Page:Lassalle - Capital et travail.djvu/50

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et le juste n’existeraient ni intérieurement ni extérieurement ; il n’y aurait rien d’obligatoire entre les hommes.

« Comme tout État est une société d’hommes réunis », dit Aristote en commençant sa doctrine sur l’État[1]. « Comme tout État est une société d’hommes isolés et abandonnés chacun à soi-même », dites vous en commençant la vôtre.

Vouloir fonder une société sur le principe de l'abandon de chacun à soi-même, ce serait la reculer même au delà du royaume nègre de Dahomey ; et, d’ailleurs, ce serait tellement contradictoire et impossible, que cela ne pourrait qu’exciter l’hilarité, dans le monde réel, où, par la dure nécessité des faits réels, de pareilles absurdités tombent d’elles-mêmes. Mais vouloir prêcher aux ouvriers une pareille conception de la société veut dire faire rétrograder leur conscience au delà de l’inconscience des nègres de Dahomey. Mais, comme la conscience humaine se laisse dévoyer pour un certain temps bien plus facilement que les institutions réelles, cela inspire un tout autre sentiment que l’hilarité !

Il est vrai que vous continuez :

« Que chacun porte lui-même les conséquences de sa conduite et de ses actions et ne les impute pas aux autres ; c’est sur la responsabilité de soi-même et la responsabilité morale que repose la possibilité de toute vie sociale entre les hommes ainsi que de l'État. »

Comme vous connaissez mal l’histoire, monsieur Schulze ! Au contraire, tout développement historique a toujours procédé beaucoup plus de la com-

  1. Arist. Polit., lib. I, c. I.