Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/271

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en étendue de côtes bien plus que l’Angleterre. Elles se sont désunies ; l’Angleterre a combattu séparément leur marine ; elle a triomphé sur toutes les mers, toutes les marines ont été détruites. La Russie, la Suède, la France, l’Espagne, qui ont tant de moyens d’avoir des vaisseaux et des matelots, n’osent hasarder une escadre hors de leur rade. Ce n’est donc plus d’une confédération des puissances maritimes, confédération, d’ailleurs, qu’il serait impossible de faire subsister à cause des distances et des croisements d’intérêts, que l’Europe peut attendre sa libération maritime et un système de paix qui ne pourra s’établir que par la volonté de l’Angleterre.

« Cette paix, je la veux par tous les moyens conciliables avec la dignité de la puissance de la France ; je la veux au prix de tous les sacrifices que peut permettre l’honneur national. Chaque jour je sens qu’elle devient plus nécessaire ; les princes du continent la désirent autant que moi ; je n’ai contre l’Angleterre ni prévention passionnée ni haine invincible. Les Anglais ont suivi contre moi un système de répulsion ; j’ai adopté le système continental beaucoup moins, comme le supposent mes adversaires, par jalousie d’ambition, que pour amener le cabinet anglais à en finir avec nous. Que l’Angleterre soit riche et prospère, peu m’importe, pourvu que la France et ses alliés le soient comme elle.

« Le système continental n’a donc d’autre but que d’avancer l’époque où le droit public sera définitivement assis pour l’empire français et pour l’Europe. Les souverains du Nord maintiennent sévèrement le régime prohibitif ; leur commerce y a singulièrement gagné : les fabriques de la Prusse peuvent rivaliser avec les nôtres. Vous savez que la France et le littoral qui fait aujourd’hui partie de l’empire, depuis le golfe de Lyon jusqu’aux extrémités de l’Adriatique, sont absolument fermés aux produits de l’industrie étrangère. Je vais prendre un parti dans les affaires d’Espagne, qui aura pour résultat d’enlever le Portugal aux Anglais et de mettre au pouvoir de la politique française les côtes que l’Espagne a sur les deux mers. Le littoral entier de l’Europe sera fermé aux Anglais, à l’exception de celui de la Turquie. Mais comme les Turcs ne trafiquent point en Europe, je ne m’en inquiète pas.

« Voyez-vous par cet aperçu quelles seraient les funestes conséquences des facilités que la Hollande donnerait aux Anglais pour introduire leurs marchandises sur le continent ? Elle leur procurerait l’occasion de lever sur nous-mêmes les subsides qu’ils offriraient ensuite à certaines puissances pour nous combattre ; Votre Majesté est plus intéressée que