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en fut vraiment affecté dans le temps, répétant plusieurs fois : « Quoi ! Bertholet ! mon ami Bertholet !… Bertholet sur lequel j’aurais dû tant compter ! »

Au retour de l’île d’Elbe, Bertholet sentit se réveiller ses sentiments pour son bienfaiteur ; il se hasarda à reparaître aux Tuileries, faisant dire par Monge à l’Empereur que, s’il n’en obtenait un regard, il se tuerait à la porte en sortant. Et l’Empereur ne crut pas pouvoir lui refuser un sourire en passant devant lui.

L’Empereur, durant son règne, avait répété sa noble et généreuse obligeance en faveur de plusieurs gros manufacturiers. Il voulait chercher leur article, mais toutes les voix se sont élevées pour témoigner en leur faveur.


Réception des passagers de la flotte de Bengale.


Mardi 14.

Vers les quatre heures, il nous est arrivé un très grand nombre de visiteurs ; c’étaient les passagers de la flotte des Indes, que l’Empereur avait consenti à recevoir. On comptait parmi eux un M. Strange, beau-frère de lord Melvil, ministre de la marine d’Angleterre ; un M. Arbuthnot ; sir Williams Burough, un des juges de la cour suprême de Calcutta ; deux aides de camp de lord Moira ; d’autres encore, parmi lesquels plusieurs femmes. Nous étions tous à causer dans la salle d’attente. L’Empereur, sortant de sa chambre pour gagner le jardin, a excité parmi nos visiteurs un empressement extrême. Ils se sont précipités aux fenêtres pour le voir passer ; cela nous rappelait tout à fait Plymouth. Le grand maréchal a conduit toutes ces personnes à l’Empereur, qui les a reçues avec une grâce parfaite et ce sourire qui exerce tant d’empire. L’avidité était dans les regards de tous, l’émotion sur la figure de plusieurs.

L’Empereur a parlé à chacun d’eux, connaissant, suivant sa coutume, ce qui se rattachait à certains noms à mesure qu’il les entendait. Il a beaucoup parlé législation et justice avec le juge suprême ; commerce et administration avec les officiers de la compagnie ; a questionné les militaires sur leurs années de service et leurs blessures ; a dit à deux de ces dames des choses fort aimables sur leurs figures et leur teint respecté par les fournaises du Bengale ; puis, s’adressant à l’un des aides de camp de lord Moira, il lui a dit que son grand maréchal lui avait appris que lady Loudon était dans l’île ; que si elle eût été en dedans de ses limites il se fût fait un vrai plaisir de lui faire sa cour, mais