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faction des besoins primaires et dans la situation de la classe ouvrière.

Mais ce qu’il me faut vous montrer, c’est qu’on se sert de ces lieux communs pour escamoter la véritable question. On la transforme en une autre, toute différente.

On vous trompe, Messieurs, on vous dupe.

Quand vous parlez du sort de l’ouvrier et de son amélioration, vous entendez comparer votre situation à celle dont vos concitoyens jouissent actuellement, vous la mesurez aux nécessités habituelles de l’époque.

On vous berne en feignant de comparer votre sort à celui des ouvriers des siècles antérieurs. Vous êtes en meilleure posture que les travailleurs d’il y a 80, 200, ou 300 ans, parce que le minimum des besoins ordinaires s’est élevé. Mais que vous importe ? quelle satisfaction cette constatation peut-elle vous procurer ? Cette circonstance a tout aussi peu de valeur, est tout aussi peu satisfaisante que le fait parfaitement établi que vous vous trouvez en meilleure position que les Botocudos et les sauvages anthropophages.

Chez l’homme, la satisfaction dépend toujours du rapport entre les besoins habituels à une époque et les moyens d’y pourvoir ; ou, ce qui revient au même, elle dépend de l’excès de ces moyens sur le minimum des nécessités habituelles. L’élévation de ce minimum suscite également des souffrances et des privations que les époques antérieures ne connaissaient nullement. Le Botocudo est-il privé de ne pouvoir s’acheter du savon ? L’anthropophage est-il privé de ne pouvoir porter un habit convenable ? Avant la découverte de l’Amérique, l’ouvrier était-il privé de ne pas fumer de tabac ? Avant