Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome I.djvu/121

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reur, envoya un cartel à Napoléon. Celui-ci fit répondre qu’il avait de trop grandes affaires en tête pour s’occuper de si peu de chose ; que si c’était le grand Marlborough, encore passe, il verrait ; mais que si le marin anglais avait absolument besoin de brétailler, il allait neutraliser quelques toises sur la plage, et y envoyer un des bravaches de l’armée ; que là le fou de commodore pourrait débarquer, et s’en donner à cœur joie.

Mais, puisque me voilà sur l’Égypte, je vais réunir ici ce que mes conversations éparses m’ont fourni, et ce qui pourrait ne pas se trouver dans les Mémoires de la campagne d’Égypte, dictés par Napoléon au grand maréchal.

La campagne d’Italie montre tout ce que le génie et les conceptions militaires peuvent enfanter de plus brillant et de plus positif ; les vues diplomatiques, les talents administratifs, les mesures législatives, y sont constamment en harmonie avec les prodiges de guerre ; ce qui frappe encore et complète le tableau, c’est l’ascendant subit et irrésistible du jeune général ; l’anarchie de l’égalité, la jalousie républicaine, tout disparaît devant lui ; il n’est pas jusqu’à la ridicule souveraineté du Directoire qui ne semble aussitôt suspendue : le Directoire ne demande pas de comptes au général en chef de l’armée d’Italie, il les attend ; il ne lui prescrit point de plan, ne lui ordonne point de système, mais il reçoit de lui des relations de victoires, des conclusions d’armistices, des renversements d’États anciens, des créations d’États nouveaux, etc., etc.

Eh bien ! tout ce qu’on admire dans la campagne d’Italie se retrouve dans l’expédition d’Égypte. Celui qui observe et qui réfléchit trouve même que tout cela s’y élève encore plus haut, par les difficultés de tout genre qui donnent à cette expédition une physionomie particulière, et requièrent de son chef plus de ressources et de créations ; car ici tout est différent : le climat, le terrain, les habitants, leur religion, leurs mœurs, la manière de combattre, etc., etc…

Les Mémoires de la campagne d’Égypte fixeront les idées qui ne furent, dans le temps, que des conjectures et des discussions pour une partie de la société.

1° L’expédition d’Égypte fut entreprise au grand désir mutuel du Directoire et du général en chef.

2° La prise de Malte ne fut point due à des intelligences particulières, mais à la sagacité du général en chef : « C’est dans Mantoue que j’ai pris Malte, nous disait un jour l’Empereur, c’est le généreux traitement employé à l’égard de Wurmser qui me valut la soumission du grand maître et de ses chevaliers. »