Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome I.djvu/97

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La nuit qui suivit cette journée, Napoléon se présenta au comité des Quarante, qui était en permanence aux Tuileries. Il avait besoin de tirer des mortiers et des munitions de Meudon ; la circonspection du président (Cambacérès) était telle que, malgré les dangers qui avaient signalé la journée, il n’en voulut jamais signer l’ordre ; mais seulement, et par accommodement, il invita à mettre ces objets à la disposition du général.

Pendant son commandement de Paris, qui suivit la journée du 13 vendémiaire, Napoléon eut à lutter surtout contre une grande disette, qui donna lieu à plusieurs scènes populaires. Un jour entre autres que la distribution avait manqué, et qu’il s’était formé des attroupements nombreux à la porte des boulangers, Napoléon passait, avec une partie de son état-major, pour veiller à la tranquillité publique ; un gros de la populace, des femmes surtout, le pressent, demandant du pain à grands cris ; la foule s’augmente, les menaces s’accroissent, et la situation devient des plus critiques. Une femme monstrueusement grosse et grasse se fait particulièrement remarquer par ses gestes et par ses paroles : « Tout ce tas d’épauletiers, crie-t-elle en apostrophant ce groupe d’officiers, se moquent de nous ; pourvu qu’ils mangent et qu’ils s’engraissent, il leur est fort égal que le pauvre peuple meure de faim. » Napoléon l’interpelle : « La bonne, regarde-moi bien, quel est le plus gras de nous deux ? » Or, Napoléon