reur était dans le bain, que les douleurs reprirent, et que l’accoucheur vint, la tête perdue, lui dire qu’il était le plus malheureux des hommes, que sur mille couches qui arrivaient dans Paris, il ne s’en présentait pas de plus difficile. L’Empereur, se rhabillant à la hâte, le rassurait en lui disant qu’un homme qui savait son métier serait impardonnable de perdre la tête ; qu’il n’y avait rien ici qui dût le troubler ; qu’il n’avait qu’à se figurer qu’il accouchait une bourgeoise de la rue Saint-Denis ; que la nature n’avait pas deux lois ; qu’il était bien sûr qu’il ferait pour le mieux, et qu’il n’aurait à craindre surtout aucun reproche. On lui représenta qu’il y avait un grand danger pour la mère ou pour l’enfant. « Avec la mère, répondit-il sans hésiter, j’aurai un autre enfant. Conduisez-vous ici comme si vous attendiez le fils d’un savetier. »
Arrivé auprès de l’impératrice, il put s’assurer qu’elle était réellement en danger ; l’enfant se présentait mal, et tout portait à croire qu’il serait étouffé.
L’Empereur demanda à Dubois pourquoi il ne l’accouchait pas. Celui-ci s’en défendit, ne le voulant, disait-il, qu’en présence de Corvisart, qui n’était pas encore arrivé. « Mais que vous dira-t-il ? disait l’Empereur. Si c’est un témoin ou une justification que vous vous réservez, me voilà, moi. » Dubois alors, mettant bas son habit, se mit au travail. À l’aspect des fers, l’impératrice poussa des cris douloureux, s’écriant qu’on voulait la tuer. Elle était fortement tenue par l’Empereur, madame de Montesquiou, Corvisart, qui venait d’entrer, etc.[1]. Madame de Montesquiou saisit adroitement l’occasion de la rassurer, en lui disant qu’elle s’était trouvée elle-même plus d’une fois dans cette situation.
Cependant l’impératrice se persuadait toujours qu’on en usait différemment avec elle qu’avec toute autre, et répétait souvent : « Parce que je suis impératrice, me sacrifiera-t-on ! » Elle est convenue depuis avec l’Empereur que cela avait été réellement sa crainte. Enfin on la délivra. Le péril avait été si grand que toute l’étiquette, dit l’Empereur, qui avait été recherchée et arrêtée à ce sujet, fut mise de côté, et l’enfant posé à l’écart sur le plancher pendant qu’on ne s’occupait uniquement que de
- ↑ Cette scène se passait en présence de vingt-deux personnes :
L’Empereur ;
Dubois, Corvisart, Bourdier et Ivan ;
Mesdame de Montebello, de Luçai et de Montesquiou ;
Les six premiers dames d’annonces : Ballant, Deschamps, Durand, Hureau, Nabusson et Gérard ;
Cinq femmes de chambre : Mesdemoiselles Honoré, Édouard, Barbier, Aubert et Geoffroy ;
La garde madame Blaise et deux filles de garde-robe.