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sion. La toile est couverte, mais elle n’est pas remplie. Les pierres sont peintes avec tant de précision, l’air même, qui ne devrait servir qu’à la respiration des personnages, est limité par des lignes si fortement accusées, que le spectateur se demande pourquoi le peintre n’a pas utilisé l’espace entier qui est compris dans le cadre. Envisagé sous le rapport de la composition, le Charles Ier manque d’intérêt et de grandeur. Les personnages sont en scène, mais chacun pour son compte ; il y a des acteurs et pas d’action. Tout le groupe placé à gauche dans le fond est inintelligible. Et puis, est-il bien prouvé que les gardiens de Charles Ier se soient dégradés jusqu’à lui souffler au visage de la fumée de tabac ? Et quand cela serait prouvé, est-ce à de pareilles anecdotes que le peintre doit s’arrêter ? » Malgré ce qu’il y a de fondé dans ces observations, on ne peut méconnaître la finesse des détails, la vérité des poses, la délicatesse de pinceau et la grâce de coloris qui distinguent la composition de Paul Delaroche. Elle a été gravée au burin par Martinet, et sur bois par M. L. Chapon pour l’Histoire des peintres de toutes les écoles.


CHARLES II, roi d’Angleterre, fils du précédent et de Henriette de France, né en 1630, mort en 1686. Avant la fin des guerres civiles, il vint avec sa mère chercher un asile en France, prit le titre de roi après l’exécution de Charles Ier, et se jeta en Écosse, berceau de sa famille, où ses partisans le proclamèrent roi (1651). Il jura le covenant, mais ne tarda pas à scandaliser les rigides presbytériens par son caractère frivole et par sa vie dissolue. Vaincu par Cromwell à Worcester, il erra en fugitif à travers l’Angleterre, finit par gagner la France, où il vécut dans le dénûment, négligé par Mazarin, et se retira ensuite à La Haye, où il fut soutenu par le secours de son oncle le prince d’Orange. En 1660, au moment où la fortune des Stuarts paraissait à jamais brisée, le général Monk, profitant de la lassitude des partis, cassa le parlement et en convoqua un nouveau, auquel il dicta le rappel de Charles, qui fit son entrée à Londres le 29 mai et qui prit possession du trône sans que les pouvoirs publics songeassent à imposer aucune limite à son autorité. Une réaction terrible suivit cette restauration. Malgré une amnistie formelle, l’échafaud se dressa pour ceux qui avaient pris part à l’exécution de Chartes Ier, et l’on inventa pour eux les plus cruels supplices ; le cadavre de Cromwell fut arraché de Westminster, traîné sur une claie et enterré sous le gibet, à Tiburn. L’Écosse presbytérienne fut récompensée de sa fidélité par des persécutions religieuses d’autant plus odieuses que le nouveau monarque était plus qu’indifférent pour quelque communion que ce fût. L’épiscopat fut rétabli avec tous les abus que la révolution avait essayé de détruire. Charles II, homme spirituel et fin, sensuel, égoïste, indolent, méprisant les hommes autant que les principes et les idées, sceptique et immoral, avide et prodigue, livré à d’indignes favoris et abandonné à tous les plaisirs, accomplit dans les mœurs la même réaction que dans les lois et le gouvernement, et fit passer la nation de la rigidité républicaine et de l’exaltation religieuse à la dissolution la plus effrénée. Un trait caractéristique de ce prince et de ce règne, c’est la continuelle pénurie d’argent. Ni les revenus énormes de la liste civile, ni les dotations, ni les subsides extraordinaires votés par un parlement servile, ni le trafic des places et le pillage des deniers publics ne pouvaient satisfaire à l’avidité du roi et des courtisans. Charles se mit aux gages de Louis XIV, lui vendit Dunkerque et Mardick, et sacrifia, au prix d’une riche pension l’honneur et la dignité de l’Angleterre aux intérêts et à la politique du roi de France. Toutes ces ressources ne l’empêchèrent point cependant de se traîner dans les embarras financiers jusqu’à la fin de sa vie. La guerre contre la Hollande (1666) n’avait pas d autre mobile que la cupidité ; elle ne tourna point d’ailleurs à l’avantage de l’Angleterre, et la flotte hollandaise remonta la Tamise et imposa la paix humiliante de 1667. Ces revers, arrivant à la suite de la peste et du grand incendie de Londres, augmentèrent la détresse publique et le mécontentement de la nation. Charles entra dans la triple alliance contre la France, mais il trahissait en même temps ses alliés par ses intelligences secrètes avec Louis XIV, qui augmenta sa pension, et le poussa, en 1672, dans une nouvelle guerre contre les Pays-Bas. Livré tout entier au ministère de la cabale, il multiplia les actes arbitraires, les mesures despotiques et spoliatrices, inquiéta la nation par les faveurs accordées aux catholiques, et porta enfin tant d’atteintes aux libertés publiques que le parlement, longtemps docile, entra dans la voie des résistances ouvertes en votant l’acte du test et le bill d’exclusion contre le duc d’York, héritier présomptif, qui avait ouvertement embrassé le catholicisme et qui trempait dans des complots contre la religion nationale, en rendant l’acte célèbre d’habeas corpus, pour la liberté personnelle et en manifestant une opposition décidée contre la cour et le gouvernement. Le roi cassa successivement deux parlements, essaya de gouverner seul, anéantit les franchises des municipalités, lutta contre de nombreux complots, qui furent réprimés avec une cruauté implacable, et sacrifia d’illustres victimes, lord Russell et Algermon Sidney, impliqués à tort ou à raison dans la conspiration de Rye House. Il mourut sans laisser d’héritier et eut pour successeur son frère Jacques II, Il paraît qu’au dernier moment il se fit assister par un prêtre catholique. En 1660, il avait fondé la Société royale de Londres. C’est sous son règne que fut commencée l’église Saint-Paul.

Charles II ou le Labyrinthe de Woodstock, comédie en trois actes et en prose, par M. Alexandre Duval, représentée pour la première fois sur le théâtre de l’Odéon le 11 mars 1828. C’est un roman de Walter Scott que tout le monde a lu et admiré, c’est Woodstock, ce contraste si émouvant de la gravité puritaine et de la frivolité jacobite, qui a fourni le canevas de sa pièce à l’auteur de Charles II. Au premier acte, on apprend que sir Henry et son fils Albert ont quitté Woodstock pour courir la campagne et se réunir aux partisans de Charles Stuart. Ce prince, sous le nom de Louis Kerneguy, a été présenté à sir Henry par Albert, comme un de leurs cousins d’Écosse, échappé à la déroute de Worcester. Le château de Woodstock, bâti par Henri II, pour arracher Rosemonde à la jalousie d’Éléonore, offre au roi une retraite assurée, ainsi qu’à son écuyer Rochester, Maître Kerneguy, en possession de la tour de Rosemonde et de la société de sa belle cousine, oublie bientôt, avec sa légèreté royale, ses dangers, son royaume et jusqu’à l’hospitalité de sir Henry. Il n’est occupé que des beaux yeux de miss Alice. On se rappelle le caractère simple, naïf et timide que le romancier a donné à cette jeune fille. M. Duval a eu le soin de n’y rien changer, et il lui fait repousser doucement les galanteries plus vives que passionnées de Kerneguy. D’ailleurs, elle aime Markham Everard, son cousin, qui suit les drapeaux du parlement, et que sir Henry lui a défendu de revoir. Un hasard, dû en partie à l’intervention de la sensible Betty, suivante d’Alice, amène une entrevue entre les deux amants. Alice présente au colonel son cousin Kerneguy, qu’Everard, élevé en Écosse, ne reconnaît point. Il ne doute pas que ce prétendu parent ne soit un royaliste fugitif ; mais il est trop généreux pour descendre au rôle de délateur. Il contribuera même, autant que son devoir le permet, au salut du proscrit, en éloignant de Woodstock le régiment qu’il commande. Il ne demande à Alice pour récompense que quelques moments d’entretien dans ce château, qu’ils ont si longtemps habité ensemble. Charles, malgré ses périls, se livre à ses folles amours ; miss Lee, qui ne voit plus en lui qu’un étranger, redouble de froideur ; le roi s’en irrite, et, pour regagner plus qu’il n’a perdu, il va jusqu’à livrer à Alice le secret de son rang et de sa vie. On conçoit l’émotion de la jeune fille, en voyant devant elle Charles Stuart, l’idole de sa famille. Cependant, elle persiste à lui refuser son amour, et Markham survient pendant cette scène. Quelques mots du roi lui font supposer que ce séducteur ne peut être qu’un des courtisans dissolus de Charles, Rochester peut-être. Sa colère s’exhale en injures contre le prince et le favori ; un cartel s’ensuit ; la rencontre aura lieu dans la forêt, sous le chêne royal. Alice arrive à temps pour suspendre le combat. Le colonel qui, de même que son adversaire, a remis, en présence de la jeune miss, l’épée au fourreau, somme Alice de déclarer pour qui ont été ses vœux. Miss Lee déclare que, de toutes les personnes qui vivent en Angleterre, l’adversaire de Markham est celle dont les jours sont, à ses yeux, du plus haut prix. À ces mots, Everard, qui croit n’être plus aimé, s’apprête à dire un éternel adieu à sa maîtresse. Mais Charles, dont l’égoïsme fait place alors à un élan de générosité, s’avance vers le colonel, le retient, et, pour justifier les paroles de miss Lee, se nomme, et ne craint pas de découvrir Charles Stuart à l’officier de Cromwell. Celui-ci promet au prince fugitif de protéger son évasion ; mais le roi reçoit presque aussitôt la nouvelle des succès inespérés de ses partisans ; il va remonter sur son trône, et le premier acte de son autorité est d’ordonner à la fille de sir Henry d’accepter la main du colonel Everard.

La pièce d’A. Duval n’est pas sans mérite ; elle a donné lieu à une critique un peu sévère, que nous croyons devoir transcrire, persuadé que nos lecteurs n’en regretteront pas la lecture : « Il me semble qu’en annonçant une pièce de M. Duval on est dispensé de donner l’analyse de cette pièce. C’est un ouvrage connu d’avance. Il y a mille à parier contre un qu’on trouvera, dans un drame de cet auteur, un homme, quelle que soit sa condition, roi, noble ou bourgeois, déguisé sous un faux nom, parce que sa vie ou son intérêt l’exige ; que cet homme se cachera dans un cabinet, si la scène se passe dans un salon ; derrière les arbres, si le théâtre représente un jardin, et qu’il y aura entre lui et les autres personnages force apartés et équivoques... Telle est l’analyse que l’on peut faire six mois d’avance d’un ouvrage que doit composer M. Duval. C’est son système dramatique, et, comme M. Beaufils, il ne sort pas de là... Le jour de la première représentation d’un ouvrage de M. Duval, on peut aller passer la journée à la campagne et dire hardiment qu’on a vu cet ouvrage. Pour moi, je n’y aurais fait aucune façon, je serais rentré me coucher, j’aurais dormi comme si j’eusse assisté à la représentation, et j’aurais, ce matin, parlé de la pièce de M. Duval aussi pertinemment que j’en discours maintenant. J’aurais même annoncé hardiment que l’ouvrage avait eu du succès, et cela sans crainte de me tromper, par une raison bien simple ; puisque les soixante-quatre actes précédents ont réussi, les trois derniers doivent réussir également. Il faudrait que le public fût étrangement changé ou de bien mauvaise humeur pour siffler une pièce qu’il applaudit depuis vingt-cinq ans, car c’est toujours la même pièce que donne M. Duval. Il ne varie guère que sur les noms, c’est toujours le même sujet ; mais qui s’appelle quelquefois les Héritiers, ou les Projets de mariage, ou le Menuisier de Livonie, ou Stanislas en Pologne, ou la Jeunesse de Henri V, ou bien encore Édouard en Écosse, etc., etc. On dirait cependant qu’il y a quelque intention de varier, et un partisan fanatique de M. Duval me faisait observer, avec beaucoup de sens et de finesse, l’extrême habileté de son auteur et combien son imagination était féconde et variée. Dans Édouard, c’est un roi d’Angleterre qui se cache en Écosse, et dans Charles II, c’est un roi d’Écosse qui se cache en Angleterre. Je n’avais pas remarqué cette profondeur de combinaisons nouvelles, et j’ai bien remercié cet ami dont la perspicacité m’a frappé. Au surplus, on assure que c’est par dépit que M. Duval a fait le Château de Woodstock. Tout le monde sait que c’est dans ce lieu que Walter Scott a placé la scène d’un de ses derniers romans : le Cavalier, et combien, dans cet ouvrage, il a jeté d’intérêt et de gaieté sur son héros, Charles II. M. Duval a prétendu que sir Walter Scott l’avait pillé, et qu’il avait le monopole des rois déguisés... Afin de ne pas laisser périmer son privilège dramatique de monarques pseudonymes, il a inventé de nouveau, d’après le roman anglais, trois actes de prince incognito. Il y a bien eu quelques esprits mal faits, qui, en sifflant un peu, ont eu l’air de faire croire qu’ils avaient déjà vu cet ouvrage autre part ; mais la grande masse des spectateurs vulgaires et bénévoles est restée fidèle à ses doctrines. Elle a loyalement applaudi une pièce qu’elle savait par cœur, et elle s’est fait nommer l’auteur, comme si elle ne l’eût pas d’avance reconnu à la façon. » Il est impossible de démolir avec plus d’esprit un succès, mais le public n’entend rien à ces finesses-là. Trouvant dans Charles II d’habiles péripéties, un intérêt soutenu, de l’esprit, une pointe de sentiment, il n’en demanda pas davantage, et le public eut grandement raison. Lockroy, Provost, Bocage, Mlles  Charton et Wenzel interprétaient cet ouvrage avec un zèle bien voisin du talent.


CHARLES-ÉDOUARD, dit le Prétendant, fils de Jacques Stuart et petit-fils de Jacques II, né à Rome en 1720, mort à Florence en 1788. Nourri dans l’espérance d’une restauration de la famille des Stuarts sur le trône d’Angleterre, il sollicita longtemps le gouvernement français pour en obtenir les secours nécessaires à une expédition à main armée ; fatigué de n’obtenir que des promesses, il tenta en 1743 une descente en Écosse, la terre classique des mouvements stuartistes, entraîna quelques clans montagnards, battit quelques troupes anglaises, se fit proclamer à Perth régent des trois royaumes pour son père Jacques III, et s’empara d’Édimbourg, où il perdit un temps précieux à attendre des secours de France, au lieu de profiter de l’éclat de ses premiers succès pour marcher immédiatement sur Londres. Il pénétra néanmoins en Angleterre jusqu’à Derby, mais dut s’arrêter devant l’opposition de ses chefs d’Higlands, qui, doutant de la fortune, refusèrent d’aller plus loin. Le prince, contraint à la retraite au moment où son aventureuse et romanesque expédition prenait les proportions d’une conquête, versa, dit-on, des larmes de douleur et de dépit. Poursuivi à travers l’Écosse par les lieutenants du duc de Cumberland, il se retira cependant en bon ordre, remporta encore les victoires de Clifton et de Falkirk, mais fut vaincu à la mémorable bataille de Culloden (1746), où la fortune des Stuarts fut brisée sans retour. Le duc de Cumberland déshonora sa victoire par une impitoyable répression, et le Prétendant, après avoir erré en fugitif sur les côtes et dans les Hébrides, traqué nuit et jour, couvert de haillons et mourant souvent de faim, put enfin s’embarquer sur un navire français et gagna les côtes de Bretagne. Le traité d’Aix-la-Chapelle l’obligea à quitter la France. Depuis il s’épuisa en vaines sollicitations auprès des cabinets de. l’Europe pour en obtenir des secours, fit même deux voyages secrets à Londres (1753, 1761) pour conférer avec ses partisans, prit à la mort de son père le titre de roi (1766), épousa peu après la princesse de Stolberg, plus jeune que lui de trente ans, et scandalisa le monde par ses discordes domestiques. Ses brutalités et son ivrognerie éloignèrent de lui sa jeune épouse, qui, après sa mort, épousa le poète Alfieri. Il mourut délaissé à Florence, désigné depuis longtemps sous le nom de comte d’Albany. Son frère, Henri-Benoît, cardinal d’York et dernier héritier des Stuarts, officia sur son cercueil. V. Histoire de Charles-Édouard, par M. Amédée Pichot.

Charles-Édounrd (HISTOIRE DE), précédée d’une histoire de la rivalité de l’Angleterre et de l’Écosse, publiée en 1830, par M. Amédée Pichot. Les aventures de ce prétendant sont trop connues pour qu’il soit nécessaire d’analyser le consciencieux travail de M. Pichot ; nous nous Contenterons d’en faire ressortir l’esprit. Quelles que fussent les qualités personnelles de ce prince, quelque intérêt qu’excitent sa courageuse tentative et les romanesques incidents de son existence après sa défaite, les événements de 1745 ne sauraient être qu’un court épisode de l’histoire de la Grande-Bretagne. Ainsi l’avait d’abord jugé l’auteur, qui avait primitivement l’intention de les renfermer dans ses Voyages historiques et littéraires en Angleterre et en Écosse. Mais, si, au lieu de considérer Charles-Édouard simplement comme le représentant d’une dynastie déchue, nous lui restituons sa véritable physionomie historique en voyant en lui le champion de l’Écosse elle-même, jalouse de reprendre son rang parmi les nations, il n’est plus possible de ne trouver autour du petit-fils de Jacques II qu’une poignée de rebelles faisant une pointe jusqu’à trente lieues de Londres. Pour apprécier toutes ses chances de succès, il faut compter aussi ce qu’il avait avec lui de forces morales ; il faut connaître ce que valaient encore à cette époque, dans les cœurs écossais, la mémoire de quatre siècles d’hostilité entre les deux pays, et la vue de cette bannière de Wallace et de Bruce qui, effaçant l’affront de l’Union, associait la vieille indépendance nationale à la restauration des Stuarts. L’expédition de 1745 fut en effet le terme de ces invasions continuelles qui, depuis les trois Édouard, conduisaient tour à tour l’Écosse en armes au sein de l’Angleterre, et l’Angleterre au sein de l’Écosse. L’invasion de Charles-Édouard intéressait la France ; aussi le but de son historien a-t-il été d’en réunir les traits saillants, en s’aidant des chroniques et des traditions populaires, pour conserver, autant que possible, aux scènes qui se succèdent dans ce tableau, la naïveté et la couleur de chaque époque.

L’histoire de cet infortuné prince élevé parmi nous, prétendant à perpétuité, ne laissant jamais abattre son courage par la mauvaise fortune, plus grand dans les revers qu’au sein de la victoire, ne se vengeant des cruautés du vainqueur qu’en redoublant d’humanité envers les vaincus et trahi par les rigueurs du sort, est un drame émouvant sous la plume de M. Amédée Pichot, en même temps qu’un excellent ouvrage historique. Le style est net, simple, sobre, tel qu’il convient au récit ; les événements sont assez éloquents par eux-mêmes pour se passer des ornements de ïa rhétorique. Quant à l’esprit du livre, nous ne pouvons que féliciter M. Pichot de sa manière de voir. Il se montre légèrement jacobite, et l’on sent un petit levain de républicanisme même au fond de ses idées monarchiques. Dans un sujet qui, à l’époque de sa publication, devait faire naître de nombreuses allusions, l’auteur a pris le plus sage parti : il ne les a nullement cherchées, mais il ne les a pas non plus évitées ; souvent même il a pris soin de nous en indiquer l’application, de peur que des maladroits ne détournassent le trait de son but. Il a habilement fait ressortir le côté philosophique de cette histoire singulière qui contient plus d’un enseignement d’une haute portée, et les conclusions qu’il tire des événements portent toujours l’empreinte d’un esprit frappé au coin d’un libéralisme éclairé. Aussi, tout en rendant justice à l’exactitude des documents, à l’excellence du côté historique, le principal mérite de l’Histoire de Charles-Édouard est-il à nos yeux la leçon qu’elle renferme à l’usage des prétendants, si l’un d’eux a jamais le malheur, comme Charles-Édouard (car c’est un malheur même pour les victorieux), d’être ramené en armes par une guerre civile sur le sol de sa patrie ; une étude historique qui s’appuie sur l’amour de la patrie et de la liberté ne peut être qu’un bon livre, s’il est bien écrit. M. Pichot nous l’a heureusement démontré dans son Histoire de Charles-Édouard.


ROIS DE SUÈDE.

La nomenclature ordinaire en comprend quatorze ; mais en réalité la Suède n’a eu que huit rois de ce nom. Les six premiers appartiennent aux temps fabuleux, à l’époque où la Suède était divisée en une multitude de chefs particuliers, et leur histoire est d’ailleurs inconnue. C’est une erreur que les historiens nationaux ont redressée, mais qui n’en est pas moins consacrée par l’usage.

CHARLES Ier ou CHARLES VII, le premier qui porta le titre de roi de Suède et de Gothie, régna de 1162 à 1168. Il vengea la mort de son père ainsi que celle d’Eric le Saint en tuant leur meurtrier Magnus Henritkson, fit une guerre acharnée aux Esthoniens pour les contraindre à embrasser le christianisme, fonda un grand nombre d’églises et de monastères et donna au clergé des privilèges si étendus qu’il y vit plus tard un danger et voulut les restreindre. Une conspiration éclata alors contre lui, et il périt assassiné par Canut Ericson, le fils de son prédécesseur.


CHARLES VIII (Canutson), régent, puis roi de Suède en 1448, roi de Norvège en 1449. Il eut de longues luttes à soutenir contre le clergé, dont il avait combattu les usurpations, fut assiégé dans Stockholm par l’archevêque d’Upsal et renversé plusieurs fois du trône. Son règne tout entier ne fut qu’une suite de