encore pittoresquement « le grand dérangement. » Ils disent toujours : c’était après le grand dérangement, ou bien, avant le grand dérangement, pour fixer une date. Les Anglais avaient résolu de détruire en un seul jour toute la race française groupée en Acadie.
On convia les Acadiens à l’église, pour une cérémonie religieuse. Quand l’église fut remplie on ferma les portes et on embarqua de force, sur des bateaux amenés dans ce but, tous les malheureux qui s’étaient rendus dans le Saint Lieu pour prier. Ils n’avaient aucun moyen de défense : les Anglais, au contraire, étaient solidement armés, toute résistance était impossible.
Au milieu du tumulte, des familles furent séparées, on arracha des enfants à leurs mères et le tout, fut entassé pêle-mêle, comme un troupeau, dans les bateaux.
On mit aussitôt à la voile, on navigua deux jours, trois jours, quatre jours et l’on débarqua toutes ces victimes par groupes, le long de la côte américaine sans secours, sans abri, sans espoir de retour.
Le moyen était simple et expéditif. Mais on avait compté sans l’endurance de nos Acadiens, sans le profond amour qu’ils avaient de leur terre. Si beaucoup restèrent sur la côte d’exil et finirent par s’y établir et par fonder des villages très florissants, (ils existent toujours, ce sont de vé-