Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome I.djvu/355

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’Empereur a dit : « Je ne suis pas du tout surpris de cette tentative en Espagne : à mon retour de l’île d’Elbe, ceux des Espagnols qui s’étaient montrés les plus acharnés contre mon invasion, qui avaient acquis le plus de renommée dans la résistance, s’adressèrent immédiatement à moi : ils m’avaient combattu, disaient-ils, comme leur tyran ; ils venaient m’implorer comme un libérateur. Ils ne me demandaient qu’une légère somme, disaient-ils, pour s’affranchir eux-mêmes, et produire dans la Péninsule une révolution semblable à la mienne. Si j’eusse vaincu à Waterloo, j’allais les secourir. Cette circonstance m’explique la tentative d’aujourd’hui. Nul doute qu’elle ne se renouvelle encore. Ferdinand, dans sa fureur, a beau vouloir serrer avec rage son sceptre, un de ces beaux matins il lui glissera de la main comme une anguille. »

Les gazettes finies, l’Empereur, dans son oisiveté, feuilletait mon Atlas ; j’ai eu la grande satisfaction de le voir enfin s’arrêter sur les tableaux généalogiques ; ce que je désirais depuis bien longtemps, car il les passait toujours. J’ai analysé devant lui, sur le tableau de l’Angleterre, la fameuse guerre de la Rose Rouge et de la Rose Blanche, inintelligible pour le grand nombre des lecteurs sans le secours de pareils tableaux. Il a été frappé de leur utilité, et s’est mis alors à en parcourir un grand nombre d’autres ; il remarquait, à celui de Russie, qu’il serait bien difficile, sans un tel secours, de suivre l’ordre irrégulier de succession des derniers souverains ; et il a été fort surpris, à celui de France, de la démonstration singulière qu’en dépit de sept ou huit applications de la loi salique Louis XVI eût encore régné comme si cette loi salique n’eût point existé.

L’Empereur s’arrêtait beaucoup sur l’encadrement rigoureux et complet de ces tableaux ; il ne revenait pas de la quantité de points de ralliements qui s’y trouvaient indiqués en un aussi petit espace : l’ordre numérique du souverain, son degré de génération, l’ensemble de toute sa parenté, etc., etc., et il me répétait alors ce qu’il m’avait déjà dit ou à peu près, que s’il les eût bien connus dans le temps il m’eut fait venir pour obtenir de moi un format plus commode, moins coûteux, et en faire la pâture des lycées.

Il ajoutait qu’il eût voulu voir toutes les histoires réimprimées avec de tels documents à l’appui, pour leur intelligence. Je lui disais que j’avais eu la même idée, qu’elle avait déjà été exécutée sur l’histoire d’Angleterre par Hume, et que, sans nos derniers évènements, elle allait l’être sur l’histoire d’Allemagne de Pfeffeld, sur celle de France de Hainaut, et sur une histoire des trois couronnes du Nord, etc.

Sur les quatre heures, j’ai présenté à l’Empereur le capitaine de la