Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome I.djvu/302

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ennemie. Toutefois, au retour de l’île d’Elbe, madame de Staël écrivit ou fit dire à l’Empereur, lui exprimant à sa manière tout l’enthousiasme que venait de lui causer ce merveilleux évènement, qu’elle était vaincue, que ce dernier acte n’était pas d’un homme, qu’il plaçait dès cet instant son auteur dans le ciel. Puis, en se résumant, elle finissait par insinuer que si l’Empereur daignait laisser payer les deux millions déjà ordonnancés par le roi en sa faveur, elle lui consacrerait à jamais sa plume et ses principes. L’Empereur lui fit répondre que rien ne le flatterait plus que son suffrage, car il appréciait tout son talent ; mais qu’en vérité il n’était pas assez riche pour le payer tout ce prix.


Mon nouveau logement, etc. – Description – Visite matinale, etc..


Dimanche 21.

J’étais enfin venu dans le logement qu’on avait bâti pour me tirer de mon étuve. Sur un terrain constamment humide on avait posé un plancher de dix-huit pieds de long sur onze de large ; on l’avait environné d’un mur d’un pied d’épaisseur, formé d’une espèce de pisé ou de torchis qu’on eût pu abattre d’un coup de pied ; à la hauteur de sept pieds on l’avait abrité d’une toiture en planches recouvertes de papier goudronné : tel était l’ensemble et le contour de mon nouveau palais ; partagé en deux pièces, dont l’une renfermait juste deux lits séparés par une commode, et ne pouvait admettre qu’un seul, siège ; l’autre, tout à la fois mon salon et mon cabinet, avait une seule fenêtre scellée à demeure, à cause de la violence des vents et de la pluie ; à droite et à gauche d’elle deux tables à écrire pour moi et mon fils, un canapé en face et deux sièges ; voilà tout l’emménagement et le mobilier. Qu’on ajoute que l’exposition des deux fenêtres était tournée vers un vent constamment de la même direction, et la plupart du temps au degré de tempête et vers des pluies très communes et fort souvent battantes, qui pénétraient déjà par les ouvertures ou filtraient par le toit et les murs avant que nous fussions venus nous y établir, et l’on aura la description complète de ma demeure.

Je venais de passer ma première nuit dans ce lieu nouveau, je ne me portais pas bien, et le changement de lit m’avait privé de tout sommeil ; on vint me prévenir, sur les sept heures, que l’Empereur allait monter à cheval ; je répondis que, me sentant incommodé, j’allais essayer de reposer ; mais peu de minutes s’étaient écoulées que quelqu’un, entrant brusquement dans ma chambre, vint ouvrir mes rideaux avec autorité, trouva mauvais que je fusse aussi paresseux, décida qu’on devait secouer