Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/13

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choqué qu’il me proposait de repartir immédiatement pour Paris.

« Nous, les émigrés, qui composions le rassemblement dans l’intention d’être utiles ou de nous rendre importants, nous nous placions trois ou quatre, à tour de rôle, en espèce de service régulier auprès du prince, nuit et jour ; car déjà nous ne rêvions que complots et assassinats, tant nous nous regardions comme puissants et à craindre ; et en descendant cette espèce de garde volontaire, nous avions l’honneur d’être admis à la table du prince. Trois générations de Condé en faisaient l’ornement, circonstance singulière qui s’est renouvelée avec plus d’éclat à l’armée de Condé, où le grand-père combattait au centre, tandis que le fils et le petit-fils conduisaient la droite et la gauche, où ils étaient blessés, je crois, tous deux et le même jour.

« La princesse de Monaco avait suivi le prince de Condé : il l’a épousée depuis ; mais dès lors elle gouvernait déjà sa maison et en faisait les honneurs. Nous avons pu entendre à cette table des convives dire et redire au prince que nous n’étions déjà que trop pour entrer en France ; que son nom et un mouchoir blanc suffisaient ; que l’étoile des Condé allait enfin reparaître ; que l’occasion était unique, qu’il fallait la saisir ; et je ne garantirais pas qu’on ne fût venu à bout de suggérer au prince des vues personnelles très élevées.