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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome I.djvu/21

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on ? jusqu’à grincer des dents à l’aspect de notre calme ; et c’était pourtant là la première société, les femmes comme il faut de la ville !… Réal aurait-il donc eu raison quand il disait si plaisamment, dans les Cent-Jours, à l’Empereur, qu’en fait de jacobins il avait bien le droit de s’y connaître, et qu’il protestait que toute la différence qu’il y avait entre les noirs et les blancs était que les uns avaient porté des sabots, et que les autres allaient en bas de soie ?

Le prince Joseph, qui, à notre insu, traversait la ville, vint compliquer encore notre aventure. Il fut arrêté, mené à la préfecture, mais fort respecté.

Notre auberge donnait sur une place qui demeurait couverte d’une multitude fort agitée et très hostile ; elle nous accablait de menaces et d’injures. Je me trouvai connu du sous-préfet, ce qui lui servit à garantir qui nous étions. On visita notre voiture, et l’on nous tint à une espèce de secret. Vers quatre heures, j’obtins de me rendre auprès du prince Joseph.

Dans ma route à la préfecture, et bien que sous la garde d’un sous-officier, plusieurs individus m’abordèrent, les uns me remettant des billets en secret, d’autres me disant quelques mots à l’oreille ; tous se réunissaient pour m’assurer que nous devions être bien tranquilles, que les vrais Français veillaient pour nous.

Vers le soir on nous laissa partir, mais alors tout avait bien changé.