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que deux ou trois, on ôte les quatre sept. La donne se tire au sort, et celui qui l’obtient distribue à chacun cinq cartes, par deux et trois, et en prend lui-mème autant, puis il en tourne une, qui indique la couleur de l’atout où de la triomphe ; alors chacun examine son jeu. Chaque joueur est libre de s’y tenir ou de passer, comme au content, à la bête, etc. Si tout le monde passe, on peut se réjouir, c’est-à-dire supprimer la retourne, et retourner, à la place, la carte qui vient immédiatement après, et qui se nomme la curieuse. On peut répéter la même opération une autre fois, si cette nouvelle retourne ne satisfait encore personne. Les cartes se jouent comme à l’ordinaire, mais la renonce est interdite, sous peine d’exclusion de la partie. En général une partie se compose de sep tours ou jeux, et l’on met un nouvel enjeu à chaque tour. Pour gagner un jeu, il faut faire trois levées ; on peut le gagner aussi avec deux levées seulement, mais il faut alors qu’elles soient les premières et qu’aucun autre joueur n’en possède autant. On marque les jeux à mesure qu’on les gagne ; à la fin du septième, on compte les marques,’et celui qui en a le plus lève tous les enjeux. Il est à remarquer que celui qui amène le roi d’atout, en faisant la retourne ou en allant à la curieuse, gagne une marque. Il en est de même de celui qui a ce roi en main. Dans les deux cas, il prend aussi une marque pour chacun des autres rois qu’il peut avoir. Celui qui fait jouer et perd le tour est démarqué d’une de ses marques au profit du gagnant. Si, après s’être réjoui, un joueur vient à perdre, en jouant, le roi de la triomphe précédente, Celui qui emporte ce roi dans la levée gagne une marque sur ce joueur, et on agit de même pour les autres rois.

— Allus. litt. L’homme s’agite, Dieu le mène, Pensée de Fénelon. V. AGITER.

Le style est de l’homme même, Allusion à une phrase célèbre de Buffon. V. STYLE.

Le masque tombe, l’homme reste, Et le héros s’évanouit, Vers de J.-B. Rousseau. V. MASQUE.


Hommes Illustres de la ville de Rome, abrégé historique, plus connu sous le titre latin, De viris illustribus urbis Romae, et compilé au IVe siècle de notre ère. C’est l’œuvre du grammairien Aurelius Victor. Le De viris, dont l’étude est devenue classique, est un recueil biographique fait avec soin ; il contient dix-huit chapitres et va, chronologiquement, de Romulus à Cléopâtre. Les courtes notices dont il est formé, les sources excellentes auxquelles a puisé son auteur, sa latinité correcte et facile font de ce livre un bon guide pour les commençants. Il en a été fait d’innombrables éditions classiques.


Hommes illustres de Castille, en espagnol Claros varones de Castilla, ouvrage historique de Hernando del Pulgar (XVe siècle). La première édition est de 1500 (Séville, in-4o). L’auteur, trouvant que les histoires générales ne racontent pas avec autant d’étendue qu’elles le devraient les faits remarquables et les exploits particuliers de quelques hommes illustres, prit exemple sur Perez de Gusman, l’auteur des Filiations et portraits, plus encore sur les anciens, et composa des esquisses biographiques sur les principaux personnages, de son siècle, Il commença par Enrique IV, et se renferma plus particulièrement dans Les limites du règne de ce monarque. Les plus importantes biographies sont celles du comte de Haro, de Rodrigo Manrique et du marquis de Santillane.

Cet ouvrage est très-recommandable. Le style en est vif, concis et spirituel ; d’ordinaire l’auteur peint d’un trait, et avec assez de bonheur. Ses portraits sont tracés avec fermeté, sans trop de flatterie ; ils peuvent être consultés avec fruit pour l’étude du temps où l’auteur a vécu. Son livre n’a jamais été traduit en français.


Hommes illustres (ÉLOGES DES), par Paul Jove (Venise, 1551, in-fol). Ce recueil de biographies est écrit en latin. En général, elles sont trop abrégées ; elles ne sont exemptes ni de passion, ni de prévention, surtout quand il est question des savants et des écrivains. À vrai dire, l’auteur a fait plutôt la satire que l’éloge de ses héros. Malgré les faux jugements et les inexactitudes qu’on ÿ peut reprendre, cette collection d’esquisses historiques est le meilleur ouvrage de Paul Jove, ou, pour mieux dire, le plus utile. Toutefois, il est douteux que l’auteur se soit montré plus véridique dans ces Éloges que dans l'Histoire de son époque ; toutes ses œuvres sont pleines de mensonges dictés par la cupidité. En cela, Paul Jove imite l’Arétin, et loin de s’en cacher il s’en vante. Henri Estienne pense que ses appréciations sur les hommes célèbres témoignent d’une observation médiocre et trahissent une fréquente ignorance, Son style a trouvé des censeurs et des apologistes. Alciat le préfère à celui de Tacite ; au jugement de Lipse, il est grave, soutenu ét approprié aux sujets historiques ; Brantôme déclare qu’il raconte gentiment ; Scaliger n’y voit qu’affectation et excès, et R. Desmarets y relève les fautes les plus grossières contre la langue.


Hommes illustres et des grands capitaines français (VIES DES), par Brantôme (vers 1590). La première édition est de 1666. Ces Vies sont divisées en trois livres et précédées, dans les éditions, de celles des capitaines étrangers. Elles finissent par la biographie de Charles IX. Le fond et la forme sont les mêmes que dans tous les ouvrages de Brantôme:c’est toujours la même causerie à bâtons rompus, écrite d’un style original, qu’il applique à tous les sujets, aux capitaines comme aux dames galantes, aux assauts comme aux intrigues, entremêlant ses souvenirs personnels à ses lectures et à ce qu’il a entendu raconter. L’art du narrateur nous transporte de plain-pied dans ce XVIe siècle, qu’il nous aurait encore mieux dépeint s’il avait eu plus de critique. Toujours bon courtisan, il traite tous les rois de France de héros, ne fait aucune différence entre Louis XI et et Louis XII, prodigue à don Carlos les mêmes éloges qu’au vénérable Montmorency; il a de bonnes paroles pour le baron des Adrets, d’exécrable mémoire, et tout autant pour Montluc, qui pendait ses prisonniers lorsqu’il ne savait qu’en faire. Cependant certains de ses portraits sont finement touchés et, sans leur attribuer une bien grande valeur historique, ils peuvent du moins plaire comme des œuvres d’art, Tout est curieux à lire dans cet ouvrage, mais surtout ce qui se rapporte aux mœurs. Les meilleures éditions sont celles de Monmerqué (1822) et de Max Buchon (Panthéon littéraire, 3 vol. in-8o).


Homme (L’), de René Descartes, avec les remarques de Louis de Laforge et un traité de la formation du foetus par le même Descartes (Paris, 1664, 1 vol. in-4o). C’est la première édition française. Deux ans auparavant, on en avait publié une traduction latine intitulée : Renatus Descartes de homine, figuris et latinitate donatus a Florentio Schuyl (Lugduni Batavorum, 1662, in-4o). Cet ouvrage est une suite du traité de la lumière, et dans l’original, que possédait Clerselier (éditeur de Descartes), il a pour titre : ch. XVIII. Descartes établit d’abord de quoi se compose l’homme qu’il veut décrire : « Ces hommes seront composés comme nous, d’une âme et d’un corps, et il faut que je vous décrive premièrement le corps à part, puis après l’âme aussi à part, et enfin que je vous montre comment ces deux natures doivent être jointes et unies pour composer des hommes qui nous ressemblent. Je suppose que le corps n’est autre chose qu’une statue ou machine de terre (c’est ici que Condillac a puisé l’idée de l’homme-statue), que Dieu forme tout exprès pour la rendre la plus semblable à nous qu’il est possible, en sorte que non-seulement au dehors il lui donne la couleur et la figure de tous nos membres, mais aussi qu’il met au dedans toutes les pièces qui sont requises pour faire qu’elle marche, qu’elle mange, qu’elle respire et enfin qu’elle imite toutes celles de nos fonctions qui peuvent être imaginées procéder de la matière et ne dépendre que de disposition des organes. »

Cela posé, Descartes rend compte de la digestion, de la formation et de la circulation du sang d’une manière tout à fait mécanique. Cette préoccupation constante de Descartes à rendre compte de tout au moyen des forces physiques de la nature lui était amèrement reprochée par Pascal, qui l’accuse de chasser Dieu de la nature le plus qu’il peut. Il n’y a, suivant Pascal, que le mouvement initial que Descartes n’ait pu réussir à faire produire aux éléments. Le rôle de Dieu se borne à donner une chiquenaude à la machine du monde, afin qu’elle marche.

« Pour ce qui est, dit Descartes, des parties du sang qui pénètrent jusqu’au cerveau, elles n’y servent pas seulement à nourrir et à entretenir sa substance, mais principalement aussi à y entretenir un certain vent trés-subtil, ou plutôt une flamme très-vive et très-pure, qu’on nomme les esprits animaux. Or, à mesure que ces esprits entrent ainsi dans les concavités du cerveau, ils passent de là dans les pores de sa substance, et de ces pores dans les nerfs, où, selon qu’ils entrent, ou seulement qu’ils tendent à entrer plus ou moins dans les uns que dans les autres, ils ont la force de changer la figure des muscles en qui les nerfs sont insérés et par ce moyen de faire mouvoir tous Les membres. »

Pour Descartes comme pour l’école phrénologique moderne, il existe dans le cerveau un lieu particulier affecté à chacune de nos facultés mentales. Il distingue le lieu de l’imagination, le lieu du sens commun, celui de la mémoire, et il ajoute : « Je désire que vous considériez que ces fonctions suivent toutes naturellement en cette machine (la machine humaine) de la seule disposition de ses organes, ne plus ne moins que font les mouvements d’une autre horloge, ou automate, de celle de ses contre-poids et de ses roues ; en sorte qu’il ne faut point à leur occasion concevoir en elle aucune autre âme végétative ou sensitive, ni aucun autre principe de mouvement et de vie que son sang et ses esprits agités par la chaleur du feu qui brûle continuellement dans son cœur, et qui n’est point d’autre nature que tous les feux qui sont dans les corps inanimés. »

Il n’est pas étonnant que de telles doctrines aient scandalisé les spiritualistes de l’école théologique, qui y trouvaient trop de ressemblance avec celles des matérialistes, quoique Descartes ne fût pas matérialiste au fond, comme cela résulte de ses autres ouvrages.


Homme (DISCOURS SUR L’), sortes d’épîtres philosophiques, en vers, par Voltaire (1734- 1737). Ces discours, dans le genre de l’Essai sur l’homme de Pope, sont une des meilleures productions de Voltaire ; ils sont aussi bien écrits que bien pensés ; ils respirent d’un bout à l’autre le plus pur amour de l’humanité, et l’on y trouve un calme de raison qui n’est pas habituel à l’auteur. Ces discours sont au nombre de sept. Le premier traite de l’égalité des conditions ; le poëte nous dit:

C’est du même limon que tous ont pris naissance ;
Dans la même faiblesse ils traînent leur enfance;
Et le riche et le pauvre, et le faible et le fort
Vont tous également des douleurs à la mort.

Puis il oppose aux jouissances trompeuses et si chèrement achetées des puissants de la terre les joies réelles et faciles du rustre qui travaille:il nous montre le riche et puissant Crésus, d’abord envié par le pauvre Irus qui mendie à la porte de son palais, puis enviant à son tour la misère d’Irus, quand il se voit lui-même conduit en esclavage.

Le second discours roule sur la liberté morale. Le but du troisième discours est de prouver que le plus grand obstacle au bonheur est l'envie.

Le quatrième rappelle la philosophie d’Horace, car il prêche que, pour être heureux, il faut être modéré en tout, aussi bien dans l’étude et l’ambition que dans les plaisirs. Le cinquième, sur la nature du plaisir, conclut que le plaisir vient de Dieu. Intitulé De la nature de l’homme, le sixième discours vient prouver que le bonheur parfait ne peut être le partage de l’homme en ce monde et que l’homme n’a point à se plaindre de son état.

Le septième et dernier discours, Sur la vraie vertu, prouve qu’elle consiste à faire du bien à ses semblables et non dans de vaines pratiques de mortification.

Les Discours sur l’homme sont un des plus beaux monuments de la poésie française; s’ils n’offrent point un plan régulier comme les Épîtres de Pope, ils ont l’avantage de renfermer une philosophie plus vraie, plus douce, plus pratique.


Homme (ESSAI SUR L’), poëme anglais d’Alexandre Pope (1733). Cet ouvrage, considéré de l’aveu de tous les critiques comme le chef-d’œuvre de la poésie philosophique, se compose d’une série d’épîtres, fruit de l’entretien de l’auteur avec Bolinbrogke. « Je ne crois pas, dit M. Taine, qu’il y ait au monde une prose versifiée égale à la sienne ; celle de Boileau n’en approche pas. » L’Essai sur l’homme est l’exposé du système de Pangloss ; Pope y montre que Dieu a fait tout pour le mieux ; que l’homme est borné et ne doit pas juger Dieu ; que nos passions et nos imperfections servent au bien général et aux desseins de la Providence ; que le bonheur est dans la vertu et dans la soumission aux volontés divines. On reconnaît là l’optimisme, emprunté, comme le déisme de Rousseau, à la Théodicée de Leibnitz, mais tempéré et arrangé à l’usage des honnêtes gens. Trois ou quatre systèmes, déformés et amoindris, se trouvent amalgamés dans cette œuvre. Pope se vante « de les avoir tempérés » l’un par l’autre, et d’avoir « navigué entre les extrêmes. » La vérité est que Pope n’a point entendu ces systèmes et qu’il mêle à chaque vers des idées disparates. Il y a tel passage où, pour obtenir un effet de style, il devient panthéiste. Mais si les idées sont médiocres, l’art de s’exprimer est véritablement merveilleux. « J’ai employé les vers, dit-il, plutôt que la prose, parce que je trouvais que je pouvais exprimer les idées plus brièvement en vers qu’en prose. » En effet, dans cette admirable versification, tous les mots portent ; il faut lire chaque page lentement ; chaque épithète est un résumé ; on n’a jamais écrit d’un style plus serré, et, d’autre part, on n’a jamais plus habilement travaillé à faire entrer les formules philosophiques dans le courant de la conversation mondaine. Le caractère élevé du sujet, le tour des pensées, l’application heureuse et neuve de la poésie à la métaphysique donnent à cet ouvrage une grande valeur. « C’est, dit Voltaire, le plus beau poëme didactique, le plus utile, le plus sublime qu’on ait jamais fait dans aucune langue. » La Harpe abonde dans le sens de Voltaire. Fontanes, qui a traduit l’Essai sur l’homme, dit de son côté: « C’est dans ce poëme que Pope a su réunir des qualités qui souvent se repoussent, la rapidité des mouvements poétiques à la marche exacte du raisonnement, et l’éclat du style à la simplicité de ces grandes vues, saisies par un esprit vaste qui sait tout généraliser. » Taine est beaucoup moins élogieux. « Le lecteur n’est guère ému, dit-il ; il pense involontairement ici au livre de Pascal, et mesure l’étonnante différence qu’il y a entre un versificateur et un homme. Bon résumé, bon morceau, bien travaillé, bien écrit, voilà ce qu’on dit, et rien de plus ; évidemment la beauté des vers venait de la difficulté vaincue, des sons choisis, des rhythmes symétriques ; c’était tout, et ce n’était guère. Un grand écrivain est un homme qui, ayant des passions, suit le dictionnaire et la grammaire ; celui-ci sait à fond le dictionnaire et la grammaire, mais s’en tient là. Vous direz que ce mérite est mince, et que je ne donne pas envie de lire les vers de Pope. Cela est vrai, du moins je ne conseille pas d’en lire beaucoup… Avouons franchement qu’en somme ce grand poëte, la gloire de son siècle, est ennuyeux pour le nôtre. Aujourd’hui nous demandons des idées neuves et des sentiments nus ; nous ne nous soucions plus du vêtement, nous voulons la chose ; exordes, transitions, curiosités de style, élégances d’expression, toute la garde-robe littéraire s’en va à la friperie ; nous n’en gardons que l’indispensable; ce n’est pas de l’ornement que nous nous inquiétons, c’est de la vérité. »


Homme de lettres (L’}, discours philosophique en vers, de Chamfort (1766). L’auteur présenta ce poëme au concours de poésie de l’Académie française, qui décerna le prix à l’épître de La Harpe intitulée le Poëte. Le discours de Chamfort, moins achevé, d’une exécution moins travaillée, était plus passionné, plus éloquent. Après avoir montré sous une face misérable la vie des hommes qui suivent la carrière littéraire, il fait voir quelles ressources inconnues du vulgaire ils ont pour se suffire à eux-mêmes dans la recherche du bonheur ; il exalte le charme qu’ils éprouvent dans la création des œuvres qu’enfante leur imagination ou leur génie. De toute la pièce ressort cette conclusion si vraie, que l’homme de lettres trouve dans son âme le bonheur le plus réel, les plus douces jouissances,


Homme (DE L’), de ses facultés intellectuelles et de son éducation, par Helvétius. Cet ouvrage, publié après la mort de l’auteur (1771), forme les tomes III, IV et une partie du tome V de ses œuvres (Londres, 1781, 5 vol. in-8o). Ce n’est à beaucoup d’égards qu’un commentaire du livre de l'Esprit (voir de mot). Suivant Helvétius, l’esprit, la vertu et le génie sont l’œuvre de l’éducation. « Je me propose de prouver, dit-il, ce qui n’est peut-être qu’avancé dans le livre de l'Esprit. Si je démontrais que l’homme n’est proprement que le produit de son éducation, j’aurais sans doute révélé une grande vérité aux nations. Elles sauraient qu’elles ont entre leurs mains l’instrument de leur grandeur et de leur félicité, et que, pour être heureuses et puissantes, il ne s’agit que de perfectionner la science de l’éducation. » Il est constant que l’éducation est un des ressorts de la nature humaine, qu’elle a une influence considérable sur l’esprit, sur les mœurs, sur l’état social. sur tout l’homme, en un mot, Pourtant l’homme n’est pas uniquement le fruit de son éducation individuelle, il y a chez lui le tempérament, ce qu’on appelle la race, le climat. Tout cela pourrait être considéré comme résultant d’une éducation héréditaire qui a créé notre organisme tel que nous le possédons. L’éducation actuelle a le don de diriger notre activité dans un sens déterminé, mais elle n’influe que d’une façon partielle sur l’organisme, qui se transforme lentement et n’est point à la discrétion d’un philosophe, ni d’un système. Ainsi, même en se plaçant au point de vue de l’auteur, qui rejette absolument toute idée d’une âme immatérielle et douée de facultés plus ou moins parfaites, on reconmaît que son système est incomplet et que l’éducation seule ne suffit pas pour rendre compte de toutes les différences qui existent entre les hommes, soit au point de vue des mœurs, soit à celui de intelligence. Il est probable, du reste, qu’Helvétius n’aurait nullement repoussé cette idée que l’éducation peut avoir une influence héréditaire, qu’il y a une éducation des peuples comme une éducation des individus, si cette idée s’était présentée à son esprit.

La publication de ce livre fit beaucoup moins de bruit que celle du livre de l'Esprit. L’auteur était mort, et ses idées n’avaient plus au même degré l’attrait de la nouveauté et de la hardiesse.


Homme (DE L’), ou Des principes de l’influence de l’âme sur le corps, par Marat (Amsterdam, 1775, 3 vol. in-12}. « Quand on a lu, dit Voltaire, cette longue déclamation en trois volumes, qui nous annonce la connaissance parfaite de l’homme, on est fâché de ne trouver que ce qui a été répété depuis trois mille ans en tant de langues différentes. Il eût été plus sensé de s’en tenir à la description de l’homme, qu’on voit dans le second et le troisième tome de l'Histoire naturelle (de Buffon). C’est là qu’en effet on apprend à le connaître, c’est là qu’on apprend à vivre et à mourir ; tout y est exposé avec vérité et avec sagesse, depuis la naissance jusqu’à la mort… Après s’être remercié de nous avoir découvert les principes cachés de cette influence prodigieuse de l’âme sur le corps et du corps sur l’âme, l’auteur assure qu’elle a été jusqu’à lui un secret impénétrable. Cette péroraison est suivie enfin d’une invocation ; C’est une marche contraire à celle de tous les ouvrages dé génie, et surtout à celle des romans, soit en vers, soit en prose. Il invoque l’auteur de la Nouvelle Héloïse et, d’Émile. Prête-moi ta plume, dit-il, pour célébrer toutes ces merveilles ; prête-moi ce talent enchanteur de montrer la nature dans toute sa beauté, prête-moi ces accents sublimes avec lesquels tu as enseigné à tous les princes qu’ils doivent épouser la fille du bourreau si elle leur convient ; que tout brave gentilhomme doit commencer par être garçon menuisier, et que l’honneur, joint à la prudence, est d’assassiner son ennemi, au lieu de se battre avec lui comme un sot. 1l est plaisant qu’un médecin cite deux romans, l’un nommé