Page:Lassalle - Capital et travail.djvu/119

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oh ! alors les travailleurs seraient en état de convoiter, d’après votre définition, tous les capitaux de l’univers, car il est réellement impossible de concevoir tout ce qu’ils n’ont pas consommé et en conséquence épargné, et dans une plus large mesure que vous et moi.

Mais je vous prouverai, en partie dans ce chapitre et en partie dans le chapitre suivant sur l’analyse objective du capital, que c’est le produit du travail d’autrui que les capitalistes « épargnent » sous le règne du capital.

Ici encore une autre question : tous les économistes déclarent le capital du travail accumulé (accumulated labour). Si c’est une définition qui n’embrasse pas toute la notion du capital, elle est au moins extérieurement juste.

Il ne peut pas exister de capital qui ne soit travail accumulé. Pourquoi changez-vous cette explication généralement usitée pour dire que le capital est le résultat de l’épargne, qu’il se forme quand quelqu’un n’emploie pas tout le produit de son travail, tout son revenu en dépenses improductives[1].

Au premier abord, cette définition parait être une circonlocution naïve, une variante innocente. Vous vous dites : Si le capital est du travail accumulé, ce travail pour être accumulé a dû ne pas être dépensé, par conséquent, il est le résultat d’une épargne, d’une mise en réserve du revenu.

  1. Toujours fidèle à Bastiat, qui (Harm. écon., p. 216) fait créer les capitaux des capitalistes par leurs privations. Mais quant à la base de cette illusion, elle se trouve dans toute l’économie libérale ; elle lui est propre et nécessaire, et se rencontre déjà chez Adam Smith et ses successeurs. Elle ne fait que s’accuser davantage chez MM. Bastiat et Schulze et, pour cela même, elle est plus grotesque.