pus, — vos soldats, dis-je, nous ont d’instinct considérés, mes compagnons et moi, et traités comme des frères.
« Né et élevé dans un pays neuf où toutes les maisons sont pareilles, sans grand caractère, j’ai tout de suite, et comme de plein-pied, admiré vos palais ; à la forme d’un toit, d’une fenêtre, à je ne sais quel détail, j’ai de même reconnu sans peine ce qui était du style français et ce qui était d’importation. Pouvait-il en être autrement ? Depuis l’enfance, ne contemplais-je pas la France à travers le prisme de son histoire et de sa littérature, rêvant de me rapprocher d’elle, de lui dire tout bas à l’oreille que j’étais aussi son fils ? Oh ! combien m’avaient paru longs les mois passés en Angleterre. Parfois, quand la mer était belle et l’air lumineux, une longue bande crayeuse apparaissait à l’horizon : c’était la France, d’où me venait tout ce que je possède, tout le sang de mes veines et tous les frissons de mon âme.
« Enfin, je la vis, cette mère en alarmes : elle avait à la fois la sereine beauté de l’Aphrodite de Mélos et la terrible majesté de la Niké de Samothrace. Sur ses traits contractés par la douleur s’épandait une lueur auguste, pareille à celle qui entourait le Prophète, quand il descendait du Sinaï. Sa tunique, lacérée comme un drapeau, portait la souillure de mille champs de bataille. Oh ! comme j’étais fier d’être le fils de ses fils. Qui n’a pas