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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome I.djvu/61

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recueilli plus tard dans la foule des conversations éparses qui ont suivi, me proposant en cela de présenter de suite et réuni tout ce que j’ai noté de remarquable sur ce sujet. C’est peut-être ici le lieu de dire ou de répéter une fois pour toutes que si dans ce Journal on trouve peu d’ordre, aucune méthode, c’est que le temps me presse ; que mes contemporains attendent, désirent, et que mon état de santé m’interdit toute application : je crains de n’avoir pas le temps de finir. Voilà mes trop bonnes excuses, mes vrais titres à l’indulgence sur le style de la narration et l’ordonnance des objets : je reproduis à la hâte ce que je retrouve ; j’en demeure à peu près au premier jet.

Le nom de Bonaparte s’écrit indistinctement Bonaparte ou Buonaparte, ainsi que le savent tous les Italiens. Le père de Napoléon écrivait Buonaparte ; un oncle de celui-ci, l’archidiacre Lucien, qui lui a survécu et a servi de père à Napoléon et à tous ses frères, écrivait, sous le même toit et dans le même temps, Bonaparte. Napoléon, durant toute sa jeunesse, a signé Buonaparte, comme son père. Arrivé au commandement de l’armée d’Italie, il se donna bien de garde d’altérer cette orthographe, qui était plus spécialement la nuance italienne ; mais plus tard, et au milieu des Français, il voulut la franciser, et ne signa plus que Bonaparte.

Cette famille a joué longtemps un rôle distingué en Italie ; elle a été puissante à Trévise ; on la trouve inscrite sur le Livre d’or de Bologne et parmi les patrices florentins.

Lorsque Napoléon, alors général de l’armée d’Italie, entra vainqueur dans Trévise, les chefs de la ville vinrent joyeusement au-devant de lui, et lui présentèrent les titres et les actes qui prouvaient que sa famille y avait joué un grand rôle.

À l’entrevue de Dresde, avant la campagne de Russie, l’empereur François apprit un jour à l’empereur Napoléon, son gendre, que sa famille avait été souveraine à Trévise ; qu’il en était bien sûr, parce qu’il s’en était fait représenter tous les documents. Napoléon lui répondit en riant qu’il n’en voulait rien savoir, qu’il préférait bien plutôt être le Rodolphe d’Hapsbourg de sa famille. François y attachait plus d’importance ; il lui disait qu’il était bien indifférent d’avoir été riche et de devenir pauvre ; mais qu’il était sans prix d’avoir été souverain, et qu’il fallait le dire à Marie-Louise, à qui cela ferait grand plaisir.

Lorsque Napoléon, dans la campagne d’Italie, entra dans Bologne, Marescalchi, Caprara et Aldini, depuis si connus en France, députés du sénat de leur ville, vinrent lui présenter avec complaisance leur