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Nous quittâmes notre auberge au milieu des plus vives acclamations. Des femmes du peuple, en pleurs, prenaient nos mains et les baisaient. De tous côtés chacun s’offrait à nous suivre, pour éviter, disaient-ils, un guet-apens que les ennemis de l’Empereur nous avaient dressé à quelque distance de la ville. Ce singulier changement des esprits venait de ce que beaucoup de gens des campagnes et grand nombre de fédérés étaient entrés dans la ville, et gouvernaient désormais l’opinion.


Arrivée à Rochefort.


Mardi 4.

À peu de distance de Rochefort, nous rencontrâmes de la gendarmerie qui, sur le bruit de notre mésaventure, avait été expédiée au-devant de nous. Nous arrivâmes à deux heures du matin à Rochefort ; l’Empereur y était depuis la veille[1]. Le prince Joseph y arriva le soir même, je le conduisis à l’Empereur.

Je profitai du premier instant de loisir pour donner avis au président du Conseil d’État des motifs qui m’en avaient fait absenter : Des évènements grands et rapides, lui écrivais-je, m’ont mis dans le cas de m’éloigner de Paris sans le congé nécessaire.

« La nature et la gravité des circonstances ont amené cette irrégularité. J’étais de service auprès de l’Empereur au moment de son départ. Je n’ai pu voir s’éloigner le grand homme qui nous a gouvernés avec tant de splendeur, qui se bannit pour faciliter les destinées de la patrie, auquel il ne reste aujourd’hui de la toute-puissance que sa gloire et son nom ; je n’ai pu, dis-je, le voir s’éloigner sans céder au besoin de le suivre. Au temps de la prospérité, il daigna verser sur moi quelques faveurs ; aujourd’hui je lui dois tous les sentiments et toutes les actions qui m’appartiennent, etc. »


Calme de l’Empereur.


Mercredi 5 au vendredi 7.

À Rochefort, l’Empereur ne portait plus l’habit militaire. Il était logé à la préfecture. Beaucoup de monde demeurait constamment groupé autour de la maison ; de temps à autre des acclamations se faisaient entendre.

  1. Itinéraire de l’Empereur. – Parti le 29 juin et couché à Rambouillet. – Le 30, couché à Tours. – Le 1er juillet, couché à Niort. – Le 2, il part de Niort, et arrive le 3 à Rochefort. – Séjourne jusqu’au 8. – Se rend à bord du Bellérophon le 13.