Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome I.djvu/552

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qui lui avait coûté du monde, et que beaucoup de soldats autrichiens entrés dans les hôpitaux ne sont pas compris dans le nombre des prisonniers. Les rapports ne marquent que vingt-trois mille prisonniers : le vrai est que les Français en firent plus de trente mille ; c’est qu’en général l’armée gardait mal ses prisonniers ; elle en laissait échapper un grand nombre. Le cabinet de Vienne avait organisé des administrations en Suisse et sur les routes pour favoriser leur désertion. On peut calculer qu’un quart des prisonniers se sauvait avant d’être arrivé au quartier-général central ; un autre quart avant de parvenir en France, où il n’en arrivait guère qu’une moitié. Beaucoup aussi s’encombraient dans les hôpitaux.

2° Si, dans le rapport officiel, Bessières ne présenta au Directoire que soixante-et-onze drapeaux, c’est que les méprises communes dans les mouvements d’un grand état-major en retinrent treize en arrière. On les trouva dans le nombre de ceux que présenta Augereau après la prise de Mantoue.

3° Des soixante drapeaux qu’Augereau présenta au Directoire, treize étaient un reste des trophées de Rivoli et de la Favorite qu’aurait dû présenter Bessières. Les quarante-sept autres furent trouvés dans Mantoue, et font connaître les nombreux cadres de l’armée de Wurmser qui s’étaient renfermés dans cette place. Le choix d’Augereau pour porter ces drapeaux fut la récompense des services qu’il avait rendus à l’armée, surtout à la journée de Castiglione. Cependant il eût été plus naturel encore de les envoyer par Masséna, qui avait des titres bien supérieurs. Mais le général en chef comptait beaucoup plus sur celui-ci pour sa campagne d’Allemagne, et ne voulut point s’en séparer. Il en est qui ont cru que Napoléon s’apercevant qu’on affectait d’élever outre mesure le général Augereau, fut bien aise, en l’envoyant à Paris, de mettre chacun à même d’apprécier justement le caractère et les talents de cet officier, qui ne pouvait que perdre à l’épreuve. D’autres ont pensé, au contraire, que le général en chef avait eu pour but de fixer les regards de Paris sur un de ses lieutenants. Augereau était Parisien.


Troisième jour de réclusion – Beau résumé de l’histoire de l’Empereur par lui-même.


Mercredi 1er mai.

L’Empereur n’est pas plus sorti de sa chambre que la veille. Je me suis trouvé malade de la course de Briars ; j’ai eu un peu de fièvre et une forte courbature. Sur les sept heures du soir, l’Empereur m’a fait venir dans sa chambre. Il lisait Rollin, que, selon sa coutume, il disait beaucoup trop bonhomme. Il ne semblait pas avoir souffert, et me di-