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Paris ; pop. aggl., 1,863 hab. — pop. tot., 2.386 hab. Ce village est agréablement situé sûr le penchant d’un coteau, dans un territoire où se font remarquer de nombreux champs d’arbustes, et surtout de rosiers, qui donnent à Fontenay un aspect des plus riants. La proximité de Paris et l’heureuse situation de cette localité y ont fait construire de nombreuses et charmantes maisons de campagne, parmi lesquelles on remarque celle qui appartint au poète comique Scarron. L’institution Sainte-Barbe possède à Fontenay-aux-Roses une très-belle succursale, peuplée de plus de trois cents enfants de six a onze ans. En 1675, la seigneurie de Fontenay appartenait à Colbert ; plus tard, elle fut achetée par le duc du Maine.

FONTENAY-SAINT-PÈRE, village et commune de France (Seine-et-Oise), cant. de Limay, arrond. et à 5 kilom. de Mantes, agréablement situé au milieu des bois ; 691 hab. ; Joli château du Mesnil, ancienne résidence de Malesherbes et de Chateaubriand ; magnifique parc.

FONTENAY (Jean-Baptiste, Blain de), peintre français, né à Caen en 1654, mort a Paris en 1715. Venu à Paris de très-bonne heure, il étudia son art sous Baptiste Monnoyer, célèbre peintre de fleurs, dont il épousa plus tard la fille. Il se fit remarquer par des études de fleurs, où se montrait déjà le beau talent qui devait illustrer son nom. Quelques dames de la cour, qui avaient les premières découvert ses rares aptitudes, lui procurèrent les moyens de se perfectionner en lui ouvrant leurs jardins et leurs serres. Dans ce monde élégant qui, depuis longtemps déjà, suivait la marche de ses progrès, les premiers tableaux qu’il exposa furent acclamés. Il ne fit que se perfectionner depuis lors, et, dans le genre qu’il avait adopté, il ne fut surpassé que par van Huysum. Fontenay excellait à imiter l’éclat des fleurs, le velouté des fruits, la transparence de la rosée. Sa touche est d’une délicatesse et d’une légèreté extrêmes ; son coloris est plein de fraîcheur et de vérité, et l’on trouve autant de goût que de grâce dans l’arrangement de ses bouquets. Les faveurs de toutes sortes récompensèrent ce peintre aimable ; il fut de l’Académie d’abord, puis Louis XIV crut devoir lui offrir, au Louvre, un appartement quasi royal. On lui confia enfin la direction des Gobelins ; presque toutes les fleurs de cette fabrique faites à cette époque sont d’après Fontenay. Il a peint aussi, dans les résidences royales et chez les grands seigneurs, une foule de cartouches, médaillons, dessus de porte, frises, etc., qui n’existent plus, Quelques-uns de ces morceaux ont été gravés ; on les trouve en partie dans les traités d’ornementation et autres recueils de ce genre.

FONTENAY (Louis-Abel de Bonafous, abbé de), écrivain et jésuite français, né près de Castres en 1737, mort à Paris en 1806. Il alla se fixer dans cette dernière ville après la suppression de l’ordre des jésuites, devint, rédacteur des Affiches de province et du Journal général de France, se prononça contre les principes de la Révolution et quitta, en 1792, la France, où il ne revint qu’après le 18 brumaire. On a de lui des compilations médiocres, parmi lesquelles nous citerons : Antilogies et fragments philosophiques (Paris, 1774, 4 vol. in-12) ; Dictionnaire des artistes (1777, 2 vol. in-8o) ; Abrégé de la vie des peintres (1780, in-fol.) ; l’Ame des Bourbons ou Tableau historique des princes de l’auguste maison des Bourbons (1783-1790, 4 vol.).

FONTENAY (Alexis-Daligé de), paysagiste français, né à Paris en 1815. Élève de Watelet et de Hersent, il fit les études sérieuses qui préparent d’habitude à la peinture d’histoire. Il se livra néanmoins au paysage, dès son début. Sa première toile en ce genre : Vue prise sur la route de Grimsel, parut au Salon de 1841.

Peu après son début, M. Alexis de Fontenay visita en Amérique quelques-unes de nos colonies ; puis, à son retour, il parcourut les Pyrénées et revint par la Suisse. Un voyage pareil, pour un admirateur véritable des grandeurs de la nature, aurait pu être une source nouvelle d’inspiration. Et pourtant, les Environs de Luz, qu’il exposa en 1844, bientôt après sa rentrée, ne témoignent pas d’un progrès sensible Cette peinture, au double point de vue de l’exactitude et de l’exécution, est suffisante : mais il n’y a nulle émotion, nulle sensibilité. Il ne faut pas la comparer aux chefs-d’œuvre de Corot, de Français, de Dau-Vigny, ces grands poètes de la campagne. M. de Fontenay, d’ailleurs, si l’on en croit la chronique, ne se fait pas sur son talent des illusions trop grandes. « Mes tableaux, dit-il quelquefois, se vendent bien tels qu’ils sont : pourquoi les ferais-je meilleurs ? » Ces quelques mots dessinent parfaitement tout un côté de l’art moderne.

Postérieurement à 1844, il exposa en tableaux, ou à l’état de dessins pris sur nature, des études nombreuses rapportées d’Amérique ou de Suisse. Citons, parmi les mieux réussies de ces productions : la Grande soufrière (1845) ; Fort-Royal (1847) ; Vues de l’Oberland bernois (1848) ; la Route de Bastia à Ajaccio (1852) ; la Ferme et le château. (1855) ; Lauterbrünnen (1857) ; le Wetterhorn dans la vallée de Grindelwald (1861) ; Vue du château d’Unspunnen ; Vue prise sur les hauteurs de l’Oberland bernois (1863) ; Vue prise près d’Unterseen ; les Ruines du château Gaillard (1864) ; Village d’Unterseen, en Suisse, et l’Église de Saint Bertrand de Comminges (1866) ; Village de Vezillon, en Normandie ; la Montée du flot entre le Havre et la côte de Honfleur (1868) ; Bords de la Seine entre Rouen et le Havre (1869), etc. À chaque Salon qui s’ouvre, M. Fontenay s’empresse d’envoyer de nouvelles preuves du savoir-faire incontestable qui lui a valu un certain renom. Ce savoir-faire, — qui n’a rien de commun avec ce qu’on appelle du talent, — lui a procuré une belle fortune, dit-on, et, les récompenses suivantes : une 3me médaille en 1841, une 2me en 1844 et deux rappels en 1861 et 1863.

FONTENAY (marquise de). V. Tallien (Mme).

FONTENAY (Denis de Bastard, marquis de), marin français. V. Bastard.

FONTENAY (Julien de), graveur français en pierres fines. V. Coldore.

FONTENELLE, ancien petit pays de France, dans l’ancienne province de Franche-Comté, où était Villedieu-en-Fontenelle. Il fait actuellement partie du département de la Haute-Saône.

FONTENELLE (Guion-Eder de la), né en 1574, exécuté en 1602. Fontenelle fut un de ces types de brigands gentilshommes, assez communs au xive siècle et au xve siècle, mais assurément beaucoup plus rares à l’époque où il vécut. C’est ce qui a fait sa célébrité. Dès l’âge de quinze ans, il s’échappa du manoir paternel pour courir le pays avec une troupe de pillards qui dévastait alors la Bretagne, au nom de la Ligue. Il devint bientôt le chef d’une bande redoutable devant laquelle les paysans furent réduits à fuir leurs métairies et leurs villages, et il essaya même d’emporter Quimper par un coup de main. Voici l’une de ses atrocités, rappelée dans les chroniques bretonnes : ayant pris le bourg de Penmark, le plus riche de la Bretagne, Fontenelle fit déshonorer toutes les femmes et filles, fit mourir dans les tourments plus de cinq mille paysans, brûla plus de deux mille maisons et pilla tout ce qu’il put emporter.

Ce brigand se fit, dans l’île Tristan, à l’embouchure de la petite rivière de Pouldavid. une retraite dans laquelle il résista pendant quatre ans à des attaques successives, levant des tailles sur le pays, à six et sept lieues à la ronde, et jusqu’aux portes des villes fortes. Il faisait, dans ses expéditions, des razzias de paysans qu’il jetait pêle-mêle et les uns sur les autres dans des cachots humides, et jusque dans des latrines.

Lors de la pacification de la Bretagne, Fontenelle fut le dernier à se soumettre, par crainte de représailles. On lui dépêcha un célèbre prédicateur auquel il eut l’audace de demander quel sermon il venait lui prêcher. En voici le titre, répondit le prêtre : « Le sieur de Fontenelle, capitaine pour la Ligue en Bretagne, est sommé de mettre bas les armes, s’il ne préfère être pendu. — Et de quel Évangile est tiré ce verset ? reprend Fontenelle. — De l’Évangile selon saint Luc. » Commencée sur ce ton badin, la convention fut menée à bon terme. Fontenelle se rendit, fut amnistié et conserva le gouvernement de l’île de Tristan. Mais bientôt il commit de nouveaux crimes pour lesquels le parlement le poursuivit ; il fut roué vif en place de Grève, en 1602.

FONTENELLE (Bernard Le Bovier de), savant, philosophe, poète et écrivain polygraphe, né à Rouen le 11 février 1657, mort à Paris le 9 janvier 1757. Le père de Fontenelle exerçait la profession d’avocat, à Rouen, où il avait épousé Marthe Corneille, sœur des deux poètes de ce nom. Il était ainsi, par sa mère, le neveu du grand Corneille.

Fontenelle porta l’habit de feuillant jusqu’à l’âge de sept ans et fit ses études au collège des jésuites. La note placée à côté de son nom sur le registre de ce collège existe encore. Elle porte : Adolescens omnibus partibus absolutus, et inter discipulos princeps (jeune homme accompli de tous points, et le premier entre ses condisciples) ; aussi les jésuites employèrent-ils toute leur influence pour le faire entrer dans leur société ; mais Fontenelle paraissait avoir, même alors, très-peu de vocation pour le sacerdoce.

Au sortir du collège, il fit son droit, fut reçu avocat, plaida une cause qu’il perdit, et renonça au barreau pour se livrer tout entier à la philosophie et à la littérature. Il était de tous les concours académiques.

Pour être équitable, il faut accorder un peu d’estime à certaines de ses pièces, qui sont tout au moins ingénieuses. Il donnait parfois au Mercure de charmantes réflexions mises en vers, et de jolis sonnets. En voici un qu’il fit pour une jeune fille dont il était amoureux et qui désirait apprendre de lui la langue espagnole :

Parce que l’espagnol est une langue fière,
Je vous le dois apprendre ? Eh bien, soit ! commençons.
Mais, ce que je demande à ma belle écolière,
C’est de ne se servir jamais de mes leçons.
Déjà si fièrement votre âme indifférente
Oppose à mon amour qu’il ne faut point aimer,
Que, même en espagnol, y fussiez-vous savante,
Vous auriez de la peine à vous mieux exprimer.
Croyez-moi, le français vaut bien qu’on le préfère
A la rude fierté d’une langue étrangère.
De ce qu’il a de libre empruntons le secours.
Mais que, de son côté, l’espagnol se console :
Car ne pourrons-nous pas mêler dans nos amours,
Et liberté française, et constance espagnole ?

Quelques autres pièces imprimées dans le même recueil, et sans nom d’auteur, ou sous le voile de l’anonyme, renferment de fort bonnes choses ; par exemple, celle qui a pour titre : Histoire de mes conquêtes, en prose (Mercure de février 1681). Fontenelle y a fait de lui-même un portrait fort remarquable ; c’étaient là pour lui des exercices préparatoires à de plus hauts efforts littéraires. De longue main, il s’était exercé à écrire pour la scène, et gardait le secret le plus profond sur ses ambitieuses visées. Déjà, en 1678 et 1679, avaient paru, sous le nom de Thomas Corneille, les opéras de Psyché et de Bellérophon, qu’il réclama plus tard comme étant de lui ; de lui aussi une comédie intitulée la Comète, que Visé avait signée. Cette petite pièce est très-philosophique sans en être moins agréable. Elle fut faite à l’occasion de la fameuse comète qui avait paru l’année précédente, et combattait spirituellement le préjugé qui attribue à ces astres vagabonds une mauvaise influence. Enfin, en 1680, il donna une tragédie, Aspar, restée célèbre par l’épigramme de Racine :

Ces jours passés, chez un vieil histrion,
Un chroniqueur émut la question
Quand, dans Paris, commença la méthode.
De ces sifflets qui sont tant à la mode.
« — Ce fut, dit l’un, aux pièces de Boyer. »
Gens pour Pradon voulurent parier.
« — Non, dit l’acteur, je sais toute l’histoire
Que par degrés je vais vous débrouiller.
Boyer apprit au parterre à bâiller.
Quant à Pradon, si j’ai bonne mémoire,
Pommes sur lui volèrent largement ;
Mais quand sifflets prirent commencement,
C’est (j’y jouais, j’en suis témoin fidèle),
C’est à l’Aspar du sieur de Fontenelle. »

Fontenelle fut profondément irrité. Impuissant à riposter par la même arme, il attaqua Esther et Athalie avec une espèce de fureur ; puis, comprenant qu’il n’y avait rien à faire contre de pareils chefs-d’œuvre, il se retourna contre Boileau, qui, pour son malheur, venait de célébrer d’une façon pitoyable la fameuse prise de Namur. Fontenelle prit sa revanche, et guetta l’occasion de recommencer. Elle ne tarda pas. La satire contre les femmes, inférieure aux autres satires de Boileau, ayant paru en 1692, Fontenelle, qui avait couvé sa rancune, décocha contre le vieux maître l’épigramme suivante :

Quand Despréaux fut sifflé sur son ode,
Ses partisans criaient dans tout Paris :
« Pardon, messieurs, le pauvret s’est mépris ;
Plus ne loûra, ce n’est pas sa méthode.
Il va draper le sexe féminin ;
À son grand nom vous verrez s’il déroge. »
Il a paru cet ouvrage malin ;
Pis ne vaudrait quand ce serait éloge.

Est-ce sous l’empire de cette rancune que Fontenelle soutint contre Racine et Boileau la cause des modernes ? Perrault, en le voyant venir, l’accueillit avec joie, et ce ne fut pas, en effet, le moindre champion de cette lutte où tant de lances furent rompues, sans qu’on sût précisément de quel côté s’était rangée la victoire. Fontenelle introduisit au moins dans cette querelle assez envenimée un peu plus de courtoisie et d’esprit. Sa fine plaisanterie fit beaucoup de mal à la cause que défendait Boileau, à Boileau lui-même, contre lequel il avait conservé un violent ressentiment, incompatible avec l’égoïste indifférence qu’on lui connut plus tard.

Mais ce n’est ni comme poète, ni comme critique que Fontenelle conquit cette noble influence qu’il devait léguer à Voltaire. Le poète fut malheureux, et le critique, obéissant à une rancune personnelle, perd à nos yeux de son autorité et compromet sa mission ; il n’en est pas de même du philosophe et du savant. Il y avait en Fontenelle deux sortes d’esprit : l’esprit philosophique, sérieux et fin à la fois, et le bel esprit ; le premier, chez lui, heureusement pour sa gloire, domine le second. Voltaire, qui reconnaissait dans Fontenelle comme un parent d’esprit, le juge très-bien sous ces deux aspects. Tout le monde connaît ces vers de l’auteur de la Henriade, à propos de l’Histoire de l’Académie des sciences :

D’un nouvel univers il ouvrit la barrière ;
Des infinis sans nombre autour de lui croissant,
Mesurés par ses mains, à son ordre naissant,
A nos yeux étonnés il ouvrit la carrière :
L’ignorant l’entendit, le savant l’admira.

C’est du Fontenelle mûri, plein du véritable esprit scientifique moderne qu’il parle ainsi. Dès sa jeunesse, Voltaire avait senti toute la valeur de celui qu’il désigna plus tard de cette façon :

Le Normand Fontenelle, amoureux du repos.

Il l’avait placé, quoique vivant et par exception, dans le catalogue des auteurs du siècle de Louis XIV. Il le peignit ensuite dans le Temple du goût :

C’était le discret Fontenelle,
Qui, par les beaux-arts entouré,
Répandait sur eux à son gré
Une clarté vive et nouvelle.
D’une planète, a tire d’aile,
En ce moment il revenait
Dans ces lieux où le goût tenait
Le siéjte heureux de son empire, ;
Avec Mairan il raisonnait.
Avec Quinault il badinait ;
D’une main légère il prenait
Le compas, la plume et la lyre.

Il y a loin de là à la maligne épigramme de Jean-Baptiste Rousseau :

Depuis trente ans, un vieux berger normand
Aux beaux esprits s’est donné pour modèle ;
Il leur enseigne a traiter galamment
Les grands sujets en style de ruelle.
Ce n’est pas tout : chez l’espèce femelle
Il brille encor, malgré son poil grison :
Il n’est caillette en honnête maison
Qui ne se pâme a sa douce faconde.
En vérité, caillettes ont raison :
C’est le pédant le plus joli du monde.

Voltaire et J.-B. Rousseau jugent ici à des points de vue diamétralement opposés l’auteur de la Pluralité des Mondes. Quant à nous, nous ne suivrons Fontenelle que quand il marche dans la droite voie, dans la voie du progrès et du vrai. Ce n’est ni quand il médit de Racine, ni quand il raille Boileau, que Fontenelle nous plaît. Ce n’est, malgré tout ce qu’on y peut trouver de bon, ni dans ses Eglogues, ni dans ses petits vers, ni dans les Lettres du chevalier d’H*** ; c’est dans la Pluralité des mondes, dans l’Histoire des oracles et surtout dans l’Histoire de l’Académie des sciences, si instructive, si finement écrite, où les pensées profondes abondent, semées d’aperçus heureux, c’est là que nous trouvons le savant véritable et que nous l’aimons.

« Ce serait un morceau digne d’un philosophe, dit Grimm, que la Vie de Fontenelle avec les différents objets qui y ont rapport. On ferait, dans un pareil ouvrage, l’histoire de la philosophie et des révolutions qu’elle a éprouvées en France, depuis Descartes jusqu’à nos jours. » Et il ajoute :« L’esprit philosophique, aujourd’hui si généralement répandu, doit ses premiers progrès à Fontenelle. »

Grimm écrivait ces lignes dans sa Correspondance littéraire, moins d’un mois après la mort de Fontenelle, à la date du Ier février 1757. Il avait critiqué le poète avec un dédain peut-être un peu trop prononcé ; mais ce dédain même faisait honneur au grand esprit, à l’homme de science, qu’il avait hâte d’aborder.

Les Eglogues de Fontenelle ont presque toutes un fond ingénieux et brillent quelquefois par le bonheur des détails ; mais le Discours sur la nature de l’églogue, dont il les fit suivre, est un témoignage de la fausseté de son esprit ; défions nous, comme poète, d’un critique assez malavisé pour trouver que Théocrite est d’une grossièreté repoussante ; il en conteste l’art et le naturel, probablement parce qu’il ne le comprend pas. Engagé dans cette voie fatale, il va encore plus loin : Eschyle est un fou qui a des éclairs de génie, comme un homme ivre des éclairs de raison ; Euripide ne connaît pas l’intrigue et injurie les femmes ; Aristophane se fait beaucoup pardonner, parce qu’il est plaisant et dit de fort bonnes choses.

Dans l’édition de 1728, en 3 volumes in-folio, qui porte pour titre : Œuvres diverses de M. de Fontenelle, de l’Académie françoise, nouvelle édition, augmentée et enrichie de figures gravées, par Bernard Picart le Romain (La Haye, chez Gosse et Néaulme), il a fait entrer toutes ses œuvres en prose jusque-là publiées ; le deuxième volume, renferme toutes ses poésies, savoir : les Poésies pastorales, qui se composent de dix eglogues et d’Endymion, pastorale dialoguée ; Thétis et Pelée, Enée et Lavinie, opéras ; les Héroïdes, et des poésies légères.

Dès l’âge de vingt ans, Fontenelle obéissait à une autre vocation qui l’appelait vers les sciences. La connaissance qu’il fit de Varignon, géomètre de mérite, changea presque complètement la direction de ses études. Il fit paraître en quelques années : 1o les Nouvelles de la république des lettres, de Bayle (janvier 1685) ; un Éloge de Pierre Corneille, 2o et dans le même journal, le mois suivant, deux Mémoires contenant une question d’arithmétique sur le nombre 9 ; 3o Lettres galantes de monsieur le chevalier de Her*** (2 vol. in-12), sans nom d’auteur, puis les Doutes sur le système physique des causes occasionnelles (Rotterdam, 1686, très-petit in-12). Enfin, la même année 1686, il publiait son célèbre livre sur la Pluralité des mondes, composé de cinq entretiens, son premier et véritable titre à l’Académie des sciences. L’ouvrage eut un succès prodigieux, et fut traduit en toutes les langues. Fontenelle ajouta à son livre, l’année suivante, un sixième entretien. On ne saurait contester l’utile nouveauté de son dessein, et l’agrément avec lequel il l’expose. C’était une belle et heureuse idée d’apprendre aux gens du monde qu’ils pouvaient pénétrer dans les sciences sans de trop héroïques efforts, et y prendre même autant de plaisir qu’à la lecture de l’Astrée ; c’était encore une heureuse idée de prouver aux savants qu’ils pouvaient se faire entendre des gens du monde ; et nul jamais n’a porté plus de clarté, de précision et d’élégance dans l’explication d’une science qui ne s’était produite jusque-là qu’avec le secours de la langue mathématique. Parmi ceux de ses ouvrages où Fontanelle avait pour principal dessein de plaire en