Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/309

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Observation. Ceci ne regarde pas l’Empereur, qui n’écrit ni ne reçoit de lettres ; en conséquence, on ne demande qu’une explication. Regarderait-on comme un délit ce que ses officiers pourraient écrire dans des lettres confidentielles à leurs connaissances ? ou lorsque ceux qui doivent lire ces lettres se seront convaincus que leur contenu ne renferme rien de contraire à la sûreté de l’État ou à sa politique, oublieraient-ils le contenu de ces lettres de manière à ce qu’elles ne soient jamais le sujet de conversations ou d’abus !!!

S’il n’en était ainsi, toute correspondance doit être considérée comme défendue. La saisie commise sur la personne du comte de Las Cases justifie amplement cette observation.

Le but de cet article, comme l’a prouvé l’inquisition exercée dans toute l’île, est que les papiers-nouvelles n’informent pas l’Europe de la conduite criminelle que l’on suit ici. On se donnera bien de la peine pour obtenir ce résultat. Il eût été bien plus simple de se conduire de manière à n’avoir rien à cacher. On alla bien plus loin dans une lettre datée du 1er juillet 1816, adressée au comte Bertrand ; on défendit même des communications verbales avec les habitants : c’est le délire de la passion et de la haine, ou plutôt une preuve manifeste de folie. Ce règlement est un léger exemple de toutes les vexations qui font l’occupation journalière du gouverneur actuel. Que lord Bathurst dise maintenant que sir Hudson Lowe n’a fait aucune restriction, que la correspondance du ministère a été entièrement à l’avantage des personnes détenues ; que le seul objet a été la sûreté de la détention. En proie à un traitement aussi absurde et aussi ignoble, l’Empereur n’est point sorti depuis plusieurs mois. Tous les gens de l’art peuvent prédire qu’il succombera à ce genre de vie. C’est une manière de l’assassiner aussi certaine et plus barbare que le fer et le poison. (Quelle horrible prophétie !)


Nos anxiétés, nos peines au sujet des nouvelles restrictions – Anecdotes de Campo-Formio. MM. de Cobentzel, Gallo, Clarke – Le comte d’Entraigues.


Lundi 10.

Nous étions convenus de nous réunir tous ce matin chez le grand maréchal pour conférer sur ce que le gouverneur venait de nous transmettre, afin d’adopter un parti uniforme.

En effet, le point était des plus difficiles et des plus graves. Il s’agissait de se soumettre à des restrictions nouvelles, de se placer sous la dépendance du gouverneur, qui en abusait d’une manière indigne, se conduisait vis-à-vis de l’Empereur sous les formes les plus indécentes,