les curiosités qu’ils nous ont fournis depuis. L’Empereur disait que si Rome fût restée sous sa domination, elle fût sortie de ses ruines ; il se proposait de la nettoyer de tous ses décombres, de restaurer tout ce qui eût été possible, etc. Il ne doutait pas que, le même esprit s’étendant dans le voisinage, il eût pu en être en quelque sorte de même d’Herculanum et de Pompeïa.
Le déjeuner fini, l’Empereur a envoyé mon fils chercher le volume de Crevier qui renferme les catastrophes d’Herculanum et de Pompeïa, et nous les a lues, ainsi que la mort et le caractère de Pline. Il s’est retiré vers midi pour prendre du repos.
Sur les six heures, nous avons fait en calèche notre course d’habitude ; l’Empereur avait fait monter avec lui M. et Mme Skelton, qui étaient venus lui faire visite.
Au retour, l’Empereur, chassé du jardin par l’humidité, a été voir le général Gourgaud, qui se rétablit rapidement. Après le dîner, en quittant la table et rentrant dans le salon, nous n’avons pu nous empêcher de revenir sur le repas que nous venions de faire ; rien à la lettre n’avait été mangeable : le pain mauvais, le vin impotable, la viande dégoûtante et malsaine ; on est obligé d’en renvoyer souvent ; on tient, malgré les représentations, à nous la fournir tuée, parce que c’est le moyen de nous faire passer les animaux morts. L’Empereur, choqué de ce tableau, n’a pu s’empêcher de dire avec chaleur : « Sans doute il est bien des individus dans une condition physique pire encore ; mais cela ne nous ôte pas le droit de juger la nôtre, ni les traitements infâmes dont on nous entoure ! Les mauvais procédés du gouvernement anglais ne se sont point bornés à nous envoyer ici, ils se sont étendus jusqu’au choix des individus auxquels on a remis nos personnes et nos besoins ! Pour moi, je souffrirais moins si j’étais sûr qu’un jour quelqu’un le divulguât à l’univers, de manière à entacher d’infamie ceux qui en sont coupables ! Mais parlons d’autre chose, a-t-il dit ; quel jour est aujourd’hui ? » Quelqu’un a dit : « Le 19 mars. – Quoi, s’est-il écrié, la veille du 20 mars ! » Et après quelques secondes : « Mais parlons encore d’autre chose. » Il a envoyé chercher un volume de Racine ; il a d’abord commencé la comédie des Plaideurs ; mais, après une ou deux scènes, il nous a lu Britannicus. La lecture finie et le juste tribut d’admiration payé, il a dit qu’on reprochait ici à Racine un dénouement trop prompt ; qu’on ne pressentait pas d’assez loin l’empoisonnement de Britannicus. Il a fort loué la vérité du caractère de Narcisse, observant que c’était toujours en blessant l’amour-propre des princes qu’on influait le plus sur leurs déterminations.