Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome I.djvu/407

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gociations, il n’y en a point. Je prévois une lutte difficile, une longue guerre. Pour la soutenir, il faut que la nation m’appuie ; mais en récompense elle exigera de la liberté : elle en aura… La situation est neuve. Je ne demande pas mieux que d’être éclairé. Je vieillis ; l’on n’est plus à quarante-cinq ans ce qu’on était à trente. Le repos d’un roi constitutionnel peut me convenir. Il conviendra plus sûrement encore à mon fils. » (Minerve française, 94e livr.)

Mercredi 13.

L’Empereur a fait dire au grand maréchal d’écrire à l’amiral pour savoir si une lettre que lui Napoléon écrirait au prince régent lui serait envoyée.


Injure à l’Empereur et au prince de Galles – Exécution de Ney – Évasion de Lavalette.


Jeudi 14, vendredi 15.

Nous avons reçu la réponse de l’amiral ; après avoir commencé, selon son protocole ordinaire, par dire qu’il ne connaissait personne du titre d’Empereur à Sainte-Hélène, il marquait qu’il enverrait la lettre mentionnée au prince régent, sans doute, mais qu’il s’en tiendrait à la lettre de ses instructions, qui portaient de ne laisser partir aucun papier pour l’Angleterre, qu’il n’eût été ouvert et lu par lui.

Cette lettre, il faut l’avouer, nous jeta dans une grande surprise ; la partie des instructions citées par l’amiral avait deux objets, tous deux étrangers à l’interprétation que lui donnait cet officier.

Le premier était, au cas que nous fissions des plaintes, pour que les autorités locales pussent y joindre leurs observations, et que le gouvernement, en Angleterre, pût nous rendre justice plus promptement, sans être obligé de renvoyer dans l’île pour demander des renseignements ultérieurs ; cette précaution était donc tout à fait dans nos intérêts. Le second objet de cette mesure était pour que notre correspondance ne pût être nuisible aux intérêts du gouvernement ou de la politique d’Angleterre. Mais nous écrivions au souverain, au chef, à l’homme même de ces intérêts et de ce gouvernement ; et si quelqu’un conspirait ici, ce n’était pas nous qui lui écrivions, mais bien celui qui interceptait notre lettre, ou prétendait en violer le secret. Qu’on établît auprès de nous des geôliers avec tout leur attirail, sans le trouver juste, cela nous paraissait possible ; mais que ces geôliers fissent réagir leur fonction jusque sur leur souverain même, c’est ce qui nous semblait n’avoir pas de nom ; c’était entacher celui-ci tout à fait de l’idée de roi fainéant ou de sultan renfermé dans le fond du sérail ; c’était une véritable monstruosité dans nos mœurs européennes !

Depuis longtemps nous avions peu ou point de rapports avec l’amiral. Quelqu’un pensa que la mauvaise humeur peut-être avait dicté sa