Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/558

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pas été saisies ; qu’il est vrai que les gestes du gouverneur ne sont pas toujours en conformité avec sa pensée ; que si, dans une occasion, il a porté la main sur son sabre, c’était par l’effet d’une vieille habitude qu’il avait de l’élever entre son côté et son bras. J’ajoutai que le gouverneur lui-même m’avait ainsi expliqué le fait.

« Perragazzi, dottore, ajouta Napoléon, se non è bojat almeno ne ha l’aria. Mais vous a-t-il fait part des vexations qu’il ajoute à celles-là ? » Je répondis négativement. « Ah ! répliqua Napoléon, son certo che abbia qualche cosa sinistra in vista. »

Dans la soirée, le comte Bertrand est venu dans ma chambre. Il désirait traduire avec moi quelques parties des nouvelles restrictions. Elles étaient si odieuses à l’égard de Napoléon, qu’elles ne devaient pas être vraies. Quel tas d’infamies ; comment ! ces restrictions portaient que Napoléon ne s’éloignerait pas de la grande route ; que le chemin conduisant chez miss Masson lui était interdit ; qu’il ne pourrait entrer chez aucun habitant, ni parler à ceux qu’il rencontrerait dans ses promenades à pied ou à cheval. Je m’attendais à quelques mesures sévères du gouverneur, que j’avais déjà étudié, mais je ne m’attendais pas à tout cela. Je demeurai stupéfait à la lecture de cette pièce ; je crus avoir mal lu, je me mis à la relire plusieurs fois, me persuadant toujours que je ne comprenais pas. En ce moment, le colonel Wingard entra ; le comte partit quelques instants après ; je demandai alors au colonel, en lui communiquant mes traductions, si je ne m’étais pas trompé sur le sens des restrictions imposées. Sa réponse à chaque objet fut que j’avais parfaitement compris.

Le 12, l’Empereur m’a fait plusieurs questions sur les affaires et les ennuis de la veille, sur mon entrevue avec le gouverneur, et m’a touché, en souriant, la joue lorsque je lui ai dit que le gouverneur chargeait son gouvernement de la responsabilité de la nouvelle consigne.

L’argenterie brisée a été vendue hier à M. Balcombe, il a fallu pour cela l’autorisation de Hudson Lowe ; l’argent a produit sur-le-champ à peu près deux cent quarante livres sterling.

Le 15. L’Empereur est malade, sa tête souffre ; il éprouve un allanguissement général : il a même une légère fièvre. C’est le climat de l’île qui lui cause ces maux de tête si violents ; dès qu’il sent le soleil, il s’écrie : « C’est l’ombre d’Europe et de France qu’il me faudrait. « Veramante, ajouta-t-il, il faut de la résolution et une grande force d’âme pour supporter l’existence dans cet effroyable séjour, avec une