Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome I.djvu/378

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Naples, reposaient encore sur l’importance et la grandeur de Louis XIV, mêlées à la boursouflure et à l’exagération des Castillans et des Maures. Elles étaient tristes et ridicules ; celle de Pétersbourg avait pris la couleur et les formes des salons ; à Vienne, elle était devenue bourgeoise ; et il ne restait pas de vestiges du bel esprit, des grâces et du bon goût de celle de Versailles.

Napoléon, arrivant à la souveraine puissance, trouva donc, ainsi qu’on le dit vulgairement, terre rase et maison nette, et put composer une cour tout à fait à son gré. Il rechercha, dit-il, un milieu raisonnable, voulant accorder la dignité du trône avec nos mœurs nouvelles, et surtout faire servir cette création à l’amélioration des manières des grands et à l’industrie du peuple. Certes, ce n’était pas une petite affaire que de relever un trône sur le terrain même où l’on avait juridiquement exécuté le monarque régnant, et où chaque année l’on avait juré constitutionnellement la haine des rois. Ce n’était pas une petite affaire que de rétablir les dignités, les titres, les décorations, au milieu d’un peuple qui combattait et triomphait depuis quinze ans pour les proscrire. Toutefois Napoléon, qui semblait toujours faire ce qu’il voulait, disait-il, parce qu’il avait l’art de vouloir juste et à propos, enleva de haute lutte ces difficultés. On le fit Empereur, il créa des grands et se composa une cour. Bientôt la victoire sembla prendre le soin elle-même d’affermir et d’illustrer subitement ce nouvel ordre de choses. Toute l’Europe le reconnut, et il fut même un moment où l’on eût dit que toutes les cours du continent étaient accourues à Paris pour composer celle des Tuileries, qui devint la plus brillante et la plus nombreuse que l’on eût jamais vue. Elle eut des cercles, des ballets, des spectacles ; on y étala une magnificence et une grandeur extraordinaires. La seule personne du souverain conserva toujours une extrême simplicité, qui servait même à le faire reconnaître. C’est que ce luxe, ce faste, qu’il encourageait autour de lui, étaient dans ses combinaisons, disait-il, non dans ses goûts. Ce luxe, ce faste, étaient calculés pour exciter et payer nos manufactures et notre industrie nationale. Les cérémonies et les fêtes du mariage de l’impératrice, et celles du baptême du roi de Rome, ont laissé bien loin derrière tout ce qui les a devancées, et ne se renouvelleront probablement jamais. L’Empereur prit à tâche de rétablir au-dehors tout ce qui pouvait le mettre en harmonie avec les autres cours de l’Europe ; mais au-dedans il eut le soin constant d’ajuster les formes anciennes avec nos nouvelles mœurs.

Ainsi il rétablit les levers et les couchers de nos rois ; mais, au lieu