Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome I.djvu/57

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cap Finistère. Le vent était favorable, mais faible ; la saison fort chaude ; nos journées des plus monotones. L'Empereur déjeunait dans sa chambre, à des heures irrégulières. Nous, les Français, déjeunions à dix heures, à notre manière ; les Anglais avaient déjeuné à huit heures, à la leur.

L’Empereur, dans la matinée, appelait quelqu’un de nous tour à tour, pour connaître le journal du vaisseau, les lieues parcourues, l’état du vent, les nouvelles, etc., etc. Il lisait beaucoup, s’habillait vers quatre heures, et passait alors dans la salle commune, où il jouait aux échecs avec un de nous ; à cinq heures, l’amiral, venu de sa chambre quelques instants auparavant, lui disait qu’on était servi.

Tout le monde sait que l’Empereur n’était guère plus d’un quart d’heure à dîner : ici, les deux services seulement tenaient d’une heure à une heure et demie ; c’était pour lui une des contrariétés les plus pénibles, bien qu’il n’en témoignât jamais rien ; sa figure, ses gestes, toute sa personne, étaient constamment impassibles. Cette cuisine nouvelle, la différence des mets, leur qualité, n’ont jamais obtenu de lui ni approbation ni rebut ; jamais il n’a exprimé ni désir ni contrariété ; il était servi par ses deux valets de chambre, placés derrière lui. Dans le principe, l’amiral voulait lui offrir de toutes choses ; mais il suffit du simple remerciement de l’Empereur, et