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Détails du gouverneur sur les dépenses à Longwood, etc. – Anecdote travestie par Goldsmith – Gaieté.


Vendredi 28, samedi 29.

Le gouverneur était entré chez le grand maréchal, et lui avait fait pressentir vaguement des réductions à Longwood. Il avait naïvement exprimé qu’on avait pensé à Londres que la liberté qui nous avait été offerte de revenir en Europe eût diminué de beaucoup l’entourage de l’Empereur. Il avait dit aussi, sans que le grand maréchal pût bien le comprendre, que si nous avions de la fortune à nous, nous pouvions nous aider de notre argent, et tirer sur nous-mêmes, ainsi que je l’avais déjà fait, faisait-il observer, etc., etc. Il a dit que son gouvernement n’avait entendu donner à l’Empereur qu’une table journalière de quatre personnes au plus, et de ne lui permettre qu’un dîner prié par semaine… Quels détails !… Aurait-il eu la pensée d’insinuer que, quant à nous, nous devions payer pension, et entrer à l’avenir pour quelque chose dans la dépense de la maison ? Qu’on ne le regarde pas comme incroyable ; nous apprenons journellement ici à croire que tout est possible.

Dans un autre moment, l’Empereur, revenant sur une lecture qu’il venait de faire, et où se trouvait l’histoire d’une Irlandaise au sujet de laquelle Goldsmith le maltraitait fort, se rappelait très bien, disait-il, que, se rendant à Bayonne au château de Marrach, à la fête que lui donna la ville de Bordeaux, il vit aux côtés de l’impératrice Joséphine une figure charmante, de la plus grande beauté ; il en fut vivement frappé. On ne fut pas sans s’apercevoir de l’impression qu’elle avait causée. Elle avait été prévue et ménagée à dessein. « Et Dieu sait, dit l’Empereur, pour quelles intentions. C’était une nouvelle lectrice de l’impératrice Joséphine. Cette jeune personne suivit donc au château de Marrach, et elle n’eût pas manqué de faire de grands progrès. Elle occupait déjà véritablement la pensée, quand celui qui avait le secret des postes vint détruire le charme, en m’envoyant directement une lettre adressée à la jeune personne. Cette lettre était de sa mère ou de sa tante, laquelle était Irlandaise ; on y stylait la petite personne, on lui traçait le rôle qu’elle devait jouer, on lui recommandait de l’adresse, et on insistait surtout pour qu’elle ne manquât pas de se ménager à propos et à tout prix des traces vivantes qui pussent prolonger sa faveur ou lui réserver de grands rapports d’intérêt. À cette lecture, toute illusion s’évanouit, disait l’Empereur ; la saleté de l’in-