Page:Lassalle - Discours et pamphlets.djvu/165

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jusqu’à la Révolution Française. Déjà en 1672 on délibérait sur leur suppression dans la diète allemande — mais en vain. Même déjà en 1614, aux États généraux français, la bourgeoisie demandait leur suppression, parce qu’elles entravaient partout la production. En vain également. — Mieux encore, treize ans avant la Révolution, en 1776, un ministre français réformateur, le célèbre Turgot, supprime les corporations. Mais le monde féodal, privilégié, se considère et à juste titre en danger de mort, si son principe vital, le privilège, ne pénètre pas toutes les classes de la société, et c’est ainsi que six mois après la suppression des corporations, le roi se vit contraint d’abroger son édit et de les rétablir. Seule la Révolution — mais après la chute de la Bastille — put renverser ce que l’on avait en vain tenté de détruire légalement en Allemagne depuis 1672, en France depuis 1614, c’est-à-dire presque pendant deux siècles.

Vous voyez, par là, Messieurs, que, quels que soient les avantages que présentent les réformes accomplies par voie légale, ce chemin n’en présente pas moins pour tous les points importants un grand inconvénient. Ce moyen reste impuissant pendant des siècles entiers ; et, d’autre part, la voie révolutionnaire, bien que liée à d’incontestables inconvénients, a au moins l’avantage de conduire rapidement, énergiquement à des buts pratiques.

Retenons, Messieurs, pour un instant le fait que les corporations étaient indissolublement liées à toutes les institutions sociales du moyen âge. Vous voyez aussitôt que la première machine, cette machine à filer le coton qu’inventa Arkwright, contenait en elle une transformation complète de l’état social