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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/609

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Longwood de deux livres de viande et d’une bouteille de vin, à cause du départ d’un domestique.

Les charretiers, chargés du transport des provisions, assurent que Thomas Reade examine le linge sale de Longwood lorsqu’il arrive à la ville. La comtesse Bertrand avait fait passer, dans le coffre contenant ce linge, des nouvelles qu’elle tenait de miss Chesborough. Le papier avait été mis négligemment sur le linge ; le coffre n’était pas fermé. Reade, en le voyant, s’écria que le règlement était violé, qu’il fallait renvoyer miss Chesborough. Il inspecta sans réserve le linge de la comtesse, fit de sales et indignes observations.

On m’avait dit que Napoléon avait sauvé la vie à Duroc lors des premières campagnes d’Italie ; celui-ci était arrêté et condamné pour cause d’émigration. L’Empereur, auquel je citai ce fait, parut étonné et me dit : « Il n’y a rien de vrai dans tout cela ? » J’ajoutai que je tenais cette version du marquis de Montchenu. « C’est faux, poursuivit Napoléon ; j’ai tiré Duroc du train d’artillerie, il n’était encore qu’un enfant et je l’ai protégé jusqu’à sa mort. Montchenu aura dit cela parce que Duroc était d’une ancienne famille, titre qui dispense de mérite aux yeux de cet homme. Il n’estime que ceux qui peuvent produire leurs quartiers de noblesse. Ces gens-là sont cause de la révolution. Avant 1789, un homme comme Bertrand, qui vaut à lui seul plus qu’une armée de ces féodaux, ne serait pas devenu sous-lieutenant, tandis que des parchemins gothiques faisaient un enfant général. Que Dieu ait pitié de toute nation qui, à l’avenir, sera gouvernée avec de pareilles idées ! La plupart des généraux de mon règne, dont les belles actions sont l’orgueil de la France, sortaient du peuple. Je ne comprends pas qu’on ait reçu la duchesse de Reggio comme première dame d’honneur de la duchesse de Berry, puisque son mari n’est qu’un soldat, sans aïeux d’une grande naissance. » Je lui demandai ce qu’il pensait du duc de Reggio, il me répondit : « C’est un brave homme, ma di poca testa. Il s’est laissé mener par sa jeune femme, qui sort d’une famille noble. Il m’a offert ses services au retour de l’île d’Elbe, et prêté serment de fidélité. — Croyez-vous qu’il aurait été fidèle ? — Il aurait pu l’être, j’ose même affirmer qu’il l’eut été, si j’eusse réussi. »

Napoléon dicte avec ardeur ses mémoires à MM. Bertrand et Montholon.

Le gouverneur fait des difficultés au sujet de la remise aux captifs de Longwood de l’argent produit par la vente de l’argenterie brisée. Cette somme est trop considérable, ajoute-t-il, pour être donnée ainsi. (Elle