Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome I.djvu/99

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pourtant en lui rien d’injurieux ; mais c’en fut assez, à partir de là je n’ai jamais été tenté de franchir la distance qui m’avait été imposée. » Et certes Decrès n’était pas timide.

Un autre signe caractéristique du généralat de Napoléon, c’est l’habileté, l’énergie, la pureté de son administration ; sa haine constante pour les dilapidations, le mépris absolu de ses propres intérêts. « Je revins de la campagne d’Italie, nous disait-il un jour, n’ayant pas trois cent mille francs en propre ; j’eusse pu facilement en rapporter dix ou douze millions, ils eussent bien été les miens ; je n’ai jamais rendu de comptes, on ne m’en demanda jamais. Je m’attendais, au retour, à quelque grande récompense nationale : il fut question, dans le public, de me doter de Chambord ; j’eusse été très avide de cette espèce de fortune, mais le Directoire fit écarter la chose. Cependant j’avais envoyé en France cinquante millions au moins pour le service de l’État. C’est la première fois, dans l’histoire moderne, qu’une armée fournit aux besoins de la patrie, au lieu de lui être à charge. »

Lorsque Napoléon traita avec le duc de Modène, Salicetti, commissaire du gouvernement auprès de l’armée, avec lequel il avait été assez mal jusque-là, vint le trouver dans son cabinet. « Le commandeur d’Est, lui dit-il, frère du duc, est là avec quatre millions en or dans quatre caisses : il