Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome I.djvu/120

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bénéfice énorme. Quand la fraude vint à être découverte, la colère du général en chef fut sans bornes, et ce misérable fut condamné à être fusillé ; mais tous les officiers de santé, si distingués par leur courage, et si chers à l’armée par leurs soins, accoururent implorer le général, lui témoignant que l’honneur de leur corps en demeurerait flétri ; le coupable échappa donc. Et plus tard, quand les Anglais s’emparèrent du Caire, il les joignit, et fit cause commune avec eux ; mais, ayant renouvelé quelque brigandage de sa façon, il fut condamné par eux à être pendu, et il n’échappa que par ses imprécations contre le général en chef Bonaparte, qu’en débitant mille horreurs sur son compte, et en se proclamant authentiquement lui-même comme ayant été celui qui, par ses ordres, avait administré l’opium aux pestiférés : son pardon fut la condition et devint le prix de ses calomnies. Voilà sans doute les premières sources où puisèrent ceux qui n’ont pas été mus par la mauvaise foi.

« Du reste, le temps a déjà fait pleine justice de cette absurde calomnie, comme de tant d’autres qu’on avait entassées sur le même caractère, et il l’a fait avec une telle rapidité, qu’en relisant mon manuscrit, je me suis trouvé embarrassé de l’importance que j’avais mise à combattre un fait qu’on n’oserait plus soutenir aujourd’hui. Toutefois j’ai voulu conserver ce que j’écrivais alors, comme un témoignage de l’impression du moment, et si aujourd’hui j’y ai ajouté de nouveaux détails, c’est que je me les suis trouvés sous la main, et que j’ai pensé qu’il était précieux de les consigner comme historiques. »

M. le général Wilson, dans son erreur, s’est vanté avec complaisance d’avoir été le premier à faire connaître et propager en Europe ces odieuses atrocités. Il est à croire que sir Sidney-Smith, son compatriote, lui disputera cet honneur ; d’autant plus qu’en grande partie il pourrait réclamer avec justice celui de leur invention. C’est dans sa fabrique et dans le système de corruption qu’il avait importé dans ces parages, qu’ont pris naissance tous ces bruits mensongers qui ont inondé l’Europe, au grand détriment de notre brave armée d’Égypte.

On sait que sir Sidney ne s’occupait qu’à débaucher notre armée : les fausses nouvelles d’Europe, la diffamation du général en chef, les offres les plus séduisantes aux officiers et aux soldats, tout lui était bon : les pièces sont publiques, on connaît ses proclamations. Un moment elles inquiétèrent même assez le général français pour qu’il s’occupât d’y remédier ; ce qu’il fit en interdisant toute communication avec les Anglais, et mettant à l’ordre du jour que leur commodore était devenu fou ; ce qui fut cru dans l’armée, et désespéra sir Sidney-Smith, qui, dans sa fu-