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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome I.djvu/26

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de tous. Il quittait les frégates ; elles avaient refusé de sortir, soit faiblesse de caractère de la part du commandant, soit qu’il eût reçu de nouveaux ordres de la part du gouvernement provisoire. Plusieurs pensaient que l’entreprise pouvait être tentée, avec quelques probabilités de succès : cependant il faut convenir que les vents furent constamment défavorables.


Appareillage des Chasse-Marée.


Jeudi 13.

Le prince Joseph est venu dans le jour voir son frère à l’île d’Aix. L’Empereur, vers onze heures du soir, est à l’instant de se jeter dans les chasse-marée. Deux appareillent avec plusieurs de ses paquets et de ses gens ; M. de Planat était sur l’un d’eux.


Seconde entrevue à bord du Bellérophon. – Lettre de Napoléon au prince régent.


Vendredi 14.

Je retourne à quatre heures du matin, avec le général Lallemand, à bord du Bellérophon, pour savoir s’il n’était arrivé aucune réponse. Le capitaine anglais nous dit qu’il l’attendait à chaque minute, et il ajouta que si l’Empereur voulait dès cet instant s’embarquer pour l’Angleterre, il avait autorité de le recevoir pour l’y conduire. Il ajouta encore que, d’après son opinion privée, et plusieurs autres capitaines présents se joignirent à lui, il n’y avait nul doute que Napoléon ne trouvât en Angleterre tous les égards et les traitements auxquels il pouvait prétendre ; que, dans ce pays, le prince et les ministres n’exerçaient pas l’autorité arbitraire du continent ; que le peuple anglais avait une générosité de sentiments et une libéralité d’opinions supérieure à la souveraineté même. Je répondis que j’allais faire part à l’Empereur de l’offre du capitaine anglais et de toute sa conversation ; j’ajoutai que je croyais assez connaître l’empereur Napoléon pour penser qu’il ne serait pas éloigné de se rendre de confiance en Angleterre, même dans la vue d’y trouver les facilités de continuer sa route vers les États-Unis. Je peignis la France, au midi de la Loire, tout en feu ; les espérances des peuples se tournant toujours vers Napoléon, tant qu’il serait présent ; les propositions qui lui étaient faites de tous côtés, à chaque instant ; sa détermination absolue de ne servir ni de cause ni de prétexte à la guerre civile ; la générosité qu’il avait eue d’abdiquer pour rendre la paix plus facile ; la ferme résolution