieux, quand on peut les observer en sûreté, est d’une sublimité imposante ; mais si l’on court risque d’être accablé par le choc, il est difficile de se défendre d’un mouvement de terreur et d’effroi. Les pêcheurs de baleines ont constamment besoin d’une vigilance infatigable quand ils naviguent au milieu de ces champs, dangereux surtout par les temps de brume. On se figure aisément que le navire le plus solide pris entre deux champs de glace est brisé en un clin d’œil. C’est ainsi qu’un grand nombre de navires ont été détruits depuis l’établissement de la pêche ; quelques-uns ont été jetés sur la glace, d’autres complètement ouverts, d’autres enfin ensevelis sous les fragments de la glace entassée. »

Ces champs de glace ne restent pas immobiles, mais sont entraînés sans cesse, soit par les vents, soit par les courants sous-marins. En 1827, Parry, qui cherchait une route au pôle nord, vit ses vaisseaux arrêtés dans les mers du Spitzberg ; alors il essaya de s’avancer sur la glace, mais il fut bientôt obligé de renoncer à sa tentative : les glaces l’entraînaient au midi, tandis qu’il voulait se diriger vers le nord, et le soir d’une course longue et pénible il se trouva à 4 milles plus au sud qu’il ne l’était le matin.


CHAMP DE LA FÉDÉRATION, nom donné, pendant la Révolution, au Champ-de-Mars de Paris, parce qu’il avait été le théâtre de la fête solennelle de la Fédération, le 14 juillet 1790.


Champ de mai, épisode de la période des Cent-Jours. À son retour de l’île d’Elbe, Napoléon, dominé par le réveil de l’esprit libéral dans le pays entier, et sentant le besoin d’entraîner l’opinion, avait fait un certain nombre de concessions, que d’ailleurs, en l’état des choses, il lui eut été impossible de refuser. C’est ainsi que la nation reprit possession de la liberté de la presse, de la liberté individuelle, de l’élection des magistrats municipaux, etc. Mais, quand il s’agit des institutions constitutionnelles devant servir de garantie aux libertés publiques, l’empereur ne put se résoudre à les demander à une assemblée nationale et s’obstina à ce qu’elles ne fussent présentées que comme un supplément à ses chartes impériales. Le pays attendait un statut fondamental, une constitution : on lui donna l’Acte additionnel aux constitutions de l’empire, dont le principal rédacteur avait été Benjamin Constant. Le désappointement fut extrême, d’autant plus qu’on recevait le nouveau pacte comme une charte octroyée, sans possibilité d’y rien changer. Quant à l’acceptation nationale, par des registres ouverts chez les officiers publics, on considérait cette garantie comme à peu près illusoire. L’animation était telle, qu’elle portait à méconnaître les parties réellement libérales de l’œuvre. Plus des trois quarts des électeurs ne votèrent point. Beaucoup motivèrent leur acceptation sur les dangers publics et en faisant d’énergiques réserves. Quoi qu’il en soit, l’Acte additionnel fut ratifié par la majorité de ceux qui votèrent. Au reste, il était déjà en exercice.

Il avait été décidé que le recensement et la proclamation des votes seraient faits dans un champ de mai, tenu en présence des membres des collèges électoraux qui voudraient se rendre à Paris, et de députations des armées de terre et de mer. Cette solennité avait été indiquée d’abord pour le 26 mai ; elle n’eut lieu que le 1er juin, par suite du retard apporté dans la remise des procès-verbaux. Les députés des collèges électoraux s’étaient réunis à Paris, et le dépouillement des votes donna le résultat suivant : 1,300,000 suffrages affirmatifs, 4,206 négatifs. Comme on le voit, le nombre des abstentions avait été énorme.

L’objet du champ de mai, maintenant réduit à un simple recensement, qui n’était qu’une pure formalité, s’était singulièrement amoindri ; car il avait dû consister d’abord, d’après un décret rendu par l’empereur à son passage à Lyon, en une réunion du corps électoral tout entier, qui aurait participé au travail constitutionnel et assisté au sacre de l’impératrice et du roi de Rome.

Pour donner quelque éclat à la cérémonie ainsi réduite, Napoléon, qui aimait à frapper les imaginations par des spectacles pompeux, ajouta à la proclamation des votes une distribution de drapeaux aux troupes qui allaient partir pour la frontière du Nord. La solennité eut lieu au Champ-de-Mars. Les libéraux, qui avaient accepté cette restauration de l’empire avec la condition de sérieuses garanties constitutionnelles, eussent désiré que Napoléon parût au champ de mai vêtu en simple général ; qu’il se présentât à la France moins en empereur qu’en soldat armé pour la défense du pays. Cette idée lui fut communiquée ; mais il préféra, comme toujours, frapper les yeux par un appareil théâtral, et il se rendit au lieu de la cérémonie en habit de soie, en toque à plumes, en manteau impérial, dans la voiture du sacre, attelée de huit chevaux, avec un cortège de princes de sa famille, de maréchaux, etc.

Le Champ-de-Mars était occupé par les 25,000 hommes de la garde nationale de Paris et par 25,000 hommes de troupes. Le lieu destiné à la cérémonie était une vaste enceinte demi-circulaire adossée à l’École militaire, avec un trône, un autel, des trophées, des draperies. Comme au jour, déjà lointain, de la distribution des aigles, le trône était adossé à l’École militaire. Devant le trône, deux hémicycles ou amphithéâtres étaient remplis par les autorités civiles et militaires et les membres des collèges électoraux, en tout environ 9,000 individus. Comme pour la fête de la Fédération, un autel s’élevait au centre ; la messe y fut dite, non pas cette fois par M. de Talleyrand, mais par l’archevêque de Tours, Barrai.

Après la messe et le Te Deum, les députations d’électeurs vinrent prendre place au pied du trône, et l’un des membres, Dubois d’Angers, lut une adresse qui avait été concertée avec le gouvernement, mais qui n’en gardait pas moins, sous l’empreinte officielle, la forte trace des préoccupations du moment, et qui peut se résumer ainsi : dévouement à l’empereur, défense nationale, liberté constitutionnelle.

L’archichancelier annonça ensuite le résultat des votes, et déclara l’acte additionnel accepté par la nation. On le présenta à Napoléon, qui le signa, jura sur les Évangiles fidélité aux constitutions de l’empire (c’est-à-dire à son propre ouvrage), puis lut le discours si connu : « Empereur, consul, soldat, je tiens tout du peuple. Dans la prospérité, dans l’adversité, sur le champ de bataille, au conseil, sur le trône, dans l’exil, la France a été l’objet unique et constant de mes pensées et de mes actions. »

Ce discours est écrit avec une force de pensée et de style qu’on ne peut méconnaître ; mais, cependant, il contient bien des choses fort contestables : « Comme ce roi d’Athènes, je me suis sacrifié pour mon peuple…, » quand il n’était que trop manifeste qu’il avait constamment, au contraire, sacrifié le peuple à son égoïsme colossal et à son ambition insensée.

Plus bas, il affirme que c’est l’indignation de voir les droits du peuple méconnus qui l’a ramené de l’Île d’Elbe ; qu’à son retour il comptait sur une longue paix, et qu’alors il se préoccupait exclusivement de fonder la liberté française… (qu’il eût été plus simple de ne pas anéantir), etc.

Quoi qu’il en soit, si beaucoup pensaient que le maître n’était point changé, que les circonstances seules lui imposaient des concessions, et qu’au premier retour de prospérité il reviendrait à son tempérament despotique et supprimerait par ses fameux sénatus-consultes tout ce qu’il avait laissé reprendre à la liberté, si les hommes prévoyants étaient plongés dans des inquiétudes de toute nature, les dangers publics ne permettaient pas d’hésiter. Puisqu’on avait commis la faute de courir de nouveau l’aventure impériale, ce qui armait encore une fois l’Europe contre nous, il n’y avait plus qu’à accepter Napoléon comme soldat, en prenant le plus de garanties possible en faveur de la liberté nationale. Telle était évidemment la pensée des envoyés des collèges électoraux ; leur adresse en fait foi. De ce côté, comme dans la partie éclairée du public, l’enthousiasme était fort mitigé. L’armée seule s’abandonnait sans réserve aux manifestations serviles de l’idolâtrie pure.

La cérémonie du champ de mai se termina par la distribution des drapeaux. Dans ces scènes militaires, le sublime acteur retrouvait toujours sa supériorité, ainsi que son grand art de confondre sa propre cause avec la cause nationale, son intérêt personnel avec l’intérêt sacré du pays.

« Gardes nationaux, soldats, vous jurez de périr en défendant la patrie, — et le trône ?Nous le jurons ! » répondaient des milliers de voix.

Ainsi, la situation était telle, que la nation était réduite à prendre pour sauveur celui qui l’avait conduite à l’abîme, et qui très-probablement l’eût récompensée de son dévouement et de ses sacrifices en lui enlevant de nouveau tous ses droits, en l’écrasant sous le poids de ses exigences et de son despotisme, si la fortune l’eût encore une fois favorisé.

La haine de la domination étrangère, la haine de l’ancien régime, des nobles et des prêtres, la crainte des réactions, l’intérêt des acquéreurs de biens nationaux, la répugnance pour les Bourbons, servaient d’ailleurs admirablement Napoléon, qui faisait jouer tous ces ressorts avec cette merveilleuse habileté méridionale qui lui fut toujours aussi utile que son génie.

La cérémonie du champ de mai, malgré son éclat, ne fut qu’une froide et pâle réminiscence de la grande fédération de 1790, et elle n’effaça pas l’impression défavorable produite par les déceptions de l’Acte additionnel. Beaucoup de personnes même n’y virent qu’un moyen d’éluder, par une représentation militaire et théâtrale, les solennelles promesses d’institutions franchement libérales qui avaient, plus que sa gloire si chèrement achetée, contribué à rallier la France autour de Napoléon, lors de son audacieux coup de main du retour de l’île d’Elbe.

Pendant que l’empereur s’enivrait de l’enthousiasme de ses soldats et des acclamations officielles, qu’il prenait pour la voix de la nation, l’Europe se préparait à l’écraser définitivement.

Quinze jours plus tard, le dernier jet de flamme du météore impérial s’éteignait aux champs de Waterloo.

Au champ de mai, Napoléon, après être descendu du trône, gravissant, comme Louis XVI, les degrés de l’autel, y avait juré fidélité à la nouvelle constitution. Waterloo a laissé à la postérité cette énigme à deviner : à savoir si le premier empereur aurait été plus que Louis XVI fidèle à son serment. Le Mémorial de Sainte-Hélène n’a nullement tranché le doute qui s’élève à cet égard.


CHAMP DE MARS à Rome, nom sous lequel on désigne une vaste plaine située au bord du Tibre et au pied des sept collines de la ville éternelle. Cette plaine n’est guère moins célèbre que le Forum lui-même. À l’origine de la fondation de Rome, le champ de Mars était une vaste prairie embrassant tout l’intervalle qui s’étend du Tibre au Capitole et au Quirinal, et séparant du fleuve la ville, qui était étagée sur sept collines, et qui ne descendait pas dans la plaine. Ces prairies étaient consacrées au dieu Mars ; on y élevait des chevaux et on y exerçait déjà la jeunesse romaine au métier des armes. Tarquin le Superbe s’empara de ce terrain, qui appartenait au domaine public, et le fit cultiver à son profit. Lors de l’expulsion des rois, les consuls remirent la ville en jouissance de cette propriété, qui était la sienne. Au moment où eut lieu cette restitution, de magnifiques gerbes de blé couvraient toute l’étendue du champ de Mars ; le peuple, ne voulant pas toucher à ces grains qu’il regardait comme impurs, jeta toutes les gerbes dans le Tibre. La tradition rapporte qu’elles s’arrêtèrent non loin de là, au milieu du fleuve, et formèrent le premier noyau d’un atterrissement qui devait être l’île du Tibre, île aujourd’hui considérable et très-peuplée. Dès ce jour, le champ de Mars fit partie intégrante de la ville, quoique situé hors des murs. Il ne fut guère moins fréquenté que le Forum, et, comme lui, joua un rôle dans presque tous les actes de la vie privée et publique des Romains. C’était là que se tenaient les comices, qu’avaient lieu les élections ; c’était là que les jeunes gens et les hommes faits venaient s’exercer soit à la milice, soit aux jeux gymnastiques ; là, ils s’étudiaient à manier toutes sortes d’armes, à dompter des